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Avant-projet de constitution : Le caractère laïc et la forme républicaine de l’Etat maintenus

C’est fait, la constitution devant boucler le processus du passage du Mali de la troisième à la quatrième République est effective. En effet, les membres de la commission de finalisation, récemment mise en place par le président de la Transition, vient d’accoucher d’un texte qui n’a pas fait couler autant d’encre et de salive que celui proposé par la commission d’élaboration. Il s’agit de l’avant-projet de constitution, lequel deviendra un projet après son adoption par le Conseil National de Transition, avant de passer par une consultation du peuple par référendum. Nommé par le chef de l’Etat à l’effet d’examiner et de parfaire la mouture initiale, la nouvelle équipe moins hétéroclite a proposé un texte qui, contrairement au précèdent, n’a pas fait couler tant d’encre et de salive. Toutefois, malgré la pression de certaines légitimités religieuses qui, depuis plusieurs mois, réclament à cri et à cor l’abandon de ce terme qui, à leurs yeux, soulève des équivoques. Si d’aucuns, par des gymnastes intellectuelles, ont proposé « », pour d’autres, il faut aller à une république islamique.

En effet, de nombreuses tendances religieuses qui veulent profiter de la révision constitutionnelle pour tirer les dividendes de l’ascendant du confessionnel sur le politique par une forme d’arrimage des fondements laïcs de la République aux intérêts de la religion dominante. C’est toute la teneur de la démonstration de force récemment concoctée par les associations musulmanes, au détour de la profanation des symboles de l’islam par un mécréant affirmé. Et dire que les tenants de la religion majoritaire ne veulent rien entendre qu’une clarification de l’étendue de la laïcité pour les moins radicaux, un renoncement pur et simple au principe pour les plus inflexibles. Et pendant trois mois, comme pour appeler les fidèles à s’y opposer lors de la consultation référendaire, cette doléance qui ne pipe mot sur le sort des autres croyances religieuses a été le sujet phare des sermons du vendredi. Peine perdue. Et pour cause, le célèbre constitutionnaliste Fousseini Samaké et son équipe, cette fois-plus représentative, ont remis au Président de la transition un texte qui, en plus de répondre aux grandes aspirations du moment, maintient le caractère laïc de la République. L’objectif de cette laïcité aux termes de l’article 32 aliéna 1 de l’avant-projet est « de promouvoir et conforter le vivre-ensemble dans la société, fondé sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle ». Et pour l’application de ce principe, ajoute aliéna 2 du même article, « l’État garantit le respect de toutes les croyances ainsi que la liberté de conscience, de religion et le libre exercice des cultes ».

Et en plus de la laïcité, la forme républicaine de la République est maintenue. Ce maintien met fin au vieil rêve des séparatistes qui réclament à bout de canon un état fédéral, à défaut, d’avoir leur indépendance. L’esprit de mars 1991 à peine désacralisé dans le dernier projet a été, à nouveau, rétabli. Et la présence de deux représentants du Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques semble passée par-là.

Et ce n’est pas tout. Autre nouveauté, du moins non prévue dans l’avant dernier projet, si le Président de la République peut être destitué par les 2/3 du Parlement (Assemblée générale et le Haut conseil de la Nation réunis) pour violation de son serment, il peut en contrepartie, comme dans la constitution de 92, dissoudre l’Assemblée nationale après une année de législature. Le Président de République nomme et met aux fonctions du Premier ministre. Et contrairement à la constitution de 1992 et l’avant-projet initial, il n’aura pas, au préalable, besoin que ce dernier présente sa lettre de démission. Ainsi, une disposition pressentie comme source de blocage et de dysfonctionnement a été écarté pour de bon.

Et si le Président de la République ne peut être requis de témoigner, ni faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite jusqu’à la fin de son mandat, il est pénalement responsable, devant les juridictions de droit commun, des crimes et délits commis en dehors de l’exercice de ses fonctions. Cependant, il reste un roi comme dans la constitution de 92. Il est en effet le Président du Conseil supérieur de la magistrature, exerce le droit de grâce, propose les lois d’amnistie et nomme aux emplois civils et militaires supérieurs. Il décrète l’État d’urgence et l’État de siège.  Et comme la constitution de 92, la nouvelle constitution, si elle est votée, a été également verrouillée, notamment la procédure devant aboutir à sa révision. Aucune révision ne peut en effet être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire, la forme républicaine de l’Etat, la laïcité, le nombre de mandats du Président de la République et le multipartisme. L’initiative de cette révision appartient concurremment au Président de la République et aux membres du Parlement. Toutefois, le projet ou la proposition est adopté en termes identiques par les deux chambres du Parlement à la majorité des deux tiers de leurs membres. Et elle ne sera définitive qu’après avoir été approuvée par référendum.

Enfin, la nouvelle équipe de Fousseini Samaké a pris soin cette fois-ci de protéger les arrières du CNSP. En effet, tout en maintenant le caractère « crime imprescriptible du coup d’Etat ou putsch » l’avant-projet de constitution, vraisemblablement le dernier, précise en son article 188 que « les faits antérieurs à la promulgation de la présente Constitution couverts par des lois d’amnistie ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite, d’instruction ou de jugement ». Sauf que certains évènements, notamment le saccage des bâtiments étatiques, tels que l’Assemble nationale ou le Haut conseil des collectivités n’ont été amnistiés. Comme quoi les auteurs civils du coup de force de 2020 ne sont pas à l’abri d’éventuels ennuis judiciaires.

Amidou Keita

Source : Le Déclic

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