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Brexit : le Royaume-Uni à la recherche de nouveaux marchés en Afrique

Avant de quitter l’Union européenne, le Royaume-Uni doit trouver des accords commerciaux avantageux avec de nouveaux partenaires. C’est pourquoi , à moins de deux semaines du Brexit, Londres organisait un sommet Royaume-Uni – Afrique espérant ainsi la signature d’accords commerciaux entre entreprises britanniques et africaines pour plus de 7,5 milliards d’euros. Mais cela suffira-t-il à pallier le manque à gagner d’une sortie de l’union douanière ?

L’Afrique est l’avenir, et le Royaume-Uni a un rôle énorme et actif à jouer dans cet avenir. Et j’espère que vous êtes d’accord. Parce que nous sommes et nous serons un partenaire, votre partenaire à travers les épreuves.” Boris Johnson veut y croire. En ouverture du sommet Royaume-Uni – Afrique ce lundi 20 janvier, le Premier ministre britannique l’affirmait : Londres sera le partenaire de l’Afrique “contre vents et marées“.

Seize dirigeants africains (sur 21 pays représentés) avaient fait le déplacement dans la capitale britannique pour sceller de nouveaux partenariats commerciaux. Des chefs d’États pour l’essentiel anglophones mais pas seulement : le président ivoirien Alassane Ouattara ou son homologue congolais, Félix Tshisekedi étaient également présents.

Un sommet initialement pensé par la prédécesseure de Boris Johnson, Theresa May.
Lors sa visite en Afrique du Sud en août 2018, l’ex-Première ministre avait souhaité que le Royaume-Uni devienne “le premier investisseur des pays du G7 en Afrique”.

Theresa May pariait en effet sur la vitalité et les opportunités qu’offrent les économies africaines, notamment l’Afrique du Sud et le Nigeria, deuxième étape de sa visite sur le continent. Des visites qui ne sont pas dues au hasar  : les deux pays faisant partie du Commonwealth.

Le Commonwealth

Né de l’après-guerre et de la décolonisation britannique initiée en Inde, le Commonwealth (Communauté des Nations) regroupe aujourd’hui 53 pays. Pour la plupart il s’agit d’anciennes colonies, soit environ 2,4 milliards de personnes réparties sur les cinq continents. La Reine Elizabeth II est le symbole de cette libre association de nations et le monarque des 16 pays parmi lesquels le Canada. Toutes les nations du Commonwealth sont réunies par la langue et des valeurs communes éditées dans sa Charte (démocratie,  séparation des pouvoirs, liberté d’expession, égalité…) Les États membres se réunissent régulièrement et le prochain sommet du Commonwealth aura lieu au Rwanda (par ailleurs membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie) en 2020.

Le Commonwealth : miroir aux alouettes ?

Ceci repose sur “des bases très fragiles et illusoires“, rappelle Mélanie Torrent, professeur à l’Université de Picardie, spécialiste de l’histoire du Royaume-Uni et du Commonwealth. Selon elle, “si les traditions partagées par les pays du Commonwealth peuvent être un environnement plutôt favorable pour stimuler les échanges – c’est finalement assez peu. Le Commonwealth ne représente à l’heure actuelle qu’environ 9% des échanges britanniques. Sans compter que pour plusieurs pays importants, comme l’Inde, l’Union européenne dans son ensemble est un partenaire commercial important, de même que les États-Unis.”

Et concernant l’Afrique ? Le cas est particulier explique Mélanie Torrent.
Le référendum de 2016 et les débats sur les modalités du Brexit interviennent dans le contexte de la renégociation des Accords de Cotonou et la signature d’accords de partenariat économiques avec l’Union européenne qui sont l’objet de vives critiques de la part de plusieurs grands pays africains du Commonwealth, dont le Nigeria et la Tanzanie. Les investissements et les échanges commerciaux avec le Royaume-Uni pourraient donc être pour les pays africains une possibilité d’obtenir de meilleurs conditions, à la fois de Londres et de Bruxelles,” précise la chercheuse.

Les accords de Cotonou

Adopté en juin 2000 pour remplacer la Convention de Lomé de 1975, il ‘agit du cadre général dans lequel s’inscrivent les relations entre l’Union européenne, d’une part, et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d’autre part. Soit les états membres de l’UE et 79 autres pays, dont 48 pays d’Afrique subsaharienne, pour une population totale d’environ 1,5 milliard de personnes.

L’UE a négocié une série d’accords de partenariat économique (APE) avec les 79 pays ACP. “Ces accords ont pour but de créer un partenariat commun en matière de commerce et de développement, soutenu par une aide au développement“.

Négocié pour 20 ans, les accords de Cotonou expireront en février 2020. Des travaux et des négociations ont d’ores et déjà commencé à Bruxelles pour un futur partenariat avec les pays de la zone ACP.

Mais alors quelle pourrait être la stratégie de Londres pour développer des partenariats économiques avec les pays africains ? Aujourd’hui, rappelle François Gaulme, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri “les Africains demandent plus d’égalité. Ils trouvent que l’Europe est trop autoritaire, trop dominatrice. Le Royaume-Uni a promis de ne pas se comporter ainsi. L’intérêt pour les pays africains c’est que ce seraient des partenariats plus égalitaires, où ils auraient plus leur mot à dire. C’est ce qu’ils attendent.”

Et certains pays africains, comme la Côte d’Ivoire, comptent bien profiter de cette nouvelle donne.

Londres à la conquête de l’Afrique

Présent au Sommet de Londres, Alassane Ouattara a prononcé un discours à la Chatham House (le Royal Institute of International Affairs, un institut de réflexion économique). Dans celui-ci, il s’est attelé à défendre son bilan économique. Il a ainsi rappelé les chiffres établis par la Banque Mondiale : depuis 2011, l’économie ivoirienne a progressé à un rythme moyen de 8% par an, ce qui en fait l’un des pays les plus dynamiques du monde.

Et c’est d’ailleurs ce qui intéresse Londres nous explique François Gaulme. Le Royaume-Uni parie sur “deux volets principaux : la sécurité et le développement économique. En termes de sécurité il s’agit d’appui à la lutte antiterroriste. C’est un appui indirect, pas un déploiement de troupes comme le font les Français. Cela consiste en des programmes de formation et le déploiement de forces spéciales. Concernant les investissements commerciaux, les Britanniques privilégient des secteurs comme les énergies renouvelables, les infrastructures et les technologies de pointe.

Pour Peg Murray-Evans, chercheuse à l’Université de York et spécialiste des relations commerciales entre l’Afrique et l’Union Européenne : “il y a des perceptions très différentes de ce que chaque partie pourrait gagner dans un partenariat entre le Royaume-Uni et l’Afrique. De nombreux pays africains pourraient être intéressés par la réforme et la libéralisation des régimes de visas du Royaume-Uni. Tandis que Londres est principalement intéressée par de nouvelles opportunités d’investissement. Par exemple via la libéralisation des services et des régimes d’investissement, ce que les pays africains se sont montrés très réticents à faire dans les négociations avec l’Union européenne.

Plus de sept milliards d’euros de contrats signés

Jusqu’à présent Boris Johnson, n’avait pas vraiment exposé sa stratégie concernant l’Afrique. “Il n’a fait que revalider la politique de Theresa May. Et le sommet de Londres a été préparé par les diplomates et les hauts fonctionnaires,” rappelle François Gaulme de l’Ifri. Largement distancé par des pays comme la France ou la Chine, le Royaume-Uni espère tout de même faire entendre une musique différente.

C’est pourquoi le Premier ministre britannique s’est voulu offensif et a présenté le Brexit comme une opportunité pour l’Afrique. “Notre système (migratoire) devient plus juste et plus équitable,” a plaidé Boris Johnson devant le parterre de représentants de 21 pays africains. Après le Brexit, les citoyens Européens ne seront plus favorisés. “En privilégiant les gens avant les passeports, nous serons en mesure d’attirer les meilleurs talents du monde entier – où qu’ils soient,” a-t-il promis.

En attendant la sortie de l’Union européenne, toute une série de contrats ont d’ores et déjà été signés entre des entreprises britanniques et les pays africains invités à Londres, pour un total de 7,5 milliards d’euros.

À part la Côte d’Ivoire, qui bénéficiera d’un investissement de près de 95 millions d’euros de l’entreprise britannique Aggreko pour la fourniture d’énergie et la Tunisie, 31 millions pour la production de pétrole et de gaz, l’Afrique francophone est quasi absente des annonces finales du sommet de Londres. Preuve que le Royaume-Uni a encore du mal à sortir de sa zone de confort en Afrique anglophone.

TV5

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