Denoncer sans complaisance quand c’est mauvais et saluer les efforts des gouvernants quand ce qui se fait est bon. Telle est la voie empruntée par l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance du Dr Ibrahim Sangho. C’est dans cet esprit qu’il a salué le courage et l’esprit d’indépendance des membres de la Commission de rédaction de la nouvelle Constitution. C’était à la faveur d’une conférence de pression.
Selon l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance, le nouvel avant-projet du texte constitutionnel comporte 12 avancées majeures. Le premier de ces avancées, c’est le combat contre l’homosexualité. « Suivant l’article 9, le mariage et la famille, qui constituent le fondement naturel de la vie en société, sont protégés et promus par l’État. Le mariage est l’union entre un homme et une femme », précise Dr Ibrahim Sangho.
La volonté de créer un organe de régulation des médias est également une avancée notoire selon l’Observatoire des élections et la bonne gouvernance. Selon les conférenciers, le nouveau texte constitutionnel permettra à la Haute autorité de la communication d’avoir les pleins pouvoirs en matière de régulation des médias et de la communication en République du Mali.
Même si la question des langues nationales suscite des débats, la possibilité de faire d’une des langues nationales une langue officielle est une avancée à saluer. En tout cas, selon l’Observatoire. « L’avant-projet, en son article 31, dit que les langues parlées au Mali par une ou plusieurs communautés linguistiques font partie du patrimoine culturel. Elles ont le statut de langues nationales et ont vocation à devenir des langues officielles. La loi fixe les modalités de protection, de promotion et d’officialisation des langues nationales. Le français est la langue d’expression officielle. L’État peut adopter, par la loi, toute autre langue étrangère comme langue d’expression officielle », précise Dr Sangho qui a également salué, dans le nouveau texte, la promotion de l’intérêt général et la reconnaissance du travail de la société civile.
Pour l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance, le fait de trancher la question du mandat, de la nationalité et l’âge des candidats à l’élection présidentielle est une innovation à saluer.
Un autre point à saluer dans l’avant-projet de constitution, selon l’Observatoire, le renforcement du serment et la possibilité de destitution du Président. « L’article 55 de l’avant-projet vient renforcer le serment du Président de la République qui prête désormais devant la Cour constitutionnelle, en audience solennelle, et non plus devant la Cour suprême. Le dernier alinéa introduit dans la formule de l’article 37 de 1992, constitue une avancée notoire : ‘’ (…). En cas de violation de ce serment, que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur de la loi ‘’ », explique Dr Sangho, avant d’ajouter : « En plus, l’article 72 dispose que le Président de la République est responsable de faits qualifiés de haute trahison. Il peut être destitué par le Parlement pour haute trahison. Il y a haute trahison lorsque le Président de la République viole son serment, pose des actes manifestement incompatibles avec l’exercice de ses fonctions, est auteur, co-auteur ou complice de violations graves et caractérisées des droits humains, d’atteinte aux biens publics, de corruption ou d’enrichissement illicite. (….) ».
La création d’un Parlement et le mode d’élection, le règlement du nomadisme politique…font également partie des innovations saluées par l’Observatoire pour l’élection et la bonne gouvernance. L’introduction des normes et conventions internationales aussi. L’Observatoire dit constater qu’avec le Chapitre V de l’avant-projet intitulé « DES FORCES ARMÉES ET DE SÉCURITÉ » : « Les Forces armées et de sécurité sont chargées de la défense de l’intégrité du territoire national, de la protection des personnes et de leurs biens, du maintien de l’ordre public et de l’exécution des lois. Elles participent aux actions de développement économique, social et culturel du pays (article 88) ; les Forces armées et de sécurité sont au service de la Nation. Elles sont républicaines, apolitiques et soumises à l’autorité politique (article 89). »
D’autres avancées, l’élargissement de la Cour constitutionnelle, le rétrécissement du mandat et des pouvoirs ; l’élargissement des procédures de la révision constitutionnelle.
Les attentes non comblées
Bien qu’il y a eu des avancées notoires, mais tout n’est pas rose dans cet avant-projet de la nouvelle constitution. Selon l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance, il y a des attentes non comblées. Elles sont au nombre de 5. La première, c’est la non prise en compte de la discrimination positive. Concernant l’article 1er de l’avant-projet dispose que : « Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la région, la couleur, la langue, la race, l’ethnie, le sexe, la religion ou l’opinion politique est prohibée. », L’Observatoire estime que « la discrimination positive, dans le cadre de la loi N°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives devrait figurer dans cet article premier ».
Même si l’Observatoire est d’avis que les institutions soient au nombre de 8, il trouve que le Conseil social, économique et culturel devrait être supprimé au profit de la HAC. « L’Observatoire, bien que saluant l’arrivée de la Cour des comptes, est d’avis que le Conseil économique, social, culturel et environnemental ne devrait pas être une institution au détriment de l’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) et de la Haute autorité de la communication (HAC) », laisse entendre Sangho qui déplore également la possibilité non offerte au peuple de faire respecter le serment. Bien que le dernier alinéa de l’article 55 de l’avant-projet dise qu’en cas de violation du serment, le peuple retire sa confiance au Président de la République, l’Observatoire déplore qu’il n’y ait aucun mécanisme citoyen de sa mise en œuvre.
Une autre attente non comblée, selon l’Observatoire, c’est la non résolution de la séparation réelle des pouvoirs. « L’Observatoire déplore le fait que le Président de la République soit non seulement le Président du Conseil supérieur de la magistrature, mais aussi le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire ; assisté par le Conseil supérieur de la magistrature (articles 64 et 136) », a laissé entendre Ibrahim Sangho qui a ajouté que « la séparation des pouvoirs, entre l’exécutif et le judiciaire, n’a pas été résolue dans l’avant-projet de la nouvelle constitution ; conformément aux normes et conventions internationales ».
La 5ème attente non comblée, ce sont les dispositions contre les coups d’État. Selon l’Observatoire, au-delà de l’imprescriptibilité du coup d’État, il faut le rendre non amnistiable. « L’Observatoire estime qu’il fallait plutôt mettre : « Tout coup d’État ou putsch est un crime imprescriptible et non amnistiable contre le peuple malien », propose Sangho.
A titre de rappel, l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali est une plateforme de 36 Organisations non gouvernementales (ONG) et associations de la société civile ayant développé une expertise dans le domaine électoral et sur les questions liées à la gouvernance démocratique depuis 1996 au Mali.
B.G
Source: LE PAYS