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Barkhane : quelle sortie sans relâcher la lutte anti-jihadiste au Sahel ?

Le 11 janvier 2013, la France lançait l’opération Serval au Mali. Huit ans plus tard et Barkhane ayant pris le relais, l’engagement français au Sahel est de plus en plus souvent interrogé mais un retrait n’est pas d’actualité.

Enlisement ? Le mot revient régulièrement avec Barkhane. A fortiori lorsque les militaires français subissent des pertes rapprochées. Trois morts le 28 décembre dernier, deux le 2 janvier pour un bilan de cinq tués en six jours au symbolique moment des fêtes de fin d’année : les dates ne doivent rien au hasard. Et en l’occurrence, elles auront servi aux jihadistes à marquer l’opinion française en imposant un temps de deuil à un pays réveillonnant.

De fait, en tant que neuvième année d’engagement de la France au Sahel, 2021 commence mal. Huit ans après le lancement de l’opération Serval pour sauver le Mali des groupes armés islamistes qui avaient pris le contrôle du nord du pays et six ans et demi après son élargissement en Barkhane – du Tchad à la Mauritanie via le Niger et le Burkina Faso – le bilan des pertes françaises au Sahel s’est alourdi à un total 55 militaires, 54 hommes et une femme.

“Combat contre le terrorisme”

La tragédie des attentats aux IED, bombes et mines artisanales, des attaques meurtrières ? Maliens, Nigériens et Burkinabé la subissent les premiers au quotidien a aussi tenu à souligner, hier, Florence Parly sur France Inter en évoquant les 600 civils tués l’an passé au Burkina Faso par les jihadistes.

De fait, les 5 100 militaires de Barkhane “sont engagés parce que nous sommes dans un combat contre le terrorisme”, a rappelé la ministre des Armées, la France estimant depuis le début mener une guerre sur deux fronts – intérieur et extérieur – aux filiales sahéliennes d’al-Qaïda et de Daesh. Ce 2 janvier ? à l’ouest du Niger dans la région des Trois frontières où a métastasé ces deux dernières années l’Etat islamique au Grand Sahara, 100 personnes ont aussi été massacrées par autant d’assaillants à moto.

Mais si l’on ajoute à cela la polémique autour du bombardement de Bounti, le lendemain, 3 janvier, ces trois bombes larguées contre plusieurs dizaines de jihadistes certifient les forces française et malienne alors que des villageois accusent cette frappe d’avoir tué 19 civils venus assister à un mariage… et si l’on additionne encore six blessés français, vendredi dernier lors d’une nouvelle attaque suicide dans le Gourma malien… Barkhane affronte aujourd’hui un feu de critiques sans précédent tandis que la France s’interroge sur l’issue politique et militaire, au Sahel.

Hier, Florence Parly a de nouveau fermement démenti toute “bavure” à Bounti. Et elle a défendu les résultats de Barkhane en rappelant aussi que son but était d’assurer – avec un partenariat de moyens européens – la montée en puissance sur le terrain des forces armées du G5 Sahel afin qu’elles puissent à terme assurer la sécurité dans la région. “Une stratégie qui nécessite des efforts dans la durée”, a-t-elle poursuivi.

Et une stratégie qui aurait sans doute nécessité, aussi, de mieux communiquer sur les succès enregistrés par Barkhane avec les Forces armées maliennes et nigériennes en 2020… La réflexion que se seront peut-être faite en ce début d’année catastrophique les parachutistes des régiments de la région engagés sur l’opération Bourrasque, dans le Liptako.

Car l’an passé les forces françaises ont neutralisé un millier de jihadistes (parmi lesquels plusieurs chefs emblématiques) sur un effectif évalué à 1 500… mais se renouvelant (1).

“Ce n’est pas parce que des soldats français tombent au combat que nous sommes en train de perdre la guerre. Si des soldats français tombent plus, depuis un an, c’est aussi parce que nous sommes plus présents et que nous exerçons une pression plus importante sur l’ennemi et qu’en réalité nous sommes en train de gagner militairement.”, analyse ainsi le colonel Michel Goya, historien et spécialiste des guerres modernes. Ce faisant, “l’ennemi, conscient qu’il ne peut pas vaincre sur le champ de bataille, exerce une pression en retour sur notre opinion publique en nous infligeant des pertes. Son objectif est alors d’induire suffisamment de doute dans l’opinion publique pour nous inciter à nous retirer”, poursuit-il.

“Le tour du cadran”

Ceci pointé… le dispositif Barkhane a fait “le tour du cadran”, a reconnu en décembre le général Lecointre, chef d’état-major des armées. Et “la question que je pose c’est de savoir comment ce dispositif doit s’adapter”, car “nous n’avons pas vocation à être éternels au Mali”, a répété, hier, Florence Parly, huit ans après François Hollande. Un sommet est prévu en février entre Paris et ses partenaires sahéliens pour évaluer la situation, un an après le sommet de Pau. Mais réduire drastiquement la voilure ne sera pas sans doute pas l’option immédiate, le retrait des 600 militaires envoyés en renfort l’an dernier étant redescendu hier du “prévu” au “probable”. Une nuance qui rappelle qu’entre 2015 et 2018 la baisse d’effectifs de 5000 à 2500 militaires sur un territoire grand comme l’Europe et la dispersion des forces au Moyen-Orient ou sur Sentinelle avait notoirement impacté l’efficacité de Barkhane.

 

(1) Problème qui en l’occurrence n’est pas militaire mais politique dans des pays où misère et corruption nourrissent les recrutements.

Les forces de la région

“Brigade l’urgence”, la 11eBrigade parachutiste a directement participé à l’ouverture de Servalen 2013 puis ses unités ont été projetées sur Barkhane en 2015, 2017, 2018 et 2020. Sept parachutistes sont morts au combat lors des opérations contre les groupes armés terroristes, deux légionnaires du 2eREP, deux chasseurs du 1er RCP et, cet été, trois hussards du 1er RHP. Au total, la 11eBP a réalisé une centaine d’opérations aéroportées et plus de 200 largages. Une quarantaine de ses commandos et une trentaine de personnels du 1er RTP de Francazal sont en permanence sur place. Le 14eRISLP de Toulouse participe aussi à l’opération et a perdu deux hommes. Dans le Sud-Ouest, Pau a aussi payé un lourd tribut avec les sept victimes du 5eRHC, en 2019.
Pierre Challier
Source: ladepeche
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