À moins d’une semaine du sommet de Pau entre le Président français et les Chefs d’État du G5 Sahel, Baba Dakono, chercheur à l’Institut d’études et de sécurité (ISS) nous livre son analyse.
Le sommet de Pau se tiendra ce 13 janvier. Initialement prévu pour le 16 décembre 2019. Qu’est-ce qui a changé entre les deux dates ?
C’est surtout l’attaque d’Inates, au Niger, qui a fait plusieurs dizaines de morts. Parallèlement à cet incident malheureux, il y a des discours, au Mali et au Burkina, qui sont dans le collimateur des autorités françaises, vu la montée d’un sentiment antipolitique française. Il y a eu le temps des échanges et le renforcement de la coopération entre Barkhane et les militaires des différents pays. On le voit notamment à travers le nombre de fois où ces autorités ont affirmé avoir neutralisé des terroristes. Il y a donc véritablement une intensification de la campagne militaire.
Doit-on craindre une attaque d’envergure avant le sommet ?
La stratégie des groupes terroristes n’a pas changé, mais elle a évolué. Il y a quelques mois, les cibles n’étaient pas que militaires. Vers la fin du dernier trimestre 2019, on a assisté à une intensification des attaques contre des cibles militaires. Ce qui a eu l’avantage de retourner l’opinion nationale contre les interventions étrangères. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue est que pour l’opinion la France est et demeure une puissance militaire et que si elle le voulait elle peut mettre fin à cette insécurité, caractérisée par l’activisme des groupes qualifiés de terroristes.
Qu’attendre du sommet ?
On peut s’attendre à beaucoup de choses, mais il est important de replacer cette réunion dans son contexte français. Nous avons un Président qui était au plus bas dans l’opinion et qui a subi de nombreux revers militaires, notamment les 13 soldats tombés récemment au Sahel. Le Président Macron avait besoin de se replacer, nous sommes à l’avant-veille de l’élection présidentielle. Il faut prendre en compte ces pressions et celles des acteurs sécuritaires qui sont engagés au Mali. Ce qui a changé dans le discours de la France, c’est d’admettre qu’il y a un besoin de clarification des deux côtés. Elle a besoin de l’assurance que les acteurs politiques, au premier rang desquels les Chefs d’État, sont engagés dans cette lutte commune et en faveur d’une présence française. Du côté africain, l’engagement français doit être plus important mais également faire face efficacement à l’insécurité. Cet appui ne doit plus être pensé à partir de l’Élysée, mais décidé et opéré dans le cadre d’une vision sahélo-sahélienne.
Journal du mali