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Carburants : ce que nous payons

Alors que le coût de la vie se renchérit, inexorablement semble-t-il, au Mali, les consommateurs portent de plus en plus l’attention sur un poste de dépense important, le transport. Et qui dit transport dit carburant. Nombreux sont ceux qui se souviennent avec nostalgie de la période « où l’essence était à moins de 500 francs »… Aujourd’hui, passée la barre des 700 francs CFA, l’inquiétude grandit. Pourquoi, même quand le prix du pétrole baisse, il reste stable, voir augmente au Mali ? Allons-nous un jour acheter le litre de gasoil à 1 000 francs ? Ces interrogations recueillies auprès du citoyen lambda nous ont poussé à nous intéresser aux prix des hydrocarbures (hors gaz liquide). De quoi sont-ils composés et qui paie quoi ?

« Quand on augmente le prix du carburant, c’est pour toujours au Mali ». L’opinion de Maïmouna, perchée sur sa Djakarta (motocyclette très répandue à Bamako), est largement partagée par tous ceux qui s’expriment sur le sujet du prix du carburant au Mali. C’est un véritable poste de dépenses pour Birama qui y injecte le quart de son salaire chaque mois, lui qui s’occupe de livraison au centre-ville. Qu’ils soient chef de famille, ou étudiant, commerçante ou chauffeur de Sotrama, tous ont le même crédo : les prix pratiqués sont trop élevés pour le consommateur. Les associations qui les regroupent montent d’ailleurs fréquemment au créneau pour dénoncer les prix de l’essence, du gasoil et du pétrole, les trois produits largement utilisés au Mali. Si les récriminations des consommateurs n’arrivent pas toujours à faire baisser les prix, elles maintiennent la pression sur l’Etat qui veut avant tout maintenir la paix sociale, nous explique un cadre d’une compagnie pétrolière, qui cumule expérience et connaissance du secteur. Il faut comprendre comment le prix du carburant est fixé : « Ce travail est fait mensuellement par une commission », nous explique notre interlocuteur. « La Commission de suivi du mécanisme de taxation des produits pétroliers est composée des deux groupements des pétroliers opérants au Mali, des associations de consommateurs, de la douane, des impôts, de la Chambre de commerce, de l’Autorité routière ainsi que de la direction des transports. Cette commission est placée sous l’égide du ministre de l’Economie, des Finances et du Budget. Son secrétariat est assuré par l’Office national des produits pétroliers (ONAP). Elle se réunit le 10 de chaque mois et a pour mission d’analyser les fluctuations des prix fournisseurs, de proposer les révisions au niveau de la structure de prix et d’élaborer les documents administratifs nécessaires (arrêtés y afférents) ».

Décryptage

Après 2014, année où le baril de pétrole avait atteint le record de 115 dollars, les cours n’ont cessé de chuter sur les marchés internationaux. Le baril est ainsi passé en 2016 à environ 50 dollars américains. Si les pays producteurs se lamentent et cherchent à continuer à faire tourner leurs économies, les consommateurs eux se frottent les doigts à chaque baisse, espérant en voir les répercussions dans leur porte-monnaie. Or, selon les experts, les prix à la pompe ne sont pas liés directement aux prix du baril de pétrole brut. « Les prix à la pompe sont plus volatiles et composés en grande partie des droits et taxes qui constituent les recettes des différents pays importateurs. En outre, ils sont calculés sur la base des moyennes mensuelles des prix internationaux publiés par le PLATTS, alors que les prix du baril de pétrole brut varient à tout moment » explique notre conseiller technique. Il faut d’ailleurs noter que fin 2017, le cours moyen du brut est passé de 54 dollars à 62 dollars entre les mois de janvier et novembre 2017, soit une hausse de 15%, selon l’Office national des produits pétroliers (ONAP). Cette situation, évoquée lors du conseil d’administration  de la structure en décembre dernier, s’est traduite dans un premier temps par la répercussion partielle des effets de la hausse des prix fournisseurs et, depuis septembre 2017, par l’application effective du mécanisme de taxation des produits pétroliers dans une bande de 3%. En effet, le Mali a adopté un nouveau mécanisme d’ajustement automatique des prix qui vise la répercussion intégrale des variations des cours internationaux des produits pétroliers sur les prix à la pompe à l’intérieur d’un intervalle (ou marge) de 3%. Cela signifie que d’un mois à l’autre, toute variation des prix fournisseurs inférieure ou égale à 3% est intégralement répercutée sur les prix à la pompe. « Le nouveau mécanisme fonctionne dans les deux sens – hausses et baisses des prix fournisseurs – et permet de rattraper progressivement les niveaux des cours internationaux » explique un conseiller technique du ministère de l’Economie et des Finances.

Le prix du carburant dépend de trois facteurs essentiels, explique Damien Roques, directeur général de Total au Mali. « Il s’agit du prix d’achat du produit, des frais d’approche que comprennent le transport et le stockage, des droits et taxes payés au cordon douanier essentiellement et de la marge globale qui comprend le bénéfice de l’opérateur mais aussi la rémunération du gérant de la station ». Cette marge est, d’après la structure indicative de prix de décembre (celle de janvier n’était pas publiée au moment de notre parution, ndlr), de 50 francs CFA pour le super, 40 francs pour le gasoil et de 31,40 francs pour le pétrole. Il faut préciser qu’outre ces trois produits vendus en stations, il existe plusieurs autres produits pétroliers. Ce sont entre autres, les lubrifiants, le carburant pour les avions dénommé JetA1, le fuel lourd et léger, etc. Les prix de ces produits sont fixés par l’Etat. Au ministère de l’Economie et des Finances, on nous explique que « les prix fournisseurs et les droits et taxes représentent les principales charges. Les prix fournisseurs sont calculés à partir des prix du pétrole sur le marché international (publiés par le PLATTS, société qui fournit des informations des secteurs du pétrole, de l’énergie, des produits pétrochimiques, des métaux et de l’agriculture) et des cours moyens du dollar ». La fiscalité pétrolière au Mali s’inspire du schéma de taxation de l’UEMOA et comporte les droits de porte (droit de douane et redevance statistique), le prélèvement communautaire, la TVA, la Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Au Mali, les carburants supportent aussi une taxe parafiscale appelée Redevance autorité routière.

Pourquoi des différences de prix ? 

Les prix à la pompe fixés par la Commission sont des prix indicatifs plafonds. Les opérateurs pétroliers peuvent ainsi vendre les produits à des prix inférieurs aux prix indicatifs plafonds, en jouant sur leurs marges brutes. Ils n’ont cependant pas le droit de les vendre au-dessus des prix indicatifs plafonds. Les agents de la Direction générale du commerce, de la concurrence et de la consommation (DGCC) procèdent au contrôle des prix à la pompe des carburants pratiqués sur le marché. Mais la pléthore d’acteurs ne facilite pas ce travail. Il en existe plus de 70 dont cinq sociétés internationales. Les 5 sociétés étrangères couvrent 30% du marché et 10 des opérateurs maliens 50%, selon les chiffres du Groupement des professionnels du pétrole (GPP) qui regroupe les sociétés internationales, tandis que le Groupement malien des professionnels du pétrole (GMPP) regroupe pas moins de 67 opérateurs maliens. Le marché étant libéralisé, chacun de ces opérateurs peut pratiquer les prix qu’il désire, en tenant compte du prix plafond.

Evolution à la baisse ? 

Peut-on s’attendre à voir les prix descendre ? Non, si l’on doit se référer au cours publié sur les marchés. Le brent (pétrole brut) est encore monté en ce début 2018 et a dépassé les 68 dollars. Si l’on compte également que cette dernière devise est également à un fort taux de conversion, les calculs de la commission en ce 10 janvier ne devraient pas aller vers une baisse des prix à la pompe. Et « ce sont les pétroliers qui vont continuer à payer », déplore un des acteurs qui espère cependant que la hausse des ventes en station va permettre de compenser et de faire du chiffre. « Au niveau des pays où nous sommes orientés pour nous approvisionner, nous nous battons avec les traders, les partenaires commerciaux, pour avoir les meilleures conditions d’achat et minimiser les coûts », conclut-il.

Journal du mali

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