Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

Au Burkina Faso, la junte poursuit ses attaques contre la presse

Après RFI et France 24, les militaires au pouvoir depuis un an ont interdit «jusqu’à nouvel ordre» le magazine français «Jeune Afrique». Les médias locaux ne sont pas épargnés par cette répression.

Au classement mondial de la liberté de la presse, publié chaque année par l’ONG Reporters sans frontières (RSF), le Burkina Faso avait déjà perdu 17 places entre 2022 et 2023. Il devrait, selon toute vraisemblance, continuer de chuter. Ce lundi, les autorités burkinabè ont en effet décrété la «suspension jusqu’à nouvel ordre de tous les supports de Jeune Afrique au Burkina Faso». Le gouvernement de transition, en place depuis octobre 2022, explique que la décision a été prise suite à la publication d’un article relayant les tensions au sein de l’armée, un peu moins d’un an après le putsch du 30 septembre 2022 ayant permis au capitaine Ibrahim Traoré d’arriver au pouvoir.

«Plusieurs personnes m’avaient dit que c’était un des risques que l’on encourait», dit à Libération Benjamin Roger, rédacteur en chef adjoint à Jeune Afrique, chargé de l’Afrique de l’Ouest. Le 21 septembre, Jeune Afrique publie un article sur des «mouvements d’humeurs» dans des casernes militaires, qui laissaient craindre un nouveau coup d’Etat. Le même jour, le gouvernement réagit dans un communiqué pour en condamner le contenu. Dans la foulée, le mensuel couvrant l’actualité africaine publie un second article, «qui était aussi une forme de réponse au communiqué du gouvernement pour dire qu’on maintenait nos informations et qu’on allait même un peu plus loin», explique Benjamin Roger. «On savait très bien qu’il y allait avoir une réaction du gouvernement.»

«Discours complotiste»

La riposte n’a effectivement pas traîné. Dans un communiqué cinglant publié lundi soir, le porte-parole du gouvernement burkinabè et ministre de la Communication, Jean Emmanuel Ouédraogo, a accusé le média d’avoir diffusé des «affirmations faites à dessein sans l’ombre d’un début de preuve [qui] n’ont pour seul but que de jeter un discrédit inacceptable sur les Forces d’armées nationales et par-delà l’ensemble des forces combattantes». Le communiqué rappelle aussi que «le gouvernement restera intraitable avec tout acteur médiatique qui mettra sa plume au service d’intérêts étrangers à ceux du peuple burkinabè».

Jeune Afrique est le plus récent média français à ce jour à être interdit de circulation. En décembre 2022, les autorités ont arrêté la diffusion de Radio France Internationale, l’accusant d’avoir relayé des messages de chefs jihadistes. En mars 2023, elles ont suspendu la chaîne de télévision France 24. Un mois plus tard, Agnès Faivre, correspondante pour Libération, et Sophie Douce, correspondante pour le Monde, ont été expulsées. Pour Benjamin Roger, la suspension de Jeune Afrique n’est ainsi que «la continuation de ce qui a été fait avant. Ça sert le discours populiste selon lequel il y aurait des médias étrangers qui comploteraient contre eux. Et par ailleurs, ça en dit long sur la fébrilité actuelle du régime. Si ce qu’on disait était si faux, ils n’en viendraient pas à dégainer un communiqué à chaque article et à nous interdire.»

Un pays réputé pour son journalisme

Ce musellement de la presse n’est pas limité aux médias étrangers, puisque Radio Oméga, la radio nationale la plus écoutée du pays, a été suspendue le 10 août après la diffusion d’une interview d’un opposant au régime militaire. Elle n’a reçu l’autorisation d’émettre de nouveau qu’un mois plus tard, le 11 septembre. Benjamin Roger a des retours de «confrères burkinabè qui ont aujourd’hui peur et qui n’osent plus écrire ou dire ce qu’ils veulent sans risquer des menaces». Ils ont le sentiment que, désormais, «si tu veux être journaliste au Burkina Faso, il faut juste relayer le discours officiel si tu ne veux pas de problèmes». Des entraves à la liberté de la presse dans un pays qui était pourtant «réputé pour avoir du journalisme d’un bon niveau dans la région. Il y a eu des grands journalistes d’investigations, tel que Norbert Zongo, au Burkina Faso. Ce n’est pas le Mali ou le Niger, où historiquement la presse a toujours été très restreinte.»

Dans un communiqué réagissant à son interdiction, Jeune Afrique a déclaré : «Pour notre part, nous n’entendons pas priver nos lecteurs burkinabè de leur droit à une information pluraliste, vérifiée et équilibrée.» Si la diffusion de la version papier du journal sera suspendue au Burkina Faso, il n’est pas sûr que les autorités arrivent à bloquer complètement l’accès au site internet du média.

liberation

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance