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Arcane politique: Abdoulaye Idrissa Maïga, victime de la mode « Baniengo »

C’est le serpent caché qui devient costaud. Mais une fois que le serpent caché devient costaud et visible ?

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Cela dépend du ciel sous lequel il vit. Si par exemple ce ciel est au-dessus d’un pays comme le Mali, alors il sera combattu sans merci. Pas pour le Mal qu’il aura fait aux autres, mais  pour  les qualités qu’il possède. Et c’est justement pour cela qu’il n’est pas surprenant qu’une production cinématographique (Alioune Ifra N’diaye, réalisateur) comme le film intitulé ‘’Baniengo’’ ait le succès fulgurant et  que nous l’avons vu ramasser à la pelle : on s’y reconnait a ce personnage qui a horreur de voir un autre réussir. Si bien que lorsque les dieux lui ont demandé de souhaiter pour lui-même un privilège  dont son ami allait bénéficier du double, sa réponse fut catégorique : Dieu fais-moi crevé un œil !

Appliqué sur le paysage politique malien de l’heure, ces considérations font penser pour tout observateur  avisé  au cas du sieur Abdoulaye Idrissa Maïga, Ministre de son état en charge de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation- MATD. Et auparavant Ministre en charge de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement dans le gouvernement Mara. Abdoulaye Idrissa Maïga est un artisan parmi les artisans qui ont fait triompher le candidat IBK à la présidentielle 2013. Sa place dans ce dispositif de combat ? Directeur de campagne ! Il s’agit d’une position  enviée, convoitée par une horde d’envieux et qui confère à son occupant, après la victoire, une notoriété non égalée.

En cet été 2013, Abdoulaye Idrissa Maïga (A I M) est un grand inconnu du grand public, dans le paysage politique malien et au sein même des militants de son parti. Même dans les rangs des journalistes il est inconnu au bataillon. En effet, Abdoulaye Idrissa Maïga est la discrétion personnifiée même. Les fanfaronnades et le folklore ne sont pas son genre. Il est adepte de l’adage qui veut que les tonneaux pleins roulent sans faire de bruit. Mais s’il n’est pas très bien connu à Bamako en dehors de certains milieux, dans la région de Gao chez lui « Aliou » (c’est comme cela qu’on l’appelle là-bas) est une star. Une sommité locale dont les visites fréquentes  (il n’est pas comme certains qui une fois « arrivés » à Bamako oublient d’où ils viennent) remuent la ville et ses communes.

IBK aussi le connaît, reconnaît ses qualités et en a fait un ami personnel à l’intérieur du petit cercle fermé d’ « amis sûrs ». Comme on peut le lire dans le numéro du mois d’avril 2015 du magazine édité en France,  Afrique Emergente, « Abdoulaye Idrissa Maïga qui a dirigé la campagne d’IBK, jouit de la confiance du Président de la République » (page 16). Donc c’est un grand inconnu du grand public, inconnu du commun des militants et inconnu des observateurs politiques de la place que le candidat IBK a choisi pour diriger la campagne de sa vie. Celle qui va le hisser au sommet ou alors l’enterrer pour de bon en cas d’échec. Beaucoup n’ont pas dû comprendre le choix de Ladji Bourama en ce moment-là, mais lui savait ce qu’il faisait. Et là où il a pointé du doigt, le soleil s’est levé (comme dit le proverbe bambara) : il a gagné haut la main.

De l’obscurité au grand jour

Du coup le serpent sort la tête de l’eau au grand jour et devient visible à la grande lumière. Et, d’un côté, l’on s’aperçoit qu’il est costaud et bourré de qualités. Mais de l’autre, c’est tout un autre regard. Nous sommes au Mali et au pays de Baniengo qui préfère être borgne que de voir son ami aveugle devenir bien voyant avec  deux beaux yeux. Les flèches s’aiguisent donc – empoisonnées- de toutes parts. Y compris d’où on ne les attend pas.

L’adversité devient d’autant  plus criarde que le serpent caché va voler de cimes en cimes. En effet après la campagne présidentielle au dénouement heureux, AIM va  hériter d’un ministère terne et de « non souveraineté »  comme aiment à dire les spécialistes : le Ministère de l’Eau de l’Environnement et de l’Assainissement (MEEA). ET ce ministère endetté, mal fagoté et moribond se met rapidement à étinceler de mil feux. Et à devenir un ministère en vue qui va séduire les plus hautes autorités du pays et d’ailleurs. Les PTF comprennent vite et  y affluent talons au dos : la confiance, le langage de professionnel et le gout ambitieux dans le bon sens du terme les attirent.

Bamako est jonchée de collines du pouvoir, du savoir mais aussi de Kilimandjaro d’ordures. Cela fait trente ans que ces sommets d’immondices poussent dans toutes les communes de la capitale, font .des enfants et se multiplient comme des criquets pèlerins. Tout le monde, du sommet de la République au dernier des citoyens, est résigné. Tout le monde ? AIM s’est vite mis à les affronter poitrine contre poitrine. Le 1er janvier tôt le matin, (pendant que tout le monde digérait le « 31 » dans les bras de Morphée et que Bamako était déserte comme une mosquée après la prière) Abdoulaye Idrissa Maïga était au pied de la montagne d’ordures en feu et en fumée du cimetière de Lafiabougou (Bamako nord-ouest). Et tout son monde était sorti sans rancœur pour l’y attendre afin de trouver la solution radicale au fléau. C’est donc un jour férié de premier jour de nouvel an qu’il a procédé à la pose de la première pierre qui allait faire disparaitre la maudite montagne et tout le reste en six mois.

Et aussitôt après Lafiabougou, il traîna sa délégation à Niamana (Bamako sud-est) à la Direction Nationale de l’Environnement où les « Zoforets » (Eaux et Forêts) de Bamako l’attendaient au grand complet ; pour réceptionner un lot impressionnant de matériel lourd. ; AIM aime travailler et faire travailler – ce qui ne plait pas à tout le monde au Mali.

Pour assurer un assainissement à Bamako, Abdoulaye Idrissa Maïga va vite trouver la parade contre les ordures. Il  déniche Ozone et signe avec lui des engagements dans le strict respect des intérêts de la partie malienne- il a menacé à un moment donné, selon des sources dignes de foi, de tout arrêter et les dirigeants d’Ozone ont compris que cette fois-ci ils avaient affaire à un autre type de dirigeant. Le succès de l’initiative d’Ozone est tel que l’unanimité est faite – hormis chez quelques égoïstes qui voient le monde par le petit trou de leur intérêt personnel mais toxique pour la collectivité.

De l’Assainissement à  l’Administration Territoriale et la Décentralisation

Mais d’autres défis l’attendent le travailleur infatigable qui pense que l’homme doit laisser des traces utiles pour tous.

Par exemple, et pendant qu’il était engagé comme un forcené dans la résolution des questions liées à son département de la Cité ministérielle, des circonstances politiques subites  feront  que le « père de la Décentralisation » au Mali (on aurait dit « Dieu » sous d’autres cieux) quitte précipitamment  le Ministère de la Décentralisation. Il est remplacé au pied levé par…un certain AIM ! IBK n’aurait pas hésité une seconde à le placer à la tête du département à problèmes là où d’aucun se demandaient : « mais bon dieu, qui pour remplacer  Ousmane SY ? Mais c’est impossible ! ». Puis Sada Samaké à l’Administration Territoriale. Le ministère devient ainsi costaud avec : Administration Territoriale et Décentralisation.

Après une telle nomination dans le gouvernement Modibo Kéita, le sourire a dû fleurir sur certaines lèvres quand d’autres étaient crispées comme à la vue du voltigeur admiré préparer le saut de l’ange. Angoisse et réjouissance, telles sont parfois les deux faces d’une même pièce. Voir l’artiste sur la corde raide et croiser le doigt pour lui ou alors invoquer les démons du ciel pour qu’il trébuche…C’était cela la nouvelle posture pour le serviteur de la République qui avait accepté le défi de remplacer un dieu (et à le faire oublier en trois mois).

Mais dans quel état d’esprit est ce que le gladiateur est-il descendu dans l’arène où les lions affamés de l’opposition ne manqueraient pas de faire irruption tôt ou tard? Nous ne le saurons peut-être jamais.

Ce qui est sûr par contre est que, sur ce, les dieux du ciel ont sonné l’approche de la fin de la seconde – et dernière constitutionnelle – des mandats prolongés des élus locaux. La classe politique est alors tendue à se rompre, l’opposition, couteau aux dents a les muscles du coup bandés et les observateurs retiennent leur souffle. D’aucuns attendent avec impatience que, face à ce casse-tête chinois, leur « client » se casse la figure.

L’on attend alors le saut de l’ange. Dans le vide bien sûr pour certains. D’autres se rongent les ongles car personne n’a encore réussi à attacher trois œufs ensemble avec une ficelle.

L’ange fait face à la situation avec sa méthode. Celle qui consiste à ne rien imposer. Au contraire, de poser le problème dans toute sa nudité et de dire à l’assistance : que peut-on faire ensemble ? Et voilà un problème très épineux, voir insoluble, trouver une solution qui a agréé toutes les parties et est passée comme une lettre à la poste. Par quel mécanisme ? Le proche entourage du ministre nous a édifiés là-dessus. Les députés étant la loi, s’en remettre à la loi et  renvoyer la balle aux députés pour l’onction juridique de la troisième prolongation. Et la mer à boire devient, comme par coup de baguette magique, un verre d’eau.

La guerre de Troie des élus communaux n’a donc pas eu lieu. Mais nous les Baniengo, nous n’avons pas dit notre dernier mot non plus !

 

Amadou Tal

Source: Le Matin

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