Le diplomate en chef de l’UE, Joseph Borrell, nous a encore une fois gratifié de l’une de ses sorties … d’une grande diplomatie. Lors de son intervention à la Fondation Carlos de Amberes de Madrid, Borrell a reconnu les fausses promesses de l’OTAN à la Russie, mais ne comprend pas en quoi cela doit avoir des conséquences. Et surtout cela n’est censé n’avoir aucun rapport avec la guerre en Ukraine. Aucun, point. En effet, les actes des Maîtres ne se discutent pas – sinon, où en serions nous ? Manifestement, à la différence de l’Union européenne, la Russie ne considère pas l’OTAN comme la voix de son Maître et, en toute logique, lui impute la paternité du conflit en Ukraine.
Les médias alignés ont pris l’habitude de trier fermement les déclarations de Borrell, aussi celle-ci n’a-t-elle principalement été reprise que par les médias russophones. Et pour cause.
« Je ne suis pas satisfait par les excuses ou les arguments, selon lesquels de nombreuses personnes, dont mes amis, justifient l’agression au motif que l’OTAN n’a pas tenu ses promesses. C’est possible. C’est l’histoire. Rien de tout cela ne justifie ce qui se passe. »
Rappelons que Vladimir Poutine avait plusieurs fois soulevé la question de la responsabilité de l’OTAN dans la déstabilisation de l’ordre mondial, notamment par son élargissement à l’Est, en violation des promesses verbales proférées lors de la chute de l’URSS.
Comme l’écrivait le juriste Loysel en 1607, dans ses Institutions coutumières, « On lie les boeufs par les cornes, et les hommes par les paroles« . Cette tradition juridique, en effet, ne satisfait pas Borrell.
Rappelons également que l’Amiral Rob Bauer, président du Comité militaire de l’OTAN, déclarait à Tallinn à la mi-septembre de cette année, que la décision de cet élargissement vers l’Est avait été prise il y a plusieurs années de cela :
« Nous avons commencé depuis 1949 à discuter de la plus vaste restructuration de nos structures militaires. La planification de cela a commencé il y a quelques années, maintenant nous mettons ces plans en action. »
Comme l’a souligné le rédacteur en Chef du journal américain The Conservative, c’est bien ce mouvement d’extension, qui a enclenché un mécanisme d’escalade, conduisant au déclenchement militaire du conflit en Ukraine.
Mais Borrell n’est pas satisfait par la paternité de l’OTAN dans le conflit ukrainien. Borrell n’a pas envie de resituer ce conflit dans une évolution, il a besoin de le couper du contexte, dans lequel il évolue, afin de le présenter en soi. Car c’est la seule manière d’en rendre responsable la Russie. Et si la Russie est présentée comme responsable de ce conflit en Ukraine, sans l’OTAN, cela veut dire que la guerre qui est menée contre elle par l’OTAN à travers l’Ukraine est alors légitime. Et tel est bien le but de toute cette rhétorique.
Comme l’a déclaré Borrell à CNN turc, explicitant les finalités de cette poussée hystérique dans le monde global :
« Nous devons isoler la Russie de la communauté internationale, nous devons soutenir l’Ukraine.«
Voici toute la « vision politique » du responsable de la diplomatie européenne. Cette position primaire le satisfait pleinement.
Karine Bechet-Kolovko