L’armée burkinabé a perdu des centaines d’hommes depuis 2018, année où les djihadistes sont passés à l’offensive dans l’est et le nord. Au cimetière de Gounghin, à Ouagadougou, la capitale, les tombes de militaires se multiplient.
Les monticules de sable s’accumulent au cimetière militaire de Gounghin, à Ouagadougou (Burkina Faso). Un épais nuage de poussière a envahi l’air, ocre, morne. Ce samedi, une pelleteuse soulève la terre aride pour creuser six nouveaux trous. On vient de nous appeler en urgence pour préparer les tombes des derniers soldats tués, explique machinalement le conducteur.
Une centaine d’écriteaux noirs
La veille, une patrouille de l’armée burkinabé a sauté sur un engin explosif improvisé, dans la commune d’Arbinda, au nord du pays. Six militaires ont été tués, un blessé. On travaille presque tous les jours en ce moment, souffle le chef de chantier, en pointant l’horizon. Devant lui, une centaine de petits écriteaux noirs se dressent, lugubres.
Sur chaque pancarte, un grade, un nom, une date de naissance et de décès sont inscrits à l’encre blanche. C’étaient des gamins, fustige ce Burkinabé, préférant rester discret. Ça me fait mal de voir ça, ça ne s’arrête pas. Au début j’avais confiance, mais à cette allure-là, on les envoie à l’abattoir franchement… poursuit-il. Lui a perdu son oncle militaire dans une attaque au nord du pays, en décembre 2019. Depuis 2015, la liste des victimes des violences jihadistes ne cesse de s’allonger au Burkina Faso. En 2019, elles ont déjà fait plus de 1 800 morts, selon les chiffres des Nations unies.
« Il voulait défendre son pays »
À quelques kilomètres de là, dans le quartier de Nonsin, le deuil hante encore Gladys Ouedraogo. Son mari, un militaire, a été tué le 23 octobre 2019 à Bahn, dans l’explosion d’une mine artisanale. Ça ne va pas du tout, je n’arrête pas de penser à lui, je fais des cauchemars depuis quatre mois, confie-t-elle, les yeux baissés au sol. Un immense vide a rempli la petite case de cette femme de 27 ans.
Dans le salon, au-dessus du canapé, le portrait de son mari, un soldat de première classe, trône tristement. Il me racontait à quel point sa mission était difficile et il s’inquiétait à chaque fois de me laisser seule. Mais il aimait son travail et voulait défendre son pays , murmure Gladys Ouedraogo.
Avenir incertain
Depuis la mort de son mari, l’avenir s’est fait plus sombre. Cette vendeuse de savons doit désormais subvenir seule aux besoins de ses trois enfants. Avec 6 000 à 7 000 francs CFA (9 à 10 €) par mois, sa situation est devenue très précaire. On promet des primes aux familles, mais je n’ai toujours rien touché, je ne sais pas comment je vais faire toute seule, s’inquiète la jeune femme, soulagée que son beau-frère, commerçant, accepte de l’aider.
Assis à côté d’elle, lui ne peut s’empêcher d’être en colère. On envoie nos militaires se faire tuer au combat, le gouvernement devrait au moins les encourager avec de bons salaires et soulager les familles des victimes, critique Cheik Ouedraogo. Mon frère s’est sacrifié pour sa patrie, il mérite au moins une décoration, ajoute-t-il, amer.
Ouest-france