Ils font des heures de route, dorment sur les parkings, partagent des sandwichs et des souvenirs de campagne. Dans leur amicale, l’ancienneté compte moins que l’assiduité. Chez les Front Row Joes (« les gars du premier rang »), on brille par le nombre de meetings de Donald Trump auxquels on a assisté. A Youngstown (Ohio), haut lieu de la sidérurgie, Sharon Anderson en était à son 27e, samedi 17 septembre. Mère de cinq enfants, âgée de 66 ans, elle possède une ferme dans le sud-est du Tennessee. Elle laisse souvent son mari gérer les affaires courantes pour apporter son soutien à l’ancien président, « dans un rayon de dix heures en voiture ». Le temps est à la mobilisation : les élections de mi-mandat approchent. « La menace est claire, le communisme est à la porte, et la porte craque », dit-elle à propos des démocrates.
A son côté, Mike Boatman, 54 ans, s’étonne qu’on s’étonne devant tant de ferveur. Il lui est déjà arrivé de rejoindre le lieu d’un meeting une semaine avant sa tenue, pour s’assurer d’une place devant l’estrade. Il en a suivi 43. « C’est un petit sacrifice par rapport à ce que cet homme a fait pour le pays pendant quatre ans, à toutes les fausses accusations contre lui. » Sharon abonde. « Ils ne peuvent rien prouver. Sinon, il aurait déjà été écarté. » Et l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole, le rôle d’incitateur en chef joué par Donald Trump ? Ce jour funeste, tous deux étaient là, près du bâtiment fédéral, sans y entrer. « La foule était pacifique », assurent-ils, en dépit des vidéos, des travaux de la commission d’enquête parlementaire. « C’était infiltré », prétend la grand-mère. « Si Trump nous avait demandé de prendre le Capitole, il n’y aurait plus eu de Capitole », renchérit Mike Boatman, qui vit dans l’Indiana, où il travaille sur des chantiers.
Tous deux figurent parmi les militants inconditionnels de l’ancien président. En apparence, rien n’a changé en deux ans au sein du mouvement MAGA (Make America Great Again, le slogan de Donald Trump). Les mêmes thèmes, les mêmes ressorts. Le culte de la personnalité qui entoure le chef puise dans le ressentiment antisystème de ce peuple MAGA, qui embrasse tout : la « gauche radicale », les enseignants, les grands médias et les géants de la tech.
« On a perdu dans leur imagination »
Les milliers de personnes présentes samedi l’illustrent : son noyau est plus endurci que jamais. Mais quelle est la taille du fruit autour ? Tandis que la cote de popularité de Joe Biden remonte depuis un creux historique cet été, celle de Donald Trump interroge. Son emprise sur la base républicaine demeure puissante, mais sa dérive conspirationniste sans retour et ses ennuis judiciaires pourraient limiter sa capacité de séduction chez des électeurs plus modérés. Le discours tenu par Trump samedi soir témoigne de cette fuite en avant de type sectaire. Les fantasmes, les références complotistes, la désignation d’ennemis intérieurs fonctionnent en circuit fermé sur la planète MAGA, où la loi de la gravité prend un autre sens. « Une sorte de semi-fascisme », a jugé récemment Joe Biden.
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Source: Le Monde