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Basins : Le retour en grâce de la teinture artisanale

L’engouement pour les couleurs combinées de ce tissu est presque intact Les amateurs de ce tissu emblématique de notre culture vestimentaire se sont rendus compte que la coloration à l’artisanal était de meilleure qualité. Du coup, la teinture industrielle est en train de perdre du terrain

 

Bintou Dembélé dite la «Bi», âgée d’environ 40 ans, est une
célèbre teinturière à Hamdallaye, en Commune IV du District de Bamako.
Embrassant ce métier depuis le collège en aidant sa grande sœur, sa formatrice,
elle y a fait fortune. Elle aussi a initié sa sœur cadette et quelques
connaissances qui l’aident dans ses tâches quotidiennes. «Bi» accueille également
des étudiants durant les vacances.

Mais depuis quelques années, des basins estampillés «Getzener»
ont fait irruption sur le marché et séduisent les Maliens, qui ont développé
une passion dévorante pour ces tissus qui ne sont même pas fabriqués dans notre
pays. Constatant une baisse drastique de ses revenus faute de clients, la
teinturière ouvre une boutique «Getzner». Une astuce trouvée pour garder sa
clientèle, explique-t-elle.

Il y a peu, l’engouement pour le «Getzener» a baissé en
intensité. «Le basin teint à la main refait surface, retrouve toute sa place
sur le marché. Les gens ont compris que c’est plus durable, car même après
l’avoir lavé plusieurs fois, il garde son éclat et sa brillance. Ils sont plus
résistants que les basins Getzener», soutient notre teinturière qui se réjouit
du retour en grâce de la teinture artisanale lors des cérémonies sociales comme
les mariages et les baptêmes.

PROCESSUS DE FABRICATION- En effet, les Maliens ont toujours
excellé dans le design et la création de tissus. Ils rivalisaient auparavant
avec les Yorubas du Nigeria. Dans les années 1960, lorsque les colorants synthétiques
sont arrivés en Afrique de l’Ouest, les Maliens ont appris à les utiliser en
fonction de leurs préférences esthétiques. Depuis, les Nigérians se sont taillés
un créneau dans la broderie, laissant à nos compatriotes la première place dans
le secteur des tissus de haute qualité teints à la main.

Teindre à la main le basin est souvent un travail laborieux
pour les femmes qui évoluent dans le secteur. Elles importent le tissu –
principalement en coton, mais parfois en soie ou en laine, d’Allemagne, des
Pays-Bas ou de la Chine. Elles le découpent selon les dimensions standards.
Elles font des nœuds à différents endroits, qui ne seront pas teints lorsque le
tissu sera trempé dans des seaux de pigments et de fixateur. Quand le tissu
ressort, il présente des spirales colorées, de grands ronds ou différents
motifs. Pour le faire briller, il est trempé dans une solution d’amidon et mis à
sécher sur des clôtures.

 Mais, il y a quelques
années, le basin Getzener était arrivé à ravir la vedette au basin à couleur
unique teint des mains de nos artisans. Nos teinturiers en ont souffert, ils
pouvaient faire toute une semaine sans être sollicités pour une teinture à
couleur unique. Ils ont alors dû mettre leur génie créateur à contribution pour
pouvoir résister à cette concurrence.

NOUVELLES CRÉATIONS- Aujourd’hui, les teinturières
retrouvent le sourire. Le basin teint à la main regagne du terrain. «Nous
n’avons pas baissé la garde devant la rivalité. Nous nous améliorons en faisant
de nouveaux motifs. Nous combinons nos modèles anciens aux nouveaux pour en
faire de nouvelles créations», explique Mamoutou Diarra dit «Serpent».

Teinturier à Dravéla, en Commune III du District de Bamako,
cet artisan aux doigts de fée s’est bâti une réputation dans ce domaine au fil
des ans. Ses premiers pas remontent aux années 1990. Il emploie plus de dix
personnes, en plus des apprentis qu’il a formés. Ceux-ci travaillent à leur
propre compte. Nous l’avons trouvé assis sous un hangar prolongeant son atelier
de travail, en train d’expliquer à une apprentie une technique de teinture à la
vogue : motif dénommé «salade».

La stagiaire étale un basin blanc sur un
grand plastique noir étalé à même le sol. À l’aide de ses deux mains, elle
plisse prudemment le tissu blanc qui prend peu à peu la forme d’un pied de «salade».
L’élève l’asperge avec différents mélanges de teinture gardés dans des boîtes.
Ainsi teint, le basin est dénommé «Youmé de salade motif attaché».

Selon lui, les clients ont fini par réaliser que le basin
teint de façon industrielle perd très vite sa brillance, surtout quand on le
lave deux à trois fois. Ils ont constaté qu’il se salit tôt et ne résiste
ni à l’encens ni au parfum, rapporte le teinturier. La possibilité de
diversification de la couleur et des modèles a également facilité la résilience
de la teinture artisanale. Car, insiste l’artisan, le basin Getzener réunit peu
de variétés de couleurs en un seul basin : trois motifs pas plus. Le gala
(teinture) peut contenir jusqu’à cinq motifs ou plus, argumente-t-il. «J’ai
toujours aimé ce travail. Donc, je continuerai à me battre pour renforcer la résilience
du secteur face à la concurrence», promet l’ouvrier.

Son collègue Mamadou Lamine Traoré dit «Gala somasiré»
abonde dans le même sens. Ce teinturier natif de Bamako-Coura a appris le métier
auprès de sa mère, avant de prendre la relève. Rencontré au 3è étage de sa
maison qui fait office d’atelier de travail, «Gala somasiré» est entouré de
basins attachés à l’aide de plastique pour former des nœuds. «Sirili», c’est le
nom de ce motif. Muni de ciseaux, il les sectionne.

Le basin teint de façon industrielle n’a plus aucun moyen
d’enterrer la teinture traditionnelle malienne, lance le teinturier, l’air
confiant. Le basin coloré à la main est porté lors des cocktails et autres
grands évènements. Il est l’uniforme idéal des femmes lors des mariages,
explique Mamadou Lamine Traoré. C’est pourquoi, malgré l’arrivée sur le marché
de basins industriels multicolores, la teinture artisanale résiste et se réinvente.
Elle offre surtout au client la possibilité de choisir les couleurs et motifs
qu’il aime. À titre d’exemple, explique l’artisan, ils peuvent teindre trois
balles de basin par jour.

Selon lui, les prix des basins teints à la main varient
selon le modèle et la qualité de la teinture. Chez moi, explique-t-il, la
couleur unique coûte 1.500 Fcfa le mètre. Les autres modèles avec motif peuvent
aller jusqu’à 10.000 Fcfa ou plus le mètre, le prix du basin y compris.
Soulignant que la plupart de ses clients sont installés hors du pays, il révèle
qu’il s’adapte à la concurrence en modernisant constamment ses techniques pour
pouvoir attirer les clients.

Rencontrée chez le teinturier Mamadou Lamine Traoré, une
cliente pense qu’il suffit d’avoir une bonne teinturière pour faire un basin
plus brillant et éclatant. «Aussi longtemps que j’aurais de bons teinturiers,
je ne ferais pas recours aux basins Getzener», confie Fatoumata Diané, invitant
les teinturiers à respecter les rendez-vous pour la satisfaction des clients.

Fatoumata M. SIDIBÉ

Source : L’ESSOR

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