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Burundi : avec la nouvelle Constitution, Pierre Nkurunziza s’alloue les pleins pouvoirs

À terme, le président burundais pourrait se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034.

Un référendum sans surprise. Ce lundi, les Burundais ont largement approuvé une réforme de la Constitution qui pourrait permettre au président Pierre Nkurunziza de rester en poste jusqu’en 2034, selon les résultats provisoires. Le oui en faveur de cette révision constitutionnelle a obtenu 73,2 % des voix contre 19,3 % au non, a indiqué le président de la Commission électorale (Ceni), Pierre-Claver Ndayicariye. Ces chiffres n’incluent pas la diaspora, mais celle-ci ne représente que 0,27 % des votants. Les chiffres définitifs doivent par ailleurs être validés dans un délai de neuf jours par la Cour constitutionnelle.

Si les résultats jouent clairement en faveur de Pierre Nkurunziza, le contexte dans lequel ils ont été obtenus le discréditent. L’opposition estime ainsi que le référendum s’est tenu dans un climat de peur et a été marqué par des fraudes. Elle s’est également indignée du temps mis par la Ceni pour publier les résultats, y voyant la preuve d’une manipulation de certains chiffres.

Les pouvoirs de Pierre Nkurunziza renforcés

Il n’empêche, le président burundais, accusé de réprimer sans pitié depuis trois ans toute voix dissidente, a désormais la quasi-certitude de se maitenir au pouvoir pour encore de nombreuses années. La nouvelle Constitution lui permet ainsi de briguer deux autres mandats de sept ans, et ce, à partir de 2020. Même si Pierre Nkurunziza, âgé de 54 ans, n’a pas encore formellement annoncé qu’il se représenterait, une possible réconduction à la tête de l’État reste largement envisageable.

Lors de sa réélection en juillet 2015, il avait promis que ce serait son dernier mandat. Mais en décembre 2016, son discours change : il annonce qu’il pourrait se représenter pour un quatrième mandat en 2020, « si le peuple le demand(ait) ». Le nouveau texte donne désormais les mains libres à M. Nkurunziza, qui concentrera désormais seul tous les leviers du pouvoir exécutif. Il acte aussi la mainmise totale de son parti, le CNDD-FDD, sur les institutions et la dérive autocratique du pouvoir depuis 2015.

Des menaces et des exactions dénoncées par l’opposition

Avec un taux de participation de 96,4 %, le pouvoir a réussi à donner un vernis de légalité à cette consultation. Le oui l’emporte même très largement dans des provinces pourtant entièrement acquises à l’opposition, comme Bujumbura rural (75,7 %), fief de M. Rwasa. Mais pour les opposants à la réforme, c’est surtout la peur qui a conduit les Burundais à voter et à approuver la réforme. L’ancien leader rebelle hutu Agathon Rwasa, chef de la coalition d’indépendants Amizero y’Abarundi (Espoir des Burundais), a annoncé dès samedi qu’il ne reconnaissait pas les résultats. Il entend présenter un recours devant la Cour constitutionnelle, qui n’a aucune chance d’aboutir, celle-ci étant depuis 2015 complètement soumise au pouvoir. Il estime que le processus électoral n’a été « libre, ni transparent, ni indépendant, encore moins démocratique », en raison des « intimidations et (du) harcèlement » dont a été victime la population de la part du CNDD-FDD, selon des propos relayés par l’AFP.

Selon son mouvement, des responsables des bureaux de vote membres du CNDD-FDD, ainsi que des Imbonerakure, la ligue de jeunesse de ce parti, ont forcé des électeurs à voter oui. « Le référendum au Burundi a eu lieu dans un climat d’abus généralisés, de peur et de pressions, qui clairement n’est pas favorable au libre choix », avait également estimé au lendemain du référendum Ida Sawyer, directrice pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch (HRW). La campagne référendaire avait été marquée par des abus, HRW ayant documenté « quinze meurtres, six viols en forme de punition contre des gens perçus comme hostiles au CNDD-FDD, huit enlèvements et de nombreuses autres violations ». Le régime a rejeté l’ensemble de ces accusations. Le responsable de la communication présidentielle, Willy Nyamitwe, a dénoncé « une campagne pour ternir l’image du Burundi ».

Des violences qui entérinent les accords d’Arusha

Depuis sa candidature à un troisième mandat en avril 2015, contestée par l’opposition, la société civile et une partie de son camp, Pierre Nkurunziza a mené une répression brutale dans son pays, qui a fait au moins 1 200 morts et plus de 400 .000 réfugiés. Celui qui a récemment été élevé par le CNDD-FDD au rang de « Imboneza yamaho » (Visionnaire) est accusé d’avoir instauré un régime de terreur, dont les bras armés sont le Service national de renseignement (SNR) et les Imbonerakure, un groupe qualifié de milice par l’ONU.

Pour ses critiques, ce référendum enterre ainsi les derniers espoirs d’un retour au dialogue et casse l’équilibre politico-ethnique garanti par l’accord de paix d’Arusha, signé en 2000. Cet accord avait ouvert la voie à la fin de la guerre civile (plus de 300 000 morts entre 1993 et 2006), en instaurant un système de partage du pouvoir entre les deux principales ethnies, Hutu et Tutsi. Des directives que Pierre Nkurunziza semble avoir définitivement enterrées.

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