Le président brésilien Jair Bolsonaro a prôné l’ouverture économique jeudi lors du sommet du Mercosur dont il est l’hôte, un message à peine voilé au pouvoir de centre gauche qui s’installe la semaine prochaine en Argentine.
C’est un Mercosur en pleine recomposition politique qui s’est réuni à Bento Gonçalves, dans le sud du Brésil, et que le président Bolsonaro a voulu convaincre des bienfaits du libéralisme économique pour ce bloc qui comprend aussi l’Uruguay et le Paraguay.
Le chef d’Etat d’extrême droite n’a pas caché son hostilité au président élu argentin Alberto Fernandez qui entrera en fonction mardi prochain en Argentine, grand voisin et partenaire commercial.
Et c’est un président Mauricio Macri (centre droit) sur le départ qui a représenté l’Argentine au sommet. Si M. Bolsonaro compte déjà un allié avec le Paraguay et son président Mario Abdo Benitez, ce n’est qu’à partir de mars qu’il pourra se rapprocher aussi de l’Uruguay où Luis Lacalle Pou (centre droit), fraîchement élu, arrivera au pouvoir.
Récemment converti lui-même au libéralisme économique, Jair Bolsonaro a martelé son message sur les vertus de l’ouverture du marché: “Nous devons faire avancer les réformes qui donnent de la vitalité au Mercosur, sans accepter de reculs idéologiques”.
Brasilia a laissé un temps planer la menace de son retrait du Mercosur, de peur que M. Fernandez, qui hérite d’une économie argentine en crise, n’adopte des mesures protectionnistes.
M. Macri a souhaité que le bloc régional “continue de négocier des accords qui nous permettent de nous insérer dans l’économie mondiale”.
Les relations de Jair Bolsonaro avec Alberto Fernandez — dont il va bouder la cérémonie d’investiture — sont parties du mauvais pied.
– “Viré à gauche” –
Au point de soulever de nombreuses questions sur la cohésion future du Mercosur crée en 1991, les relations entre ses deux poids lourds et l’avenir de l’accord de libre-échange conclu en juin avec l’Union européenne, qui est elle-même loin de l’avoir ratifié.
Le Brésil, première économique d’Amérique latine, est le premier partenaire commercial de l’Argentine, qui est le troisième du Brésil.
Les changements de régime au sein du Mercosur ont empêché les quatre pays de se mettre d’accord jeudi sur une réduction du tarif douanier extérieur commun (AEC) s’appliquant aux importations en provenance de pays tiers, actuellement élevé (13% à 14% en moyenne).
“Ce taux excessif affecte la compétitivité et porte préjudice aux producteurs, le Brésil croit en l’ouverture commerciale comme outil de développement”, a insisté Jair Bolsonaro.
Concernant l’Argentine, mercredi le président d’extrême droite avait prôné “le pragmatisme”, une politique à laquelle il a fini par se résoudre notamment avec la Chine “communiste”, devant l’ampleur des enjeux économiques et commerciaux.
L’Argentine “a viré à gauche”, mais “nous allons vers le pragmatisme. Si nous nous affrontons, nous sommes perdants, et l’Argentine a bien plus à perdre”, a-t-il prévenu.
– “Rhétorique guerrière –
Cette rhétorique “est une manière pour le gouvernement brésilien de se positionner à la table des discussions pour obtenir plus de concessions du gouvernement argentin”, a estimé pour l’AFP Thomaz Favaro, analyste chez Control Risks.
Aucune mention n’a été faite officiellement de la mauvaise nouvelle venue des Etats-Unis concernant les deux pays latino-américains.
L’annonce lundi du président américain Donald Trump de l’imposition de tarifs douaniers sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance du Brésil et d’Argentine a placé les deux pays dans le même sac — au grand dam des Brésiliens, qui ambitionnent de devenir les alliés stratégiques de Washington.
La crise bolivienne s’est invitée au sommet. Brasilia, Buenos Aires et Asuncion ont exprimé leur soutien à la présidente par interim Jeanine Anez, qui a remplacé le président de gauche déchu Evo Morales.
“Il n’y a pas eu de coup d’Etat”, a déclaré la chef de la diplomatie bolivienne Karen Longaric, invitée, et dont le pays est candidat à l’entrée dans le Mercosur, dont il est membre associé.