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Au Sahel, les mines meurtrières du djihad sèment la terreur

Immersion au cœur d’une patrouille de soldats français au nord du Burkina Faso. Comment travaillent ceux qui traquent les mines et autres engins explosifs que les djihadistes placent sur les routes et pistes ? Voici un reportage chez les sapeurs de l’opération Barkhane.

 

V-Check ! Sur ordre du commandant d’unité transmis par radio à tous les blindés, la colonne française en mouvement entre le Burkina Faso et le Mali s’arrête brutalement.

Là, en pleine brousse à une cinquantaine de kilomètres de Déou (nord du Burkina Faso), les véhicules se placent en arc de cercle. L’un s’avance au centre.

Huit soldats du Génie en descendent, posant le pied sur la terre sèche et ocre pour se livrer à un rituel si rodé qu’il ferait oublier que la vie de leurs camarades de la mission antidjihadiste française Barkhane peut en dépendre : le repérage d’une de ces mines artisanales qui, au Sahel, sèment la mort chez les militaires et les civils.

Les huit sapeurs se disposent en V inversé et avancent, détecteurs de métal à la main. Ils recherchent ce qu’ils appellent tous IED (Improvised Explosive Device) ou bien un câble relié à un détonateur.

Lorsqu’on est sur une piste propice à la pose d’IED, ou lorsqu’un sapeur repère quelque chose, on cherche d’éventuelles traces, explique l’adjudant-chef Tanguy, chef de section.

La pose de ces mines, faciles à fabriquer et efficaces contre les véhicules, est devenue un mode d’action privilégié pour les djihadistes qui seraient au maximum quelques milliers selon des experts et qui livrent un combat asymétrique aux quelques dizaines de milliers de soldats des forces étrangères et des armées nationales, en particulier dans cette région des trois frontières (Mali, Burkina Faso, Niger).

Deux soldats maliens ont été tués et sept blessés lundi par l’explosion d’un tel engin du côté malien de la frontière. Au moins quatre soldats maliens, deux soldats burkinabè et un soldat français sont morts de la même manière depuis novembre. Treize des 41 décès de soldats français au Mali depuis 2013 sont dus aux IED.

Radiographie d’un tueur

Les civils ne sont pas épargnés par ces dispositifs souvent placés sur les axes de communication. Un rapport de l’Onu a fait état en octobre de 110 civils tués par des IED au Mali au cours du premier semestre 2019.

Tous pointent du doigt la lâcheté de la tactique. Ils n’osent pas nous attaquer de front, ils ne sont pas assez équipés, dit l’adjudant-chef Thierry, spécialisé dans la destruction des IED.

Les attaques djihadistes à découvert, on peut répondre et combattre. Mais les IED, ça rend fou de ne pouvoir rien faire, abonde l’adjudant burkinabè Étienne.

À Gao (nord du Mali), principale base opérationnelle de Barkhane au Sahel, un laboratoire d’analyse d’explosifs artisanaux a été mis en place : le Ciel (Counter-IED Exploitation Laboratory).

C’est le seul laboratoire français de ce type sur un théâtre d’opérations extérieures, et l’un des deux au Sahel avec un autre, américain, basé à Ouagadougou.

Quatre soldats y analysent chaque semaine une petite dizaine de matériels collectés lors d’opérations sur le terrain, qu’elles soient françaises, conjointes avec les armées nationales, ou de l’Onu. De la moto à la douille de cartouche suspecte en passant par des IED intacts ou pas, tout est démonté et analysé.

D’abord on radiographie l’objet dans un bunker pour évaluer sa dangerosité. Puis on relève les empreintes digitales, on analyse la composition chimique et le circuit de déclenchement.

Ondes et empreintes

On peut récupérer des traces ADN des poseurs qui seront transmises à d’autres services, comme le Renseignement militaire, explique l’adjudant Lionel, une lampe à rayons ultraviolets en main. Une cartouche est posée devant lui dans son bureau exigu. Il éteint la lumière, allume sa lampe. Des empreintes apparaissent une à une sur la douille en vert fluo. C’est comme dans une discothèque.

L’objectif d’un laboratoire ici est d’avoir des résultats rapides pour en rendre compte à la hiérarchie, et s’adapter en fonction des attaques, explique le capitaine Pascal, chef du lieu.

On a pu voir qu’en 2017-2018, il y avait plus de déclenchements à distance, grâce à des téléphones ou des télécommandes disponibles dans le commerce, dit-il. Donc on a installé des brouilleurs sur nos véhicules pour empêcher les ondes de circuler. L’ennemi s’est adapté et revient à des déclenchements par pression.

Si le téléphone portable est moins utilisé, c’est aussi parce que les réseaux téléphoniques envoient des spams par SMS qui peuvent déclencher le mécanisme, explique l’adjudant David, électronicien du laboratoire Ciel.

À long terme, déminer IED par IED ne suffira pas. Aujourd’hui, on combat les engins explosifs pour éviter d’être ciblés. Mais demain, il faudra attaquer le réseau, les poseurs, les trafiquants, indique l’adjudant-chef Thierry.

avec Amaury Hauchard / AFP

SourceOuest France

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