Les nouvelles révélations sur l’espionnage de l’Allemagne par la NSA publiées par WikiLeaks, en partenariat avec Libération, Mediapart et la Süddeutsche Zeitung notamment, ont jeté un nouveau coup de froid sur les relations entre Berlin et Washington. Avant la parution, la Chancellerie s’était refusée à tout commentaire auprès des médias qui l’avaient sollicitée. Depuis, son directeur, Peter Altmaier, a«invité» ce jeudi l’ambassadeur américain à Berlin, John Emerson, à venir s’expliquer. Tout comme, en France, Laurent Fabius avaitconvoqué l’ambassadrice Jane Hartley, suite aux révélations sur l’espionnage de trois présidents de la République successifs.

Mais la réponse diplomatique est forcément parasitée par un autre scandale d’écoutes : celui, révélé en mai dernier, des liens particulièrement étroits entre le BND (le renseignement allemand, placé sous la tutelle directe de la Chancelière) et la NSA – le premier ayant, pour le compte de la seconde, espionné des entreprises européennes ainsi que des hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay et de la Commission européenne. De fait, les conséquences pourraient d’abord être judiciaires. Un peu avant 15 heures ce jeudi, un journaliste deDie Welt tweetait :

«Exclusif: le parquet fédéral envisage la réouverture de l’enquête sur le téléphone de Merkel, examine les notes de la NSA publiées par WikiLeaks. Bientôt sur Die Welt !»

A la mi-juin, le parquet fédéral allemand avait classé l’enquête sur l’espionnage présumé du téléphone portable d’Angela Merkel, au motif que les accusations ne pouvaient «être prouvées ­légalement dans le cadre d’une procédure de droit pénal». Or parmi les documents de la NSA obtenus par WikiLeaks, le compte-rendu d’une conversation entre Angela Merkel et son «assistant personnel» montre précisément que des communications de la Chancelière ont été espionnées. Si la réouverture du dossier n’est pas encore actée, le procureur général n’en a pas moins indiqué, comme l’a rapporté la Süddeutsche Zeitung, que les nouveaux éléments méritaient examen dans la perspective d’une nouvelle information judiciaire. Qui dépasserait, cette fois, le seul cadre de la Chancelière : son conseiller aux Affaires européennes, Nikolaus Meyer-Landrut, est également concerné, de même que les bureaux de plusieurs ministres et hauts fonctionnaires, dont les lignes téléphoniques ont été identifiées dans une copieuse base de «sélecteurs».

Précisément visé, le ministre des Finances, Wolfgang Schaüble, a certes déploré la perte de «sens de la mesure» des services américains, mais n’en a pas moins dit considérer les activités de la NSA comme «l’un [des] problèmes les plus mineurs», se disant plus inquiet de l’activité des «services secrets d’autres grandes puissances» – sans plus de précision. Le ministre de l’Economie, Sigmar Gabriel, s’est montré un peu plus offensif, en relevant notamment les risques d’espionnage industriel. Les révélations sur l’espionnage économique de la France par la NSA ne sont sans doute pas pour le rassurer. Quant à la responsabilité du GCHQ, le renseignement électronique britannique, aux côtés de la NSA, elle n’a jusqu’ici donné lieu à aucune réaction – du moins officiellement.

Amaelle GUITON
Source: Liberation