Les tares du chronogramme qui nous ont valu le deluge de sanctions de la CEDEAO.
Le Sommet extraordinaire de la CEDEAO qui s’est tenu à Accra le dimanche 9 janvier 2022 était exclusivement consacré à la crise au Mali.
Il faisait suite au 60e sommet ordinaire de l’organisation tenu à Abuja le 12 decembre 2021 au cours duquel il avait été demandé aux autorités de la transition de soumettre au plus tard le 31 décembre un chronogramme pour l’organisation des élections sous peine de sanctions supplémentaires en plus des sanctions ciblées infligées précédemment.
Ainsi le 31 décembre, à l’issue des Assises Nationales de la Refondation, les autorités ont soumis un chronogramme de cinq(5) ans prenant effet le 1er janvier 2022. Le 8 janvier, faisant suite au message porté par médiateur de la CEDEAO en réaction au chronogramme, une mission s’est rendue à Accra pour soumettre un chronogramme rémanié.
La Sommet s’est tenu au lendemain de la remise de cette nouvelle proposition.
A l’issue de ses travaux le Sommet a adopté les sanctions suivantes:
” a) Fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Mali ;
b) Suspension de toutes les transactions commerciales entre les pays de la CEDEAO et
Mali, à l’exception des produits suivants : biens de consommation essentiels ; produits pharmaceutiques; les fournitures et équipements médicaux, y compris le matériel pour le contrôle du COVID-19 ; produits pétroliers et électricité;
c) Gel des avoirs de la République du Mali dans les Banques Centrales et Commerciales de la CEDEAO ;
d) Suspension du Mali de toute aide financière des institutions financières de la CEDEAO (BIDC et BOAD)”
Outre ce deluge de mesures dont l’effet est immédiat, la CEDEAO a également décidé de mobiliser ses forces en attente (des troupes) pour toute éventualité en raison du fait que la transition malienne constitue une menace pour la sous région.
La CEDEAO a relevé des points du chronogramme qu’elle a estimés inacceptables et qui ont motivé les mesures prises contre notre pays:
– le chronogramme qui est proposé est issu des ANRs auxquelles des acteurs importants du pays n’ont pas pris part, donc ils ne se reconnaissent pas dans la proposition;
– la durée de mise en oeuvre du chronogramme qui est de cinq(5) ans a été jugée inacceptable parce que anormalement longue pour une transition. Elle équivaudrait à une prise en otage du peuple malien par une transition militaire illégitime, alors que le CEDEAO exige le retour à l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais;
– Les grandes réformes prétendument identifiées par les ANRs ne doivent pas être portées par un régime de transition qui n’a aucune légitimité, mais plutôt par des autorités légitimes élues. Les réformes à mener doivent se limiter à celles qui concourent directement à l’organisation des élections dans les meilleurs délais.
La CEDEAO entend lever graduellement les sanctions après l’adoption d’un chronogramme acceptable et convenu et au fur et à mesure de la mise en de ce nouveau chronogramme.
La CEDEAO n’a pas voulu paraître nous imposer un chronogramme. Elle a renvoyé la balle dans le camp des Maliens en fixant ses paramètres.
Ce que je pense suit:
– face à l’adversité, je propose aux autorités d’éviter de réagir sous le coup de l’émotion. Qu’elles aient une démarche stratégique. Qu’elles évitent d’entendre les oiseaux de mauvais augure suggérant des réactions radicales et irréversibles. Ces incendiaires vivent en dehors du Mali et leur confort personnel ne sera nullement affecté par les sanctions;
– le PT doit initier, sans tarder, une CONCERTATION NATIONALE incluant en particulier tous ceux qui sont restés en marge de la transtion et des ANRs, pour s’entendre sur un dénominateur minimum commun.
Ce dénominateur devrait être axé sur un champ de réformes concourant directement à la tenue de élections dans un délai acceptable et convenu de manière consensuelle.
Cette concertation définira, par ailleurs, le profil des personnalités devant conduire la mise oeuvre du chronogramme.
Pour chaque catégorie d’actions, le délai d’exécution sera défini. La somme des délais permettra de déterminer la durée totale du chronogramme et de la nouvelle phase de la transition.
Si le principe en est accepté, cette concertation devrait avoir lieu avant le 27 février 2022. Au delà de cette date, la question de la légalité des autorités de la transition va être un autre point de discorde.
Pour conférer toute la crédibilité à la concertation, celle-ci devra être pilotée par une personnalité indépendante et neutre.
La concertation ne devrait pas durer plus d’une semaine.
Elle devra être facilitée par le médiateur de la CEDEAO.
Une telle solution endogène et consensuelle sera absolument acceptée par la CEDEAO et sa mise oeuvre diligente entrainera la levée rapide des sanctions.
Toute autre approche unilatérale sera hasardeuse et pleine d’impondérables.
Un chronogramme qui n’est pas le produit d’un consensus est voué à l’échec.
J’ai écrit ceci et je l’offre comme contribution au débat.
Cheick Sidi Diarra
Ancien Secrétaire général
Adjoint des Nations Unies
kelendji2@gmail.com