Les révélations provenant du rapport «Dirty Diesel» de l’ONG suisse «Public Eye» sur des carburants de qualité inférieure à destination de l’Afrique ont des retentissements au Mali. Dans ce dernier rapport intitulé «Comment les négociants suisses inondent l’Afrique de carburants toxiques», des sociétés suisses sont accusées d’exporter en Afrique des carburants toxiques qui peuvent être très dangereux pour la santé. Face à cette situation, deux ONG maliennes, à savoir, AMASBIF et AMEDD, viennent d’interpeller le gouvernement du Mali. C’était hier lundi, au cours d’une conférence de presse tenue au siège du Conseil national de la société civile (CNSC).
Cette conférence de presse était animée par la présidente de l’AMASBIF (Association malienne pour la sauvegarde du bien-être familial), Mme Barry Aminata TOURE ; le directeur de l’ONG AMEDD (Association malienne d’éveil au développement durable), Oumar SAMAKE, et le coordinateur de l’ONG AMASBIF, Djembéré Alamir TOURE.
L’objectif de cette conférence est de dénoncer l’attitude des négociants suisses et en même temps inviter le gouvernement malien à prendre rapidement les dispositions pour aligner les normes nationales sur les standards internationaux.
Mme BARRY Aminata TOURE a souligné que ce rapport «Dirty Diesel» de l’ONG suisse «Public Eye» est le résultat de 3 années d’enquête dans 8 pays de l’Afrique, à savoir l’Angola, le Bénin, le Congo-Brazzaville, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, le Sénégal et la Zambie.
Selon l’ONG, les sociétés Vitol, Trafigura ; Addax & Oryx et Lynx Energy «profitent» ainsi de la faiblesse des normes africaines pour y vendre des carburants de mauvaise qualité et «réaliser des profits au détriment de la santé de la population africaine». Certaines de ces sociétés de négociants ont acquis d’importants réseaux de stations-service en Afrique où ces carburants sont vendus.
Pour étayer ses accusations, l’ONG «Public Eye» a prélevé des échantillons à la pompe dans 8 pays, et a découvert que la teneur élevée en souffre ainsi des substances toxiques comme le benzène et les composés aromatiques à des niveaux interdits en Europe. Ces teneurs, a-t-elle fait savoir, mettent en danger la santé des populations exposées aux particules fines et d’autres substances chimiques cancérigènes.
Selon la conférencière, à contrairement l’Union européenne qui a limité la teneur en soufre des carburants à une valeur minimale de 10 parties par millions (ppm), soit 0,001% du volume, la plupart des pays d’Afrique subsaharienne n’ont pas adopté de réglementations strictes sur l’essence et le diesel. En moyenne, a-t-elle dit, nos pays tolèrent des carburants présentant jusqu’à 200 fois la teneur en soufre autorisé par la norme européenne. Le maximum de concentration a été détecté au Mali. Des taux de pollution alarmants, selon les ONG nationales comme AMEDD et AMASBIF
Pour Mme BARRY, en vendant ces carburants nocifs dans nos pays, ces négociants suisses contribuent à la pollution de l’air dont les conséquences sont néfastes pour la santé. Beaucoup trop de soufre et de particules fines dans les carburateurs des véhicules du pays, qui serait à l’origine de beaucoup de maladies respiratoires, cardio-vasculaires, l’asthme ou le cancer. L’impact direct sur la santé publique est estimé à 31 000 décès par an.
De son côté, le directeur de l’ONG AMEDD, Oumar SAMAKE, se dira s’est indigné de la situation avant de lancer un appel aux décideurs. «C’est également choquant que des décideurs africains acceptent de se faire approvisionner un carburant de mauvaise qualité, sachant bien que cela est nocif pour la santé. En tant que société civile malienne, on s’était dit que nos décideurs ne le savaient peut-être pas. Maintenant nous allons les informer pour qu’ils puissent prendre des dispositions urgentes», a-t-il déclaré. Pour SAMAKE, il faut, dans l’immédiat, réviser les standards maliens. «On ne peut pas comprendre qu’on continue à accepter que des négociants suisses nous fournissent de tels carburants ! C’est inacceptable ! Vraiment, à l’attention des décideurs africains, il est urgent qu’on agisse pour protéger les populations et protéger l’environnement qui est un bien commun mondial », a-t-il insisté.
Comment concevoir que l’on ne fasse pas la même chose pour les pays occidentaux et pour les pays africains, s’est indignée Mme BARRY ? «Il s’agit de la vie humaine ! Il n’y a pas de différence entre un Africain, un Européen ou un Américain quand il s’agit de la vie», a déploré la conférencière.
Après avoir dénoncé le taux anormalement élevé de soufre présent dans les carburants diesel ou essence, ces ONG demandent aux autorités nationales de revoir une législation qu’elles jugent obsolète, puisque datant de 1990.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source: info-matin