Le mercredi 12 avril 2023, le Comité de règlement des différends a procédé à l’audition des parties sur le recours de la société Auto Centrum Gamby SARL, titulaire du marché, sollicitant un règlement à l’amiable dans le cadre de l’exécution du marché n°04641DRMP-2018 relatif à l’acquisition : d’un (1) véhicule station 4×4, de sept (7) véhicules pick-up double cabine et de deux (2) véhicules berlines pour le compte de l’Unité nationale de coordination du PAAR.
La société Auto Centrum Gamby SARL était représentée par Ousmane Gamby, gérant et Adama Moulaye Sidibé, consultant financier. L’Unité nationale de coordination du PAAR était représentée par Diakaridia Mariko, Spécialiste en passation des marchés, Souleymane Koné, responsable administratif et financier et Mme Diakité Nana Kadidia Touré, auditrice Interne.
La séance était présidée par Mohamed Traoré, président par intérim du CRD assisté de certains collaborateurs.
Une affaire depuis cinq (5) ans
Cette affaire entre les deux parties en conflit dure depuis cinq ans et n’a pas encore connu son épilogue. Loin s’en faut. Suivons ! Le 15 février 2018, l’Unité nationale de coordination du Projet d’amélioration de l’accessibilité rurale (PAAR) a conclu avec la société Auto Centrum Gamby SARL, le marché n°0464/DRMP-2018 relatif à l’acquisition d’un (1) véhicule station 4×4, de sept (7) véhicules pick-up double cabine et de deux (2) véhicules berlines pour le compte de l’Unité nationale de coordination du PAAR d’un montant de deux cent vingt-sept millions (227 000 000) F CFA TTC pour un délai d’exécution de 90 jours.
Le 5 avril 2018, le coordinateur du projet PAAR a transmis l’ordre de service n°001/2018/UNC-PAAR à la société Auto Centrum Gamby SARL lequel consacrait le début d’exécution du marché au 6 avril 2018.
Par lettre n°0174/UNC-SPM du 24 aout 2018, le coordinateur a informé la société qu’il sera déduit du prix du marché n°0464/DRMP-2018 des pénalités de retard qui s’élèvent à 1,5 % par semaine.
Par lettre n°0206/UNC-SPM du 4 octobre 2018, le coordinateur met la société en demeure de livrer les fournitures dans les meilleurs délais, faute de quoi, il se verrait dans l’obligation d’appliquer la clause 35.1 des Cahiers des clauses administratives générales (CCAG) du contrat relative à la résiliation dudit marché.
Le 9 octobre 2018, la société, dans une lettre, a pris l’engagement de livrer au plus tard le 31 octobre 2018 et de proroger les cautions d’avance de démarrage et de bonne fin d’exécution.
Le 30 octobre 2018, le titulaire du marché a communiqué à l’Unité de coordination nationale du PAAR les numéros de châssis des dix (10) véhicules devant être livrés dans le cadre de ce marché.
Par lettre n°0299/UNC-SPM du 21 novembre 2018 adressée à la société, le coordinateur national du PAAR a rappelé d’une part, l’expiration du délai de validité de la garantie en date du 7 août 2018 consécutive à l’avance de démarrage de quarante-cinq millions quatre cent mille (45 400 000) F CFA qui lui a été accordée, et d’autre part, a demandé la restitution au Projet du montant des avances accordées ; aussi, il lui a rappelé son intention de résilier le marché.
Le 18 décembre 2018, deux (2) berlines sont arrivées à Bamako et ont fait l’objet d’une livraison partielle.
Le 23 mai 2019, la société Auto Centrum Gamby SARL a donné procuration à l’Unité de coordination afin qu’elle acquitte pour son compte les frais de douanes concernant ce marché qui s’élevaient à trente un millions neuf cent trente mille cinq cent quatre-vingt-quatorze (31 930 594) F CFA.
Le 6 août 2019, la commission de réception de l’Unité de coordination du PAAR a procédé à la réception provisoire des véhicules et a prononcé les réserves ci-après : absence de barres de toit sur la station wagon ; absence de protège benne pour les sept (7) pick-up et absence de bâches et son support pour les sept (7) pick-up.
Par lettre n°000059 du 18 juin 2020, la société Auto Centrum Gamby SARL a sollicité de l’Unité nationale de coordination la réception définitive des dix (10) véhicules et lui a transmis pour l’occasion la caution de retenue de garantie d’un montant de onze millions trois cent cinquante mille (11 350 000) F CFA.
Par le procès-verbal du 26 janvier 2021, l’Unité nationale de coordination a effectué cette réception définitive avec la levée des réserves formulées à la réception provisoire desdites fournitures.
Le 22 février 2023, la société Auto Centrum Gamby SARL a saisi le président du Comité de règlement des différends d’une requête dirigée contre l’application des pénalités de vingt-deux millions sept cent mille (22 700 000) F CFA, soit 10 % du montant de ce marché et a sollicité sa restitution.
Aux termes des articles 122.1 du code modifié, et 122.2, le recours en règlement amiable de la société Auto Centrum Gamby SARL est recevable.
Les prétentions de la société Auto Centrum Gamby SARL
Au soutien de sa demande de règlement à l’amiable, elle déclare entre autres :
Que la société a rencontré d’énormes difficultés indépendantes de sa volonté lors de l’exécution de ce marché.
Qu’en effet, son partenaire financier, à savoir la BSIC, a été responsable de plusieurs manquements et insuffisances lors de la gestion des crédits documentaires qui lui ont causé d’énormes préjudices ayant entravé le respect de ses engagements contractuels vis-à-vis du PAAR notamment le délai d’exécution.
Que cette situation a eu pour conséquence le prélèvement, par le PAAR, des pénalités de retard de 10 % du montant du marché, soit 22 700 000 F CFA qui l’a privé de tout bénéfice au titre de ce marché.
Que ce retard enregistré est dû à des forces majeures que sont le retard de deux (2) mois occasionné par le PAAR pour la formalisation du marché ; la réticence des concessionnaires de véhicules de type “pick-up” vers le Mali au motif que ces véhicules sont susceptibles d’être vendus aux groupes terroristes ; les multiples retards de plus de six (6) mois accusés par la BSIC pour l’ouverture, la gestion et la finalisation des indispensables crédits documentaires pour la couverture de la commande des véhicules ; les manquements de la banque dont des erreurs de transmission des documents de la lettre de crédit à la BSIC Burkina Faso en lieu et place de la filiale du Mali, accentuant le retard dans la livraison des véhicules.
Que l’accord à l’amiable qu’elle sollicite du Comité de règlement des différends tendant à récupérer le montant des pénalités prélevées va lui permettre de soulager considérablement la trésorerie de sa société qui, à l’instar de plusieurs autres entreprises de la place, est confrontée à des difficultés occasionnées par des retards de paiement des factures par certains de ses partenaires, eux-mêmes victimes des effets de la crise économique et financières que traverse le pays ; l’arrêt ou la suspension des activités de certains de ses partenaires qui lui fournissent des prestations mensuelles d’entretien et de maintenance de leur parc automobile ; la non-obtention de nouveaux marchés consécutifs à la réduction du montant du budget d’investissement.
Dès lors, la société Auto Centrum Gamby SARL espère que ces justes, sincères et vérifiables raisons évoquées pourront intercéder en sa faveur.
La réplique de l’Unité nationale de coordination du PAAR
Quant à l’Unité nationale de coordination du PAAR, elle indique :
Que suivant l’ordre de service fourni à la société Auto Centrum Gamby SARL, les véhicules objet du marché devaient titre livrés au plus tard le 5 juillet 2018.
Que cependant, seulement deux (2) berlines ont fait l’objet de réception partielle le 30 décembre 2018 ; les autres véhicules ne sont arrivés à la douane de Kati que le 14 févier 2019.
Que le fournisseur a continué à lui faire croire que toutes les formalités douanières étaient effectuées et que la livraison n’était qu’une question de jour.
Qu’après investigation, elle s’est rendue compte que les véhicules avaient été déclarés à l’entrée du Mali comme usagers ; cette fausse déclaration était passible de pénalités dont le montant représente les 100 % des taxes de douane.
Que le 23 mai 2019, le fournisseur n’ayant pas les moyens de faire face à cette dépense, a sollicité son intervention.
Qu’ainsi, avec son autorisation, elle a payé les frais de douane pour un montant de trente un millions neuf cent trente mille neuf cent cinquante-quatre (31 930 954) F CFA.
Que tous les véhicules ont été réceptionnés le 6 août 2019 et les pénalités de retard ont été appliquées à 100 % conformément à la clause 27.1 du CCAG.
Qu’a la lumière de toutes ces informations, elle estime avoir respecté tous ses engagements contractuels vis-à-vis du fournisseur et a appliqué conformément aux dispositions contractuelles des pénalités de retard qui, selon lui, sont pleinement justifiées.
Que le retard de deux (2) mois occasionné par le PAAR pour la formalisation du contrat est une fausse allégation car l’ordre de service a été donné après la signature du contrat.
Echec et mat !
Le 12 avril 2023, le Comité de règlement des différends a procédé à l’audition des parties qui ont fait des observations. Il est ressorti de cette audition qu’aucune solution juridique acceptable par les parties n’a été trouvée, ce, malgré qu’elles étaient disposées au règlement amiable.
Considérant que l’article 27.1 du CCAG dudit contrat dispose que sous réserve des dispositions de la clause 32 du CCAG, si le fournisseur ne livre pas l’une quelconque ou l’ensemble des fournitures ou ne rend pas les services prévus dans les délais spécifiés dans le marché, l’acheteur, sans préjudice des autres recours qu’il détient au titre du marché, pourra déduire du prix du marché, à titre de pénalité, une somme équivalant stipule dans le CCAP applicable au prix livraison des fournitures livrées en retard ou des services connexes non réalisées, pour chaque semaine ou fraction de semaine de retard, jusqu’à la livraison ou la prestation effective, à concurrence d’un montant maximum correspondant au pourcentage du prix du marché indique dans le CCAP ;
Considérant que le point 27.1 du Cahier des clauses administratives particulières (CCAP) dispose que les pénalités de retard s’élèveront à 1,5 % par semaine ;
Qu’en application de ce point du CCAP, l’Unité nationale de coordination du PAAR a déduit vingt-deux millions sept cent mille (22 700 000) francs CFA du prix du marché ;
Considérant qu’en effet, il s’est écoulé plus de 397 jours de retard constaté entre le début d’exécution (le 6 avril 2018) et la date de réception provisoire (le 6 août 2019) ;
Que toutefois, pour un délai contractuel d’exécution de 90 jours avec un ordre de service de démarrage du 6 avril 2018, la réception des fournitures relatives audit marché devait intervenir au plus le 5 juillet 2018 ;
Considérant que la société Auto Centrum Gamby SARL explique ce retard par des situations (ci-dessus évoquées) qu’elle considère comme des forces majeures ;
Considérant que l’article 99 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015 portant code des marchés publics et des délégations de service public stipule qu’en cas de dépassement des délais contractuels fixés par le marché, le titulaire du marché est passible de pénalités après mise en demeure préalable ;
Considérant que l’article 32.1 du CCAG dispose que le fournisseur ne sera pas exposé à la saisie de sa garantie de bonne exécution, à des pénalités ou à la résiliation du marché pour non-exécution si, et dans la mesure où, son retard ou tout autre manquement dans l’exécution des obligations qui lui incombent au titre du marché est dû à un cas de force majeure ;
Qu’aux termes de l’article 32.2 du CCAG, l’expression “force majeure” désigne un évènement échappant au contrôle du fournisseur, qui n’est pas attribuable à sa faute ou à sa négligence et qui est imprévisible et inévitable ;
Que l’article 32.3 du CCAG dispose qu’en cas de force majeure, le fournisseur notifiera sans délai par écrit à l’acheteur l’existence de celle-ci et ses motifs. Sous réserve d’instructions contraires, par écrit, de l’acheteur, le fournisseur continuera à remplir ses obligations contractuelles dans la mesure du possible, et s’efforcera de continuer à remplir les obligations dont l’exécution n’est pas entravée par le cas de force majeure ;
Qu’au regard de ces dispositions du CCAG et du code des marchés publics, il convient de noter que les motifs retenus par la société Auto Centrum Gamby SARL pour justifier son retard ne peuvent pas être considérés comme des évènements de force majeure.
Que de ces faits, il ne saurait y avoir d’élément de droit permettant au Comité de règlement des différends de faire une proposition de solution amiable, équitable et convenable aux parties dans ce litige.
Considérant qu’il ressort de l’audition des parties de cette affaire qu’aucune solution juridique acceptable par les parties n’a été trouvée.
Le Comité de règlement des différends constate que les parties ne sont pas parvenues à une solution amiable du règlement de leur litige.
En conséquence, un “procès-verbal d’échec de conciliation a été rédigé et signé par toutes les parties et par le président de l’Autorité comme document faisant foi”.
El Hadj A.B. HAIDARA