C’est une des images qui aura le plus marqué la campagne électorale mexicaine: un candidat à un siège de député prend un « selfie » avec une supportrice lorsqu’un homme adossé à un mur, coiffé d’une casquette, s’approche de lui par derrière et lui tire une balle dans la tête.
Fernando Puron, candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), est l’un des 136 politiciens assassinés depuis le début du processus électoral, selon le cabinet d’études Etellekt.
La campagne pour les élections générales de dimanche est de loin la plus sanglante qu’ait connue le Mexique.
Au moment de son meurtre le 8 juin dernier, Puron, 43 ans, sortait d’un débat où il s’était engagé publiquement à combattre les cartels de la drogue, rappelant les efforts menés contre les Zetas à Piedras Negras dans l’Etat de Coahuila (nord) où il avait occupé le poste de maire.
Au total, 48 candidats au scrutin du 1er juillet ont été assassinés, précise Etellekt.
Un nombre significativement plus élevé qu’en 2012 où neuf hommes politiques avaient été abattus ainsi qu’un candidat.
Ce chiffre alarmant témoigne de la pénétration croissante du crime organisé au niveau local.
Les criminels cherchent à contrôler les pouvoirs politiques locaux pour préserver ou étendre leur territoire et accéder aux ressources publiques, selon les experts.
Les élus locaux doivent désormais « obéir aux ordres des tueurs ou des chefs de cartel » qui contrôlent le marché, souligne l’analyste Carlos Ugalde, ancien responsable de l’autorité électorale fédérale.
« S’ils pensent qu’un homme politique ne va pas travailler pour eux, ni négocier, ni se soumettre, alors ils le tuent » explique-t-il à l’AFP.
– Stratégie en échec –
La violence politique électorale s’inscrit dans une vague de violence générale qui touche l’ensemble du Mexique. Plus de 200.000 personnes ont été tuées depuis 2006, année où le gouvernement de Felipe Calderon (2006-2012) a déployé l’armée dans les rues pour démanteler les cartels.
Cette stratégie a abouti à fragmenter les groupes criminels en cellules plus petites et plus violentes.
« Une infinité de cellules criminelles ont émergé et se mènent une lutte croissante pour contrôler des territoires et les routes de la drogue » déplore le directeur de Etellekt, Ruben Salazar, très critique vis-à-vis de la stratégie choisie par les autorités.
Ces cellules vivent du trafic de drogue mais pratiquent également des extorsions, des enlèvements ou encore du vol de carburant.
L’an dernier, le chiffre record de 25.339 assassinats a été enregistré dans le pays.
Les crimes sont en hausse aussi bien dans des destinations touristiques haut de gamme, telles Los Cabos en Basse-Californie du Sud (nord-ouest), que dans les régions les plus défavorisées comme l’Etat de Guerrero (sud).
Corps mutilés, brûlés, abandonnés sur les routes, policiers ou militaires attaqués par des criminels lourdement armés, corps décapités flottant dans des rivières: autant de visions d’horreur qui font désormais presque partie du quotidien des Mexicains.
La violence a été le thème central de la campagne dans ce pays de 120 millions d’habitants, dont un peu plus de 50 millions vivent dans la pauvreté.
Mais le fait qu’elle s’invite également dans le processus électoral de cette manière est inédit.
Il est souvent difficile de savoir les raisons qui conduisent au meurtre d’un homme politique.
Certains, comme Puron, affichaient leur volonté de lutter contre les cartels.
D’autres sont parfois visés pour s’être associés à un groupe criminel rival.
« Nous devrions nous demander combien de candidats sont tués parce qu’ils sont mêlés au crime organisé », relève Ugalde. « c’est le problème principal » dit-il.
Pour Sergio Aguayo, expert en sécurité au Colegio de Mexico, le pays fait face à un grave problème de « complicité entre les fonctionnaires et les criminels ».
Indépendamment de la tournure que prendront les élections de dimanche, cette complicité est préoccupante pour le futur de la démocratie mexicaine.
« Je ne connais pas un autre pays où le crime organisé a pris autant de pouvoir qu’au Mexique », avertit Aguayo.
Journal du mali