Auteur de coups d’Etat en août 2020 et mai 2021, la junte au pouvoir s’était engagée à remettre le pouvoir aux civils en février 2022.
Les participants aux Assises nationales de la refondation, présentées comme des consultations préalables à des élections et à un retour des civils au pouvoir au Mali, ont proposé jeudi 30 décembre à Bamako de prolonger l’actuelle transition de la junte militaire de « six mois à cinq ans ».
Auteurs de coups d’Etat successifs en août 2020 et mai 2021, les militaires au pouvoir au Mali s’étaient engagés, sous la pression de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et d’une partie de la communauté internationale, à remettre le pouvoir aux civils après des élections présidentielle et législatives initialement programmées en février 2022.
Mais la junte, dirigée par le colonel Assimi Goïta, avait finalement fait savoir à la Cédéao être dans l’incapacité de respecter le calendrier convenu et avait chargé les Assises nationales d’élaborer un calendrier électoral.
La Cédéao a réitéré mi-décembre son exigence d’élections le 27 février devant rendre le pouvoir aux civils et menacé la junte de nouvelles sanctions si le calendrier n’était pas tenu.
« Rassurer le peuple malien »
« Les participants se sont prononcés pour la prorogation de la transition afin de pouvoir réaliser les réformes institutionnelles structurantes et permettre des élections crédibles, équitables et transparentes. Les délais avancés varient de six mois à cinq ans », indique un rapport final lu jeudi à l’issue des Assises, en présence du colonel Goïta.
« Conformément aux recommandations des Assises nationales, le gouvernement mettra en place un chronogramme visant à assurer à un retour constitutionnel apaisé et sécurisé », a déclaré Assimi Goïta, lors de la cérémonie de clôture des consultations, qui ont démarré le 11 décembre dans différents cercles et communes du pays.
« C’est donc l’occasion et le lieu de rassurer le peuple malien sur notre engagement et notre détermination quant à la mise en œuvre des résolutions issues de ces Assises souveraines », a poursuivi le président de transition. Il a invité la Cédéao à « accompagner davantage le Mali dans la réalisation d’actions en soutenant l’organisation prochaine des élections ».
Par ailleurs, un membre de l’entourage du colonel Goïta a déclaré jeudi à l’AFP qu’une délégation malienne « se rendra vendredi à Accra pour remettre au président en exercice de la Cédéao [le président ghanéen Nana Akufo-Addo] un document sur le délai de la transition, le chronogramme pour l’organisation des élections ». Le ministre malien des affaires étrangères Abdoulaye Diop et Zeïny Moulaye, président des Assises nationales, feront partie de la délégation, selon la même source.
« Moment crucial de la transition »
Présentées par les autorités comme un moment crucial de la transition ouverte depuis le putsch de 2020, ces Assises, dont la phase finale s’est déroulée de lundi à jeudi à Bamako, ont été boycottées par de nombreuses organisations maliennes.
Ces consultations sont supposées accoucher de recommandations en vue de réformes destinées à remédier aux maux du pays pris dans la tourmente depuis le déclenchement d’insurrections indépendantiste et djihadiste en 2012.
Le Mali a déjà connu de telles consultations nationales par le passé. C’est l’un des griefs des organisations qui ont décidé de ne pas y prendre part, en demandant la tenue rapide d’élections.
Le 11 décembre, le Cadre d’échange, réunion de plusieurs partis et regroupements de partis, a jugé dans un communiqué que ces Assises n’étaient qu’une « manœuvre dilatoire » destinée à prolonger la transition, de la part d’un gouvernement « sans repère, ni boussole ».
Fortes tensions avec la France
Un jour auparavant, d’autres acteurs importants, au sein d’un Cadre stratégique permanent (CSP), avaient eux aussi prévenu que les conclusions des Assises ne les engageraient « nullement ».
Les participants aux Assises ont également recommandé jeudi de « développer de nouveaux partenariats militaires avec des puissances militaires pour mieux défendre la souveraineté nationale », de « dissoudre toutes les milices et les intégrer dans l’armée malienne » et de « militariser la police », selon le rapport final.
De fortes tensions opposent la junte à la France, ancienne puissance coloniale qui a décidé récemment de réorganiser son dispositif au Sahel, et notamment au Mali, destiné à combattre les groupes djihadistes qui opèrent dans la région.
Bamako a récemment démenti tout déploiement sur son territoire de mercenaires du sulfureux groupe paramilitaire russe Wagner, dénoncé par une quinzaine de puissances occidentales impliquées dans la lutte antidjihadiste au Sahel.