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Ballet diplomatique dans une Ukraine crispée

La représentante de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a rencontré hier, mercredi 5 février, les dirigeants de l’opposition et le Président ukrainien Viktor Ianoukovitch. A l’issue de cette entrevue, elle s’est engagée à ce que l’UE apporte un soutien financier à l’Ukraine et à ce que Bruxelles soutienne des réformes constitutionnelles. Ce mercredi, c’est au tour de la secrétaire d’Etat américaine adjointe, Victoria Nuland, de rencontrer représentants du pouvoir et de l’opposition ukrainienne.

Ukraine Kiev manifestantes barricades

Avec notre correspondant à Kiev, Laurent Geslin

Voilà des entrevues qui inquiètent Moscou. En effet, la Russie a mis en garde contre un changement de cap de l’Ukraine, laissant entendre qu’une telle évolution l’empêcherait de poursuivre l’aide promise à Kiev. Moscou s’inquiète déjà du retard de l’Ukraine dans le paiement de ses factures de gaz, estimées à plus de 3 milliards de dollars fin janvier, et souhaite obtenir des explications sur son évolution politique. « Si tout le monde respecte à la lettre les documents existants, personne n’aura à modifier quoi que ce soit », a expliqué Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin.

Seul problème, personne ne sait exactement quelles sont les concessions que le président Viktor Ianoukovitch a accordées à son puissant voisin pour obtenir le prêt de 15 milliards de dollars négocié en novembre dernier. Depuis la démission du Premier ministre ukrainien, Mykola Azarov, sous la pression de l’opposition, les relations entre Kiev et Moscou se sont brutalement refroidies, la Russie ayant immédiatement relevé ses barrières douanières.

Risque de banqueroute

Il va falloir que Viktor Ianoukovitch trouve rapidement une issue au conflit qui agite le pays depuis deux mois, car l’Ukraine semble être au bord de la banqueroute.

Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch et la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, le 5 février 2014 à Kiev.

AFP PHOTO / UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE POOL / ANDRE MO

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Ianoukovitch, en février 2010, le gouvernement s’était toujours félicité d’avoir limité l’inflation. Mais depuis de longs mois, les économistes s’inquiètent de la situation économique de l’Ukraine. La grivnia, la monnaie ukrainienne, a perdu 7 % de sa valeur depuis le début de la crise et la dévaluation semble s’amplifier ces derniers jours. Selon les médias ukrainiens, de nombreux Ukrainiens achètent des dollars pour anticiper la dévaluation de la monnaie locale. Et un effondrement de l’économie ukrainienne serait sans doute bien plus dommageable pour le parti au pouvoir que les quelques milliers de manifestants qui campent encore dans le centre de Kiev.

Débat au Parlement européen

Pendant ce temps, au Parlement européen de Strasbourg, s’est déroulé un grand débat sur la situation en Ukraine, hier mercredi. La Commission européenne a détaillé ses efforts, évoquant notamment la visite de Catherine Ashton à Kiev, et a proposé sa médiation entre le pouvoir et l’opposition.

Le commissaire européen à l’élargissement Stefan Fülle, qui est récemment allé à Kiev, a mis en cause les assassinats, les tortures contre les protestataires ukrainiens, ainsi que les actions qui ont visé les journalistes. En même temps, il a insisté pour une solution négociée, avec l’évacuation des bâtiments publics occupés par certains opposants, et a proposé la médiation de l’Union européenne.

Mais tous les parlementaires présents à Strasbourg n’ont pas été convaincus par ces propositions, à l’image de Guy Verhofstadt, chef des libéraux européens. Pour ce dernier, il faudrait « charger » l’arme des sanctions, et notamment se préparer à geler les avoirs des oligarques ukrainiens en Occident. Mais au-delà, a-t-il insisté, il faut envisager des aides substantielles pour la population ukrainienne et surtout, ne pas oublier que lorsqu’ils protestent, les Ukrainiens défendent aussi les valeurs européennes.


 ■ ZOOM : Dans les rues de Kiev, la peur du militaire

« L’armée avec le people ! » C’est ce que sont venus scander plusieurs dizaines de militants, hier mercredi à Kiev devant le ministère de la Défense. Aux dires du ministre ukrainien de la Défense par intérim, Pavel Lebedev, 87% des militaires ukrainiens soutiennent les efforts du président et l’appellent à mettre fin d’urgence à la crise. La semaine dernière, des militaires et des employés du ministère de la Défense ont publié un appel à Victor Ianoukovitch, dans lequel ils jugent « inacceptable la prise d’assaut de bâtiments publics et les tentatives d’empêcher le pouvoir de remplir ses fonctions ».

Cette déclaration a relancé les spéculations sur l’instauration de l’état d’urgence, brandie régulièrement par l’opposition. Pour autant, rien ne permet d’affirmer que la majorité des 150 000 soldats professionnels et le million de réservistes que compte le pays soient enclins à intervenir contre les manifestants pro-européens.

Neutralité

Le chef de l’état-major Volodymyr Zamana s’est d’ailleurs empressé, après la diffusion de cette déclaration, de souligner dans un communiqué que « personne n’avait le droit d’utiliser les forces armées pour limiter les droits des citoyens ». Jusqu’à présent, l’armée ukrainienne est toujours restée neutre. Ce fut notamment le cas lors de la révolution orange de 2004.

Sous payés, s’estimant délaissés, de nombreux officiers sont aujourd’hui amers à l’égard du pouvoir en particulier dans la capitale et les régions de l’ouest du pays. Un facteur qui n’échappe pas à Victor Ianoukovitch, qui vient de promettre aux militaires une augmentation de 20% de leur solde.

 

Source : RFI

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