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Burkina Faso: l’avertissement africain

La chute du président du Burkina Faso souligne le décalage entre des tyranneaux prêts à tout pour rester en place et des sociétés en plein devenir.

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Tandis que l’Europe s’inquiète à loisir pour son avenir, le problème de l’Afrique reste le présent immédiat, invariablement chaotique. Virtuellement, lit-on dans de nombreuses analyses prospectives, c’est le continent qui offre les plus grandes ressources en matières premières, qui présente les possibilités de croissance les plus prometteuses et les perspectives de développement les plus fortes. Virtuellement.

Mais les économistes se situent à des années-lumière de la politique. Or c’est sur le front du quotidien que la désespérance déchaîne les foules, puisque l’injustice dévore instamment les peuples et les prive tout à la fois de la prospérité et de la liberté de choisir leurs dirigeants.

Ainsi la chute du président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, au terme de vingt-sept ans de règne, apparaît-elle comme l’indice frappant du décalage qui existe entre des tyranneaux prêts à tout pour rester en place et des sociétés en plein devenir, que ces autocrates en échec permanent s’acharnent à étouffer. Ce paradoxe va-t-il s’estomper, verra-t-on la fracture entre un réel misérable et un potentiel formidable enfin se réduire ?

La chute de Compaoré -un des doyens des chefs d’Etat africains, renversé au cri de “Dégage !”- prend à certains égards les traits du printemps arabe, y compris dans la faiblesse endémique des forces d’alternance.

L’Afrique “à l’ancienne” déphasée

Au Burkina comme ailleurs, l’armée répond aussitôt présente. Il est sans doute prématuré d’affirmer qu’une page vient de se tourner ; mais on peut d’ores et déjà noter que l’Afrique “à l’ancienne” perd un de ses principaux représentants. Il en reste bon nombre, qui doivent méditer l’avertissement en silence. Paul Biya, au Cameroun, est installé depuis 1975, d’abord comme Premier ministre, puis en tant que président. Teodoro Obiang Nguema Mbasogo est à la tête de la Guinée équatoriale depuis le coup d’Etat qu’il a fomenté en 1979, année au cours de laquelle José Eduardo Dos Santos a également pris le pouvoir en Angola. Robert Mugabe, Premier ministre du Zimbabwe avant de s’emparer de la présidence, est à peine moins ancien, puisque son ascension remonte à 1980. L’Ouganda et le Swaziland (qui a un roi) n’ont pas connu de nouveau chef d’Etat depuis 1986. Rappelons, enfin, qu’en 2012 le précédent président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a perdu la présidentielle après avoir tout fait pour obtenir une modification constitutionnelle qui lui aurait permis de se présenter trois fois.

A force de manipuler les élections, d’éliminer ou d’écarter les opposants de différentes manières, de modifier les Constitutions afin de garder les rênes coûte que coûte, les autocrates africains font désormais figure de satrapes sursitaires face à leurs peuples qui n’en peuvent plus. En comparaison avec les régimes autoritaires d’Asie, qui conjuguent souvent dictature et productivisme, l’Afrique paraît singulièrement déphasée : si les populations changent et si les jeunesses prolifiques aspirent à un renouveau, comment les leaders d’hier peuvent- ils encore se maintenir ?

Un tel palmarès contribue fortement au retard de l’Afrique, par ailleurs caractérisée, dans des zones instables comme le Sahel (on l’a vu au Mali), par la faiblesse endémique de ses dirigeants face à l’islamisme, y compris quand ils jouent des pouvoirs et de la corruption ensemble, comme au Nigeria. Autant dire que cette complexité croissante s’adresse aux principaux partenaires de ces régimes, trop accaparés ou trop faibles, parmi lesquels la France se trouve, dans l’ouest du continent, en première position.

Compaoré a déployé tous ses efforts afin de passer pour le meilleur allié de l’Occident : interlocuteur privilégié de Paris, il a joué un rôle décisif dans la libération d’otages européens, de même qu’il a su inspirer confiance aux services de renseignement américains. Il n’est plus là. D’autres chutes se profilent, auxquelles l’Europe et les Etats-Unis devront faire face avec une tout autre “boîte à outils”, qui accordera plus de poids aux peuples qu’à ceux qui s’en servent.

source : lexpress

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