PRÉSENTATION DU BILAN 1992-2002 DE L’ADÉMA
Ils ont dit…
A l’occasion de la cérémonie de publication du Bilan de l’ADEMA PASJ de 1992 à 2002, plusieurs anciens ministres et cadres du régime d’alors ont témoigné leurs expériences. L’activité s’est tenue le samedi, 11juin 2022, au Mémorial Modibo Keïta.
Marimantia Diarra, président de l’Adema-PASJ :
« Je voudrais simplement rendre grâce à Dieu qui nous a permis que ce jour soit. Que nous soyons à la commémoration de notre accession au pouvoir d’Etat et que nous pussions, à l’occasion, présenter le bilan de notre parti au pouvoir. Beaucoup d’entre nous nous ont quittés pendant cette période. Beaucoup de Maliens et étrangers ont donné leur vie pour la sauvegarde de notre pays. En leur mémoire, je renouvelle la demande d’observer une minute de silence pour le repos éternel de leurs âmes. Comme je l’ai dit tantôt, je remercie tous ceux qui sont venus et en souhaitant que ce livre puisse donner une idée à tous les Maliens. Surtout à la jeunesse, pour tirer des leçons de tout ce qui s’est passé. Tirer des enseignements des efforts qui ont été déployés. Et, enfin, pour nous projeter plus loin aussi bien pour notre pays que pour notre parti. »
Pr Ali Nouhoum Diallo, président d’honneur de l’Adéma-PASJ :
« Nous n’avons pas vraiment voulu faire en sorte que les enfants du Mali soient dans des enveloppes qu’on appelle partis politiques. Je vous remercie d’avoir permis que cela soit exprimé et clairement. Je n’ai pas encore lu l’ouvrage. J’espère que la diplomatie parlementaire y est abordée. Parce qu’au moment où je suis en train de réfléchir à tout ce qui a été fait, si vous n’aviez pas un parlement derrière vous, je peux dire que vous auriez fait face à quelques difficultés. Et la diplomatie parlementaire, je pense à tous ces moments où nous étions auprès du ministre Modibo Sidibé. Que ce soit à Dakar, au Botswana etc. Je pense à tous ces combats ou nous étions près du Premier Ministre, pour empêcher que le Mali soit accusé de génocide des Touareg, pour empêcher la partition du Mali. Donc, je vous félicite beaucoup, vous qui avez parlé ici. Je regrette que le Ministre de la Défense, en l’absence de Boubacar Sada Sy ne soit pas là aujourd’hui pour dire de vive voix ce que notre parti a fait pour que notre armée soit puissante. Donc je vous encourage à continuer sur cette ligne et je vous demande de rassembler la grande famille Adema. Tous ceux-ci, c’est la grande Famille ADEMA : Le RPM, l’URD, L’APR, l’UA etc. Donc vous avez du boulot, mon cher Marimantia Diarra (Président du parti Adema-PASJ, note de la rédaction), il faut réunifier tout ça. Et une fois que vous l’aurez fait, nous n’aurons peur de personne. Arrêtez de trembler, unissez-vous, vous êtes les plus forts. »
Yaya Sangaré, secrétaire général du bureau exécutif de l’Adéma-PASJ :
« Merci aux Maliens d’avoir accordé leur confiance à notre parti pour conduire les premiers pas de leur démocratie. Aujourd’hui, 11 juin 2022, nous célébrons deux événements majeurs : la commémoration du 30ème anniversaire de l’accession de l’Adema-PASJ au pouvoir et le lancement du bilan de sa gestion au sommet de l’Etat sous forme de livre.
Nous avons souhaité que ces deux événements soient des moments de partage, des moments populaires et rassembleurs situés autour dudit bilan. Cela, afin de rappeler leur importance en cette période de tentative de réécriture, de confiscation et de falsification de notre histoire récente. Mieux vaut tard que jamais, le bilan est enfin là, vingt ans après les deux quinquennats présidentiels. Le présent ouvrage mérite d’être lu, d’un bout à l’autre, pour découvrir les projets de société du premier parti politique ayant exercé le pouvoir sous l’ère démocratique au Mali, et hérité d’un lourd passif, la vision d’un leader pragmatique et proactif pour son pays et l’Afrique, les initiatives et les réalisations physiques tant sur le plan social, économique, politique, culturel, sportif que diplomatique d’un pouvoir confronté à toutes sortes d’adversités.
L’ouvrage comporte 334 pages, réparties entre 5 chapitres avec plus d’une soixantaine de secteurs d’activités. Il relate les différentes crises intervenues dans la gestion du pouvoir. Celles qui concernent les institutions de la république. Les grands défis et leur gestion. Il s’agit là des crises scolaire, sociale, des opérateurs économiques, la crise du nord, le renforcement des institutions avec la réhabilitation, l’amélioration des conditions de travail, de la Justice et des forces armées de sécurité.
À travers le présent document, nous découvrirons les efforts qui ont été faits en matière de renforcement des équipements militaires. La paix a occupé une place importante dans les actions de l’Adema-PASJ. Et seul le pouvoir démocratique peut réussir à amener la paix dans notre pays. La réalisation de ce document a pour but de rendre public ce que l’Adema-PASJ a pu réaliser pour le Mali et les Maliens. Le Bilan de l’Adema-PASJ n’est sans doute pas parfait, il contient beaucoup d’insuffisances qui méritent d’être corrigées. Toutefois, il aura servi à poser les bases solides de la démocratie et du multipartisme dans notre pays. »
Pr. Adama Samassekou, ancien ministre de l’Education :
« Je me réjouis aujourd’hui d’avoir l’occasion de pouvoir témoigner ce que nous avons pu apporter ensemble. Ce fut un privilège pour moi d’avoir été membre du premier gouvernement de la république après la révolution démocratique de mars 1991. Je me sentais porteur des aspirations de mon peuple dans un secteur hautement stratégique qu’est l’éducation nationale. Je suis arrivé aux affaires avec la vision de la refondation, d’assurer la deuxième rupture avec l’époque coloniale. Nous sommes en fin 1993. A ce temps, l’école malienne, à l’image du pays, était en évolution. Nous avons fait du dialogue, de la négociation et de la participation aux principaux outils de gestion de l’école malienne et de matérialisation de notre vision. Nous avons entrepris la sécurisation du domaine scolaire en érigeant des clôtures autour de toutes les écoles. Nous avons construit de nouvelles écoles, de nouvelles salles de classe dans un premier temps là où le besoin a été constaté. Ainsi au cours des dix années de mandat, le nombre d’écoles de l’enseignement fondamental est passé de 1943 à 7831 en 2002. Les déficits scolaires sont passés de 509169 élèves en 1992 à 1674705 en 2002. Cette époque était marquée par les effets dévastateurs du programme d’agissement circulaire, venu de la banque mondiale. Il nous a donc fallu remédier au manque d’enseignants. D’où la mise en œuvre des différents programmes de volontariat etc. Cela, en faisant l’effort de mettre en place un système de formation initiale rapide et de formation continue. Cela, tout en créant les conditions de réouverture des écoles de formation des maîtres. Le nombre d’enseignants est passé de 11975 dans les années 1992 et 1993, à 16507 en 1999 et 29147 en 2001.
Le chantier majeur auquel nous nous sommes attaqués pour la refondation du système éducatif malien. Cette refondation avait pour socle trois principes fondateurs :
– la reconstruction de l’identité culturelle en développant l’enseignement multilingue fondé sur la langue maternelle. Ainsi a été décidée la généralisation de la pédagogie convergente, l’utilisation de la langue maternelle et du français.
– Lier l’école à la vie pour reprendre l’expression de la réforme 62. Il s’agit de substituer à la pédagogie frontale une pédagogie libératrice et d’enseigner notre histoire du terroir et nos valeurs sociétales au niveau national.
– Développer, autour et au service de l’école, une véritable dynamique partenariale permettant, entre autres, à la communauté éducative de s’approprier véritablement l’école.
La création des comités de gestion scolaire participe à ce principe. C’est ainsi que fut construit le projet de la nouvelle école fondamentale, une tentative de réalisation de cette vision. La NEF s’est donné comme objectif de faire de l’école malienne le lieu d’émergence du citoyen patriote et bâtisseur démocratique profondément ancré dans sa culture et ouvert à celles des autres.
La scolarisation des filles fut boostée, une restructuration du département de l’éducation de base a été réussie. Deux initiatives majeures ont été menées durant notre gestion des affaires : la fondation KARANTA pour appuyer la politique d’éducation non formelle créée entre plusieurs Etats de notre sous-région, l’Académie africaine des langues ACALAN prenant en charge les questions de politique linguistique continentale. »
Pr. Moustaph Dicko :
« Nous devons penser à des camarades sans qui ce bilan ne serait pas et qui, malheureusement aujourd’hui, ne sont pas avec nous. Les chiffres ont été donnés et ils sont parlants. L’état des lieux a été évoqué et il est aussi parlant. Quand nous sommes arrivés, il n’y avait pas d’école dans notre pays. Nombreux de nos compatriotes se rappellent le moment où les enfants se rendaient à l’école avec des tables-bancs sur la tête. Beaucoup se rappellent également le manque d’enseignants, de matériels didactiques, de salles de classes à l’époque. Cela, aux niveaux primaire, secondaire et supérieur. Les conditions catastrophiques de vie et de travail des enseignants, c’est cette situation qui a nous a interpellés en premier lieu, en plus des conditions des élèves et étudiants. Il n’y avait qu’un livre pour 5 apprenants. Il fallait donc s’attaquer à ce problème matériel, par ce qu’on ne pouvait pas gérer le problème de la qualité sans résoudre le côté matériel. Il fallait rendre à l’enseignant sa dignité et son honneur. C’est cela que nous avons tenté de faire en introduisant des indemnités de hiérarchisation dans les salaires des enseignants. Beaucoup d’efforts ont été fournis pour que l’enseignant se sente considéré et citoyen de son pays. Il n’y a pas de dynamique partenariale à l’école sans l’enseignant. Et l’enseignant ne participe pas à cette dynamique si ses propres conditions ne sont pas améliorées. Nous avons réussi à améliorer les conditions matérielles et salariales de l’enseignant. Nous avons ensuite fait en sorte qu’il y ait des critères d’attribution des bourses. Parce que si tout devait être mis dans les dépenses sociales, ça ne serait pas facile. Il y a eu beaucoup de négociations autour des critères d’attribution des bourses. Ça n’a pas du tout été facile, mais nous avons pu gérer tout cela au mieux. C’était l’idée aussi du président Alpha Oumar Konaré d’illustrer ce point de la réforme de 1962 : un enseignement de masse et de qualité. Il a initié le projet « Un village une école ». C’était la mise en œuvre du fait que la constitution du Mali dise que l’enseignement public est obligatoire, gratuit et laïc. Les constructions ont été faites dans des villages et les conditions d’études ont été améliorées dans d’autres. En ce qui concerne l’enseignement supérieur, nous avons créé l’université de Bamako en 1996. À l’époque nous avons convaincu la banque mondiale afin que l’on puisse ouvrir cette université. Pour aussi améliorer la qualité des études, il y a eu les trois cents bourses d’excellence pour les jeunes. C’est une initiative que le président avait aussi mise en place. »
Modibo Traoré, ancien ministre du Développement rural :
« Au lendemain des événements du 26 mars, le pays a pris de nouvelles initiatives dans tous les secteurs. À cet effet, différentes réformes ont été entreprises, bon nombre de chantiers pilotes ont été ouverts pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations. Et accroître significativement les revenus des acteurs du domaine. Les statistiques sont dans le livre. Les réformes institutionnelles entrepris n’avaient pas d’équivalents dans l’histoire de notre pays. Leur réalisation a impliqué la mobilisation et la participation de tous les acteurs. Elles ont concerné aussi bien les structures d’encadrements héritées de la période coloniale que les organisations professionnelles des producteurs, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, le réseau des chambres d’agriculture. La sécurisation des exploitants agricoles sur les terres aménagées par l’Etat. Au niveau de l’Office du Niger, l’exploitant agricole n’avait pas de statut, pour changer cela en statut d’exploitants, il fallait donner de la sécurité foncière sur les terres exploitées.
Le Programme d’Appui aux Services Agricoles et Organisations Paysannes PASAOP, nous l’avons négocié avec la Banque Mondiale sur un montant d’environ quatre-vingt-quinze milliards. Cela, pour appuyer les différentes réformes structurelles qui se passaient dans le pays. Dans notre programme d’aménagement agricole 30 000 hectares ont été ciblés pour assurer l’autonomie et la sécurité alimentaires du Mali. Le Programme National d’Infrastructure Rurale a été négocié sur un montant de cent milliards pour soutenir les efforts nationaux dans ce domaine. »
Modibo Sidibé, ancien Ministre de la Santé, ancien Ministre des Affaires étrangères et ex-Premier ministre :
« On a réformé les hôpitaux pour qu’ils aient plus d’autonomie dans leur fonctionnement. Les centres de santé communautaire et de référence ont été construits, des hôpitaux régionaux et nationaux bâtis et/ou renforcés en équipements. Avec la dévaluation, on a engagé les médicaments génériques pour faciliter l’accès aux médicaments au plus grand nombre de citoyens. Un pas majeur qui a permis de soulager les couches les plus vulnérables. Toujours, pour favoriser l’accès aux médicaments, on a mis en place la politique de décloisonnement. De quoi s’agit-il ? Il s’agissait d’autoriser les pharmaciens à ouvrir, par exemple une boîte, pour vendre au patient une seule plaquette dont il avait besoin en lieu et place de toute la boîte qui revenait très cher pour la majorité des Maliens.
L’approche programmatique, que nous avons instaurée avec l’implication directe du Président Alpha, a permis d’avancer dans la construction des centres de santé communautaires. L’installation des entités de scanner et de dialyse a énormément soulagé les Maliens. Et surtout, sous l’impulsion du Président Alpha, le ministre de la Santé que j’étais, pouvait faire 18 jours de tournée jusque dans le Mali profond pour m’imprégner des besoins sanitaires des populations. Cela nous a aidé dans l’accélération de la généralisation des centres de santé sur des aires de santé mieux regroupées. Car, ce n’était pas évident de convaincre des villages d’accepter se retrouver sur une même aire de santé. Certains villages, faisant valoir leur préséance, acceptait difficilement, dans le cadre de la décentralisation, que le centre de santé soit installé dans un autre village. Mais, on a pu les convaincre dans la plupart des cas, et cela a permis un accès plus rapide aux soins de santé pour les villageois. On a aussi étendu de manière impressionnante la couverture vaccinale sur le territoire…
Dans le domaine de la diplomatie aussi, n’oublions pas le rayonnement extraordinaire que le Président Alpha a su donner au Mali sur la scène continentale et internationale. Avec sa philosophie de l’ancrage démocratique absolu, le chef de l’Etat a été un modèle pour ses pairs du continent. Ses idées visionnaires ont servi de cadre de travail lors de beaucoup de séances de travail de la CEDEAO, de l’UEMOA et de l’Union Africaine.»
Propos rassemblés par Fatoumata Boba DOUMBIA
Source: Les Échos- Mali