D’autres arrestations de militaires ont été ébruitées le week-end dernier
Suite à l’information relative à l’interpellation du lieutenant Mohamed Ouattara et de quelques sous-officiers pour « tentative de déstabilisation des institutions et atteinte à la sûreté de l’Etat » dans la nuit de mercredi 4 au jeudi 5 juin, donnée par certains organes de presse dont « L’Indépendant », le ministre de la Communication, Mahamadou Camara, a cru devoir apporter un démenti.
En effet, sur les antennes de la radio Klédu dont il était l’invité samedi dernier, il a indiqué que l’arrestation du lieutenant Mohamed Ouattara n’était pas liée à une « tentative de déstabilisation », mais qu’il s’agissait plutôt d’ « un acte isolé ». Ajoutant que le moment venu, des explications seront fournies sur cette interpellation. Et de préciser qu’avec la restructuration de l’armée en cours, un « coup d’Etat » n’était pas envisageable.
Rappelons que RFI a été la première à parler de cette affaire, jeudi, en parlant plutôt d’ « enlèvement ». Après la parution de notre article le lendemain vendredi sous le titre : « Pour tentative de déstabilisation et atteinte à la sûreté de l’Etat, le lieutenant Mohamed Ouattara et d’autres officiers mis aux arrêts », la radio mondiale est revenue sur le sujet. Son correspondant à Bamako, Serge Daniel, qui a approché un officier supérieur, précise : « Dans un premier temps, la famille et les proches de Mohamed Ouattara affirmaient qu’il avait été enlevé par des hommes armés, habillés en tenue militaire. Mais c’est toute une autre version qu’une importante source sécuritaire malienne livre : je vous autorise à le dire, le lieutenant Mohamed Ouattara est plutôt aux arrêts pour tentative de déstabilisation des institutions de la République ».
D’autres journaux, « le Sphinx » de Bamako et le site d’information ivoirien « Koaci » sont allés dans ce sens.
Des investigations ultérieures tendent à corroborer cette thèse. Une haute autorité militaire jointe par nos soins a confirmé la « tentative de déstabilisation des institutions et l’atteinte à la sûreté de l’Etat ». Notre interlocuteur va plus loin en précisant qu’il ne s’agissait pas d’ « un coup d’Etat classique », mais que le plan consistait à « porter atteinte à l’intégrité physique du chef de l’Etat, à créer une situation de désordre pour l’empêcher d’exercer ses fonctions convenablement ».
Notre source d’ajouter qu’en plus du lieutenant Mohamed Ouattara, d’autres officiers ont été arrêtés puis transférés, au cours du week-end, au Camp I de la gendarmerie nationale.
Le démenti sans consistance du ministre de la communication révèle que le gouvernement a choisi de dédramatiser, voire de banaliser l’affaire. Et l’on comprend pourquoi. Avec l’échec de la tentative de libération de Kidal, le pays ne s’est jamais senti aussi mal depuis l’occupation, courant 2012, de sa partie septentrionale par les narcojihadistes. Il souffre aussi d’un malaise politique profond lié à certains actes posés par le gouvernement, notamment l’achat injustifié d’un avion à 20 milliards FCFA.
Si une « tentative de déstabilisation » venait à être créditée, ce serait lui porter le coup de grâce.
En attendant les résultats de l’enquête ouverte qui établiront s’il s’agit réellement d’une « tentative de déstabilisation des institutions » ou d’un « cas isolé » comme le souhaite et l’affirme sans preuve le ministre Mahamadou Camara, il est constant et irréfragable que l’interpellation de ces jeunes militaires est consécutive à la tragédie du 21 mai à Kidal, suivie de la démission du ministre de la défense Soumeylou Boubèye Maïga.
Après cette démission qu’il a décrite comme « une mesure de redressement » au sein de l’armée, le Premier ministre Moussa Mara avait annoncé qu’il y en aura d’autres. On pense, naturellement, à des sanctions contre les officiers suspectés d’avoir déclenché l’opération de Kidal sans l’ordre de l’autorité politique. Et c’est précisément pour protester contre d’éventuelles sanctions de cette nature que Soumeylou Boubèye Maïga avait démissionné, à moins qu’il ait été démis comme le président IBK l’a affirmé, la semaine dernière, lors de sa rencontre au palais de Koulouba avec les chefs des partis politiques.
Est-ce pour contrer ces sanctions qui ruineraient leurs carrières que les officiers concernés ont ourdi un complot visant non pas à s’emparer du pouvoir (ce n’est pas imaginable dans le contexte actuel au Mali) mais à neutraliser la personne du chef de l’Etat ? Il n’est pas interdit de le penser.
Il y a lieu de préciser que ce n’est pas la première fois que des militaires cherchent à mettre en mal les institutions de la République.
On se rappelle qu’en mars dernier, pour empêcher en mars dernier, une célébration envisagée de la date anniversaire du coup d’Etat du 22 mars 2012, des éléments de la force Serval ont dû intervenir au Camp I de la gendarmerie pour retirer des mains de responsables de l’ex-junte putschiste qui étaient détenus leurs téléphones portables. Des informations dont ils disposaient étaient susceptibles, nous dit-on, de mettre en mal les institutions de la République. Toute chose qui a conduit le juge d’instruction chargé de l’enquête sur les 21 bérets rouges disparus, Yaya Karembé, à décider de transférer les personnes liées à cette affaire en différents lieux de détention.
Abdoulaye DIARRA