Son portrait est devenu en quelques mois l’emblème de tous les détracteurs de la France en Afrique, le visage inattendu d’une fronde qui grandit et dont le Mali est devenu le point le plus ardent. Nul ne sait cependant si le rôle lui plaît.
Le colonel Assimi Goïta a le verbe rare et l’art d’entretenir le mystère. Dix-huit mois après son entrée en scène à Bamako, le secret ne s’est guère dissipé autour de l’ancien commandant des forces spéciales maliennes devenu le président de la transition. La lumière ? Il la laisse à son premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, toujours prêt à déclencher une nouvelle salve verbale en direction de la France, et à son chef de la diplomatie, Abdoulaye Diop, chargé de tisser de nouvelles alliances stratégiques et de desserrer l’étau sur le Mali depuis que la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a mis le pays sous blocus économique.
Lui, depuis la colline du palais de Koulouba qui surplombe la capitale, ne dit mot ou presque, cultive son image de président soldat, en mission de reconquête des territoires perdus du Mali. Au lendemain de l’imposition des nouvelles sanctions régionales, le 10 janvier, tout juste a-t-il appelé de sa voix mal assurée « au rassemblement de tous les Maliens, sans exclusive, pour affirmer notre opposition de principe » et demandé à ses compatriotes « de rester calmes et sereins » alors que le Mali a fait le choix de « prendre son destin en main en forgeant [sa] propre voie ».
Quatre jours plus tard, des dizaines de milliers de Maliens descendent dans la rue pour manifester leur soutien face au « diktat » de la Cedeao et de la France. Lui reste dans l’ombre, aussi muet que l’institution dans laquelle il a été élevé et s’est construit.
Evidente mansuétude
Fils d’un capitaine, Assimi Goïta est un pur produit de ces forces armées maliennes (FAMa), décimées depuis dix ans par une guerre contre les groupes djihadistes et humiliées par les ex-mouvements rebelles touaregs et arabes qui ne leur ont jamais permis de reprendre pied au nord du pays. Toujours sanglé dans son treillis de combat mais ne se déclarant jamais fermé au dialogue, Assimi Goïta tente d’incarner la face la plus conciliante de la junte qu’il dirige, mais avec quelles intentions ?
S’il a été choisi, selon plusieurs sources, par ses quatre partenaires de putsch – les colonels Sadio Camara, Malick Diaw, Ismaël Wague et Modibo Koné – en raison de sa droiture, de sa discrétion mais aussi de sa malléabilité, lui et les jeunes officiers qui l’entourent démontrent chaque jour un peu plus qu’ils sont davantage intéressés par le pouvoir qu’ils ne le disent.