La charge de travail non rémunéré fait référence à l’ensemble des tâches et responsabilités effectuées par les femmes ou hommes à la maison, sans recevoir de rémunération en échange. Elles comprennent le ménage, la cuisine, la lessive, les soins aux enfants…
Bintou Diallo, ménagère, détaille sa journée : « je me lève à 5 heures, fais à manger pour toute la famille, met l’eau au feu pour que tout le monde se lave, lave les plus jeunes, les accompagne à l’école, avant de m’occuper de l’entretien de la maison. Je fais la cuisine trois fois par jour, l’entretien de la maison tous les jours, la vaisselle trois fois et la lessive au moins une fois. Ma journée n’est finie qu’avec la fin des tâches », dit-elle.
« Je vis chez ma tante depuis à l’âge de 6 ans. Contrairement aux autres enfants de mon âge lorsque j’étais gamine, je passais tout mon temps entre la cuisine et les tâches domestiques. A chaque fois que quelqu’un lui reprochait de me faire travailler autant, elle disait que je vis sous son toit et qu’elle me nourrit et que le minimum c’est de lui assurer les tâches d’une aide-ménagère. Pourtant, elle avait des enfants qui étaient plus âgés que moi ou qui avaient le même âge. J’ai grandi dans cette situation où j’ai toujours été traitée comme une « bonne » à la différence que je ne recevais absolument rien”, nous confie Mariam Traoré, mère au foyer.
Notre interlocutrice avoue qu’elle s’occupait de tout quand la belle-mère de sa tante était malade et ce durant des années. J’étais vraiment la « bonne » à tout faire jusqu’à ce qu’elle décide de me donner en mariage à un neveu de son mari, ajoute Mariam Traoré.
La charge du travail non rémunéré est généralement assumée par les femmes. Cette répartition inégale des tâches domestiques et des responsabilités de soin est souvent influencée par des normes sociales et des attentes culturelles qui assignent traditionnellement ces rôles aux femmes.
Cette charge de travail non rémunéré est essentielle au fonctionnement des foyers et à la cohésion sociale, mais elle est souvent invisible et sous-estimée. Elle peut également avoir des répercussions importantes sur la carrière professionnelle, la santé mentale et physique, ainsi que le bien-être des femmes qui en sont responsables.
Mme Diawara Bintou Coulibaly, présidente de l’Association pour le Développement des Droits de la Femme (APDF), pense qu’il n’est pas possible d’évaluer le travail des femmes au foyer. « Il faut juste les célébrer et leur rester reconnaissant », dit-elle.
Reconnaître la valeur du travail non rémunéré, promouvoir une répartition plus équitable des responsabilités domestiques et de soin, ainsi que mettre en place des politiques de soutien adéquates pour les aidants familiaux sont des éléments clés pour réduire les inégalités de genre et favoriser un équilibre plus juste entre vie professionnelle et vie personnelle. Dans notre société moderne, le travail rémunéré est souvent mis en avant et reconnu comme une contribution essentielle à l’économie. Cependant, il existe un autre type de travail tout aussi crucial mais souvent invisible et sous-estimé : le travail non rémunéré. Ce travail, réalisé principalement par des femmes, englobe les tâches domestiques, les soins aux enfants, aux personnes âgées et malades, ainsi que d’autres responsabilités non rétribuées qui contribuent grandement au fonctionnement de nos foyers et de notre société dans son ensemble.
Malgré les progrès vers l’égalité des sexes, les femmes assument toujours une part disproportionnée du travail domestique par rapport aux hommes. Cette inégalité de répartition des tâches domestiques a des répercussions sur la carrière professionnelle des femmes, leur bien-être mental et physique, ainsi que sur l’équilibre des couples.
Les femmes sont également plus susceptibles de prendre en charge les responsabilités liées aux soins aux enfants, aux personnes âgées et aux membres de la famille malades ou handicapés. Le fardeau financier et émotionnel de ces soins non rémunérés peut être énorme et souvent sous-estimé.
Pour un avocat, le droit du travail ne prend pas en charge le travail des femmes au foyer. Le Code du travail du Mali considère comme travailleur, « toute personne qui s’est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l’autorité d’une autre personne, physique ou morale, publique ou privée, laïque ou religieuse, appelée employeur ». Selon l’article 95 de la loi no 92-020 du 23 septembre 1992 portant du Code du Travail du Mali, « à conditions égales de travail, de qualification professionnelle et de rendement, le salaire est égal pour tous les travailleurs, quels que soient leur origine, leur sexe, leur âge et leur statut ».
La Convention n°189 de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques, établit les grands principes et mesures nécessaires à garantir un travail décent aux travailleurs domestiques. Ladite Convention affirme en son article 1 que « le travail domestique désigne le travail effectué au sein de ou pour un ou plusieurs ménages ». Pour le travailleur domestique, elle considère que « toute personne de genre féminin ou masculin exécutant un travail domestique dans le cadre d’une relation de travail ».
Pour Boubacar Konaté, économiste, le salaire est la rémunération d’un effort consenti (physique ou intellectuel) d’un agent économique dans un temps bien déterminé. Le salaire est le prix du travail. Dans une économie de marché, le salaire dépend du jeu de l’offre et de la demande, c’est à dire que le prix du travail est fixé selon le marché.
Les travaux domestiques non rémunérés sont essentiels pour le bon fonctionnement de l’économie, de nos sociétés, de nos familles etc. La contribution des femmes au foyer est estimée à 28.000 milliards de dollars USD. Et d’ici 2025, l’Observatoire national de dividende démographique, ONDD, évalue à 17,6 % du PIB, l’apport des femmes au foyer du Mali.
L’ONDD estime que les femmes passent plus de 21.6 heures à travailler par jour à la maison, d’où la nécessité de valoriser de travail et ces travailleuses.
Aminata Agaly Yattara
Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains, JDH et NED