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Burundi : le principal parti tutsi quitte le gouvernement

Le Burundi s’est enfoncé dans la crise avec le départ de tous les ministres du gouvernement issus du principal parti tutsi, dernier épisode d’un conflit ouvert avec le camp du président hutu Pierre Nkurunziza.

Pierre Nkurunziza president burundais

 

 

Pour les observateurs, cette rupture entre le parti au pouvoir et son principal allié, l’Union pour le progrès national (Uprona), est un signe clair que le président Nkurunziza est prêt à tout pour décrocher un troisième mandat en 2015, quitte à saper l’équilibre politico-ethnique du pays.

Dans ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs, la Constitution garantit un partage du pouvoir entre la majorité hutu (85% de la population) et la minorité tutsi (14%), après des décennies d’affrontements intercommunautaires sanglants. Cet équilibre s’articulait jusqu’ici autour du tandem formé par le parti hutu au pouvoir Cndd-FDD et l’Uprona.

Mardi et mercredi, les trois ministres de l’Union pour le progrès national (Uprona) ont démissionné du gouvernement, a annoncé le parti.

L’Uprona était la seule formation burundaise d’opposition à n’avoir pas boycotté les élections générales de 2010. Les autres partis estimaient que les élections, remportées par le Cnnd-FDD et Pierre Nkurunziza, président sortant, étaient biaisées.

Le parti tutsi était depuis représenté au gouvernement par un vice-président et trois ministres. Mais ces derniers mois, il était devenu de plus en plus critique à l’égard du pouvoir sur des sujets sensibles comme l’éventuel troisième mandat du président Nkurunziza ou la révision de la Constitution.

Les tensions accumulées ces derniers mois entre l’Uprona et le camp Nkurunziza se sont transformées en crise ouverte en fin de semaine dernière, quand le ministre de l’Intérieur, Edouard Nduwimana a destitué le président de l’Uprona, Charles Nditije au profit d’un proche du parti au pouvoir. L’opération a été perçue comme une tentative de noyautage de la formation politique.

Pour avoir désavoué la décision du ministre de l’Intérieur, le premier vice-président burundais, Bernard Busokoza, membre de l’Uprona, a dans la foulée été limogé. Et mardi et mercredi, les ministres du Développement communal, Jean-Claude Ndihokubwayo, de la Communication, Léocadie Nihaza, et du Commerce, Victoire Ndikumana, ont tour à tour démissionné.

Fragile équilibre

Pour l’Uprona, les décision du gouvernement le concernant vont jusqu’à remettre en question “l’équilibre politico-ethnique prévu par l’accord de paix d’Arusha”, qui avait ouvert la voie à la fin de la dernière guerre civile (1993-2006).

Et pour Pacifique Nininahazwe, figure de la société civile burundaise, “l’implication directe” du président Nkurunziza, “prêt à tout faire pour décrocher un troisième mandat”, est “évidente” dans cette affaire.

Les observateurs s’accordent pour dire qu’en débarquant M. Nditije, Pierre Nkurunziza s’est débarrassé d’un rival de plus à l’approche des élections générales de 2015.

“Même s’il est à la tête de l’Uprona, Charles Nditije est un Hutu, de plus en plus populaire dans le sud du pays”, analyse un diplomate étranger. “Il a gagné en sérieux, en crédibilité, ce qui pourrait justifier l’acharnement du pouvoir”.

Avant M. Nditije, deux autres importants leaders hutu avaient été écartés de la scène : le chef des ex-rebelles des Forces nationales de libération (FNL), Agathon Rwasa, également destitué, et l’ancien vice-président de transition Frédéric Bamvuginyumvira, pressenti comme le candidat de la principale coalition d’opposition à la présidentielle, emprisonné pour une sombre affaire de moeurs.

Un porte-parole présidentiel, Willy Nyamitwe a réfuté “toute responsabilité du président et de son parti dans la crise de l’Uprona”, faisant aussi remarquer que “le président ne (s’était) pas porté candidat à la présidentielle jusqu’ici”.

Tentant de calmer le jeu avec l’Uprona, il a affirmé que des contacts étaient en cours pour revenir à une “situation normale”. Mais plusieurs personnalités du parti tutsi, approchées pour occuper les postes vacants, ont jusqu’ici décliné, selon des sources concordantes.

Pour les observateurs internationaux, ces événements dépassent la crise politique et risquent de raviver les tensions ethniques.

“S’attaquer au parti Uprona, c’est s’attaquer à la communauté tutsi”, s’inquiète le diplomate. “Beaucoup considèrent désormais que le parti au pouvoir a rompu le fragile équilibre instauré dans ce pays”.

Pour un haut fonctionnaire onusien, “la rupture” est d’autant plus délicate que le Burundi aussi frappé par une “crise économique”, qui alimente le mécontentement social.

source : afp

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