Sale temps pour les vendeurs et les acquéreurs des bâtiments administratif au Mali. Le Président de la transition, le colonel Assimi Goïta, lors de la présentation de vœux, le 15 janvier 2024, aux forces vives de la nation, a instruit aux ministres de la justice de relancer le dossier.
Sous le régime du président feu Ibrahim Boubacar Keita (IBK), plusieurs bâtiments publics ont été frauduleusement expertisés puis cédés à certains opérateurs économiques à des prix de vente quatre fois inférieurs à la valeur réelle de ces édifices. Au total, 22 bâtiments publics relevant du patrimoine immobilier de l’État, ont été bradés puis loués souvent à ce même État-vendeur. Un véritable hold-up qui fait, aujourd’hui, la fortune de plusieurs opérateurs économiques, fonctionnaires et intouchables de l’ancien régime. Révélations sur un scandale de l’ère IBK.
Face à l’opacité qui entoure la cession de ces bâtiments publics, il a été relevé une série de violation des clauses du Mandat conféré à l’Agence de Cessions Immobilières (ACI). Pour un départ, le Pôle économique et financier de la commune III du district de Bamako, avait ouvert le jeudi 29 avril 2021, une enquête afin de « faire toute la lumière sur la régularité formelle et les conditions de fonds de ces opérations ». Afin de faire la lumière sur ces violations, le Gouvernement de la transition a commis l’Inspection des Domaines et des Affaires foncières à entreprendre des investigations qui ont abouti à des constatations, notamment le non reversement à l’État d’importantes sommes issues de la vente desdits bâtiments.
Au regard des éléments nouveaux qui ressortent du rapport d’Inspection, le Conseil des Ministres du mercredi 6 Avril 2022 a instruit le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat, des Domaines, de l’Aménagement du Territoire et de la Population d’engager des poursuites à l’encontre des personnes impliquées. Mieux, le président Assimi, lors de la présentation de vœux aux forces vives de la nation a instruit au ministre Kassogué de la Justice de relancer le dossier.
Des ventes opaques à des opérateurs économiques véreux et des prête-noms connus
L’État malien fait face à une insuffisance criarde de patrimoines immobiliers, au point que beaucoup des services publics sont en location.
Malgré cette situation, l’État du Mali a mandaté en 2013, l’Agence de Cessions Immobilières (ACI-SA) a cédé certains bâtiments administratifs afin de réaliser avec le produit de la vente de nouveaux immeubles pour reloger des services. Ledit mandat a porté sur 22 bâtiments administratifs, sur lesquels 17 ont fait l’objet de cession opaque. Aujourd’hui, il est difficile de concevoir que les immeubles de l’État malien soient bradés à vil prix par des personnes malhonnêtes n’ayant aucun droit de propriété sur lesdits immeubles, avec la complicité de certains agents de l’État, à des opérateurs économiques proches de l’ancien régime. C’est là, un véritable scandale qui mérite de sérieuses enquêtes afin de faire la lumière sur cette casse du siècle opérée sous le régime IBK.
Du coup, il urge que la Justice donne une suite à ce dossier scandaleux qui ne peut rester impuni. Les Autorités de la Transition sont attendues. En tout cas, cette affaire coupe le sommeil à des hauts cadres de l’État qui ont participé aux bradages de ces bâtiments et les opérateurs économiques, proches de l’ancien régime, qui sont cités dans cette affaire rocambolesque qui ne peut laisser indifférent surtout, quand on sait que plusieurs services de l’État sont en location. Mais le plus effarant dans ce puzzle pour les maliens, est le fait que ces bâtiments cédés sont à nouveau loués par leurs nouveaux acquéreurs à l’État malien, à des prix faramineux au détriment des contribuables.
Un des motifs de la cession de ces bâtiments était la construction d’un nouveau centre administratif au Mali, en l’occurrence la Cité administrative devant abriter tous les ministères et certains services publics. Sauf que, le prix total de la « moisson » issue des bâtiments bradés et le nécessaire pour la construction d’une cité administrative digne de son nom, le gap est de trop.
Comptant 22 bâtiments, la Cité administrative de Bamako a coûté un peu plus de 53 milliards FCFA. Pourtant, la recette de ces 22 bâtiments bradés se chiffre à 17,3 milliards de francs CFA. Du moins, si l’on en croit des sources. Une autre anomalie de cette affaire est que malgré les ventes des bâtiments de l’État aux commerçants et opérateurs économiques, les édifices figurent toujours sur la liste du patrimoine immobilier de l’État. Ce qui les exemptent aussi du paiement des impôts et taxes à l’État malien.
En revanche, plusieurs questions demeurent : quels critères ont été pris en compte pour fixer les prix de ces immeubles? Et surtout où sont parties les recettes des ventes ? Plus d’un malien voudrait savoir si toutefois, les bâtiments bradés retourneront dans les girons de l’État malien ?
Des fausses expertises pour minorer la valeur réelle des bâtiments publics
Pendant que l’État malien fait face à une insuffisance criarde de patrimoines immobiliers au point que beaucoup des services publics sont en location, il est difficile de concevoir que les bâtiments publics soient bradés à prix dérisoires par des personnes n’ayant aucun droit de propriété sur lesdits immeubles avec la complicité de certains agents de l’État à des opérateurs économiques. La liste des immeubles bradés, leurs prix de cession et les adjudicateurs, tous des opérateurs bien connus, continue toujours de défrayer la chronique. Quelle sera aujourd’hui, la suite de cette affaire ?
Des bâtiments vendus et toujours sur la liste du patrimoine de l’État
Malgré la vente des bâtiments de l’État aux commerçants et opérateurs économiques, les édifices figurent toujours sur la liste du patrimoine de l’État. Une situation qui les exemptent aussi du paiement des impôts et taxes à l’État malien.
À en croire des sources, certains de ces bâtiments bradés sont toujours en location pour loger les services de l’État, à plusieurs centaines de millions de FCFA par an.
Sous la transition de 2012 et sur instruction du ministre du Logement, de l’Urbanisme et des Affaires foncières de l’époque, M. David Sagara, un mandat n°0001 a été émis le 25 juillet 2013 pour la vente des bâtiments publics de l’État. Et c’est en 2014, sous le premier gouvernement d’IBK que le ministre de l’Urbanisme et de la Politique de la Ville, M. Moussa Mara, a établi les premiers contrats de vente des édifices de l’État. Une commission dirigée par le DG de l’ACI de cette époque, M. Cheick Sidi Yaya Sissoko dit Kalifa, a déclenché la vente des premiers lots de bâtiments de l’État. Plusieurs sources confirment que les expertises effectuées par l’ACI pour établir les contrats de vente de ces immeubles sont fausses. Mieux, d’autres lots de bâtiments ont été vendus pendant que Mohamed Aly Bathily était le ministre des Domaines de l’État.
Des milliardaires du jour au lendemain
Plusieurs experts confirment que les prix de vente ont été réduits au quart (1/5) du prix réel des bâtiments contre le reversement de plusieurs millions aux membres de la commission de vente dirigée par le PDG de l’ACI de l’époque, M. Kalifa Sissoko. De nombreux fonctionnaires qui ont fait partie des commissions de cession sont devenus (pour la plupart) des milliardaires. À commencer par le Directeur général de l’ACI de l’époque, M. Cheick Sidi Yaya Sissoko dit Kalifa qui fut par la suite ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat du gouvernement IBK. Une promotion pour couvrir les arrières.
Ont également amassé des fortunes, M. Kalilou Sissoko, Directeur Commercial de l’ACI ; M. Mama Djénépo, Secrétaire général du ministère des Domaines de l’État et des Affaires foncières de l’époque ; monsieur Sadibou Diabaté, ancien DG du Patrimoine bâti de l’État ; madame Sy Awa Diallo, Directrice nationale des Domaines et du Cadastre, au moment des faits.
Un scandale fumant…
Mais, pour les autorités transitoires au Mali, c’est cette situation pour le moins accablante que la justice s’apprête à déballer. D’où le lieu pour le Président de la transition d’instruire au ministre de la Justice de relancer le dossier et d’engager des poursuites à l’encontre des personnes impliquées
À en croire nos sources, généralement, bien informées, il s’agira pour la justice de faire toute la lumière sur la vente des immeubles de l’État sous le régime IBK. Une vente en proie à l’opacité.
Sur une télévision privée, Me Kassoum Tapo, l’ancien Garde des Sceaux du mini gouvernement, avant la chute d’IBK, n’a pas hésité de citer nommément un ancien ministre d’avoir : « vendu 27 immeubles de l’État, dont la liste se trouve à la Chambre de Commerce du Mali (CCIM) ».
Ces accusations auraient bien pu passer inaperçues, si elles n’émanaient pas d’un homme de droit, surtout un ancien ministre de la Justice. Il urge pour les autorités de la transition, de faire toute la lumière sur ce dossier afin d’en disséquer le vrai du faux. Car dans les secrets de ce dossier qui coupe le sommeil à des barons de l’ancien régime et leurs complices, plus d’un malien voudrait savoir si toutefois, les bâtiments ont été mis aux enchères. Quels critères ont été pris en compte pour fixer les prix ? Et surtout où se trouvent les recettes des ventes ?
En tout état de cause, les acquéreurs ne peuvent aucunement se prévaloir de leur propre turpitude, sachant bien que ces immeubles, au regard de leur emplacement, et surtout de leurs prix de cession, ont été bien bradés.
Pour toutes ces raisons, le président Assimi a instruit au ministre de la Justice d’engager des poursuites à l’encontre des personnes impliquées. Objectif : « faire toute la lumière sur la régularité formelle et les conditions de fond de ces opérations ».
Mais une certitude : le journal en ligne ‘’Africa-kibaru’’ a déjà révélé la liste de certaines personnalités présumées bénéficiaires de ces édifices bradés. Et c’est à la Justice de trancher le dossier.
Jean Pierre James