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Bandiagara : les populations de Séno Bankass sous emprise des groupes armés ?

Au Mali, dans la région de Bandiagara, les populations de Séno Bankass vivent sous emprise des groupes armés qualifiés de terroristes, selon plusieurs témoignages.

Le Séno Bankass est une plaine occupée majoritairement par des agriculteurs et des éleveurs, outre la réserve de Baye située aux alentours du Sourou où l’on pratique la pêche. C’est une localité située dans la région administrative de Bandiagara. C’est à cheval entre le Séno Gondo et la falaise de Tominian (est et sud), mais aussi entre la falaise de Bandiagara et le Samori (au nord et au sud).

L’hospitalité et la cohabitation pacifique sont des valeurs sociales qui ont coexisté entre les communautés dogon (nes), venues par les flancs de la falaise de Bandiagara, et les communautés peules arrivées par les flancs de la falaise de Tominian et de Ségue. Si cette hospitalité n’a par le passé fait défaut, après la première débâcle des mouvements dits djihadistes dans le Hayré, suivie de la crise dans le delta intérieur du Niger en 2015, la cohabitation pacifique se trouve mise à mal dans la localité.

L’insertion sociale des allochtones, arrivés par le biais des transhumants établis dans la zone, a posé un véritable problème dans la région. Étant des habitués de la brousse en compagnie des troupeaux, ils ont été les premiers à être stigmatisés et taxés de connivence avec les groupes armés. Lesquels pâturaient en groupes restreints dans la zone, à motos, à la recherche de repères sûrs. En dépit des tensions sectorielles, le mode de vie proposé par les sédentaires aux hôtes a jusqu’en 2018 été considéré comme un modèle de stabilité dans la zone dite « pays dogon ».

Tournant décisif

En 2016, la mort tragique de Théodore Somboro, un chef « dozo » [chasseur traditionnel en bamanakan], présumé collaborateur de l’armée nationale dans la lutte contre les groupes armés non étatiques, a marqué un tournant décisif dans le cours des évènements. Ceux-ci ont conduit la majeure partie de la population à trouver refuge dans les zones moins touchées par l’insécurité. Cette tragédie a été suivie par l’assassinat en 2017 d’un autre chef dozo, connu sous le nom de Souley Guindo de Goundogourou, par des groupes armés « non identifiés ». C’est cette situation qui a occasionné, pour certains, la formation de la milice d’autodéfense « Dan na Ambassagou ».

Les foyers de tension se sont ainsi multipliés – au fil du temps – dans les communes où Peuls et Dogons ont toujours cohabité de façon pacifique sans que les solutions proposées – à travers les médiations des patriarches des villages auprès des groupes armés – ne parviennent à apaiser les espritsPour cause, selon plusieurs acteurs dans les processus de retour à l’ordre d’antan, contactés sur place, « la question du partage des terres fertiles convoitées est un élément sous-jacent qui s’est greffé aux revendications sans qu’elle ne soit manifeste contre toute attente des facilitateurs. »

Les disparitions des personnes et leurs réapparitions sont courantes à tel enseigne qu’à chaque fois qu’un membre d’une communauté manque à l’appel, l’espoir d’un retour reste permis. « L’espoir, les prières et la volonté ont permis aux familles des chauffeurs et passagers de Bankass, enlevés alors qu’ils revenaient des foires de Tori et de Kolongon [le 16 juillet 2021] de retrouver leurs proches, quatre jours après leur rapt », a confié à Sahel Tribune un élu communal de la localité. Selon ses propos, les rapts et les intimidations de déplacement sont de nouvelles stratégies pour les groupes armés de mettre la pression sur les populations afin qu’elles abdiquent.

Trouver un compromis avec les ravisseurs

À chaque fois que des disparitions sont signalées auprès des autorités, des dispositions nécessaires sont prises afin de trouver un compromis avec les ravisseurs, ajoute l’élu communal. Selon lui, un conseil municipal, actif dans les processus de réconciliation, la signature des accords de Baye et Ouenkoro en 2019, de Diallassagou en 2021 ainsi que les multiples rencontres secrètes entre les chefs de villages et imans avec « les hommes de la brousse », n’ont pas apporté les résultats escomptés. Pour cause, justifie-t-il, les recommandations n’ont pas été mises en œuvre par les parties prenantes au processus. Une situation qui a fini par exposer les acteurs des différents foras à des menaces et intimidations, a-t-il déploré.

Tout porte à croire, selon d’autres témoignages, que les auteurs de ces manœuvres de déstabilisation sont des autochtones. Enlevé sur l’axe Bankass-Bandiagara, au niveau du tronçon dit passage dans le royaume des morts [siratou tiguè en bamanakan], par des hommes armés « non identifiés », Mohamed (prénom modifié) a pu être libéré quelques heures après son enlèvement. Cela, suite à des pourparlers. Natif du Séno, Mohamed sera encore intercepté quelques mois plus tard dans la commune de Baye, sur le tronçon de Pissa, par le même groupe enturbanné. « Les éléments du groupe sont des autochtones de la région. Aucun allochtone ne peut faire la navette entre ces deux régions de nature différente », raconte-t-il.

Face à cette situation complexe, d’une crise à un conflit, le Séno a perdu sa place stratégique dans l’approvisionnement des marchés nationaux et sous-régionaux en bétails et en céréales à cause de l’inaccessibilité des terres. L’esprit de solidarité de la population a contre toute attente fait des Sénonkais des otages sur leur propre terre.

Mikaïlou Cissé

sOURCE/ Sahel Tribune
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