En moins de deux ans, dans le seul espace de la CEDEAO, trois présidents démocratiquement élus, à savoir Ibrahim Boubacar Keïta du Mali, Alpha condé de la Guinée et Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso ont été renversés par des coups d’État militaires. Ne faut-il pas s’attendre à un autre putsch dans un autre pays membre de la CEDEAO car les présidents, pour la plupart, sont en déphasage avec les populations qui soutiennent ces changements en cours, bien qu’anticonstitutionnels ?
Tempêtes des coups d’État dans l’espace CEDEAO. C’est ce qu’on constate depuis août 2020. Les pays de la CEDEAO sont affectés, ces derniers temps, par le virus des coups d’État. Les suspensions, les sanctions économiques et financières contre les pays concernés n’empêchent pas les militaires d’autres pays de déposer les présidents démocratiquement élus.
En effet, cette vague de coups d’État militaires a commencé au Mali en août 2020. Après des mois de manifestations populaires initiées par le M5-RFP, un groupe de 5 colonels conduit par l’actuel président de la Transition au Mali, le colonel Assimi Goïta a renversé le régime IBK. La CEDEAO a vivement répliqué à cette prise de pouvoir par les militaires en suspendant le Mali de toutes les instances sous-régionales. Pour la première, les exigences de la CEDEAO, à savoir un président et un premier ministre civils, ont été respectées par la désignation de Bah N’daw comme président de la Transition et de Moctar Ouane comme premier ministre. Si le colonel Goïta a accepté de transférer le pouvoir après le renversement du président IBK, il s’est assumé en se maintenant au pouvoir après le putsch contre Bah N’daw. Les populations maliennes, victimes de la mauvaise gouvernance sous le régime IBK, ont exprimé leur soutien indéfectible aux officiers. La CEDEAO a, là aussi, fini de valider la présidence du colonel Assimi Goïta tout en exigeant le respect de la durée de la transition.
Pendant que l’organisation sous régionale n’a pas fini de gérer la situation du Mali, Alpha Condé de la Guinée a été, lui aussi, renversé par un coup d’État militaire conduit par le colonel Mamadi Doumbouya. Là aussi, la CEDEAO a pris ses marteaux de sanctions contre la Guinée du colonel Doumbouya qui a été suspendue des organisations comme le Mali. Mais ces sanctions ont poussé les populations à soutenir les militaires au pouvoir pour la réussite de la transition.
Pendant que la CEDEAO prenait des sanctions contre le Mali et la Guinée, les burkinabés ont commencé à demander constamment la démission de leur président. Les récentes sanctions économiques et financières contre le Mali et les multiples attaques terroristes dans le pays ont causé la mutinerie des militaires qui ont renversé le président Roch Marc Christian Kaboré. Même si l’incertitude règne au moment où nous mettions cette information sous presse, les mutins ont atteint un point de non-retour. La télévision nationale, des institutions de la République sont contrôlés par les mutins. Le président, certainement en sécurité comme le disent plusieurs sources, a appelé au dialogue. « Notre nation vit des moments difficiles. Nous devons en ce moment précis sauvegarder nos acquis démocratiques. J’invite ceux qui ont pris les armes à les déposer dans l’intérêt supérieur de la nation. C’est par le dialogue et l’écoute que nous devons régler nos contradictions ». Tel est le message publié sur le compte tweeter du président Roch Marc Christian Kaboré. Est-il l’auteur de ce tweet ? On ne saurait le dire. La situation était très confuse mais la CEDEAO avait appelé les militaires à la raison. « La CEDEAO suit avec une grande préoccupation l’évolution de la situation politique et sécuritaire au Burkina Faso caractérisée depuis le dimanche 23 janvier par une tentative de coup d’État. La CEDEAO condamne cet acte d’une extrême gravité qui ne saurait être toléré aux regards des dispositions réglementaires pertinentes. La CEDEAO tient les militaires responsables de l’intégrité physique du Roch Mark Christian Kaboré. La CEDEAO demande aux militaires de retourner dans les casernes, de maintenir une posture républicaine et de privilégier le dialogue avec les autorités pour résoudre les problèmes », a indiqué le communiqué.
A qui le tour ?
Si les chefs d’État de la CEDEAO ne changent pas leurs stratégies, il y aura un autre coup d’État dans un autre pays membre. Il revient, aujourd’hui, au Président de la République du Niger, Mohamed Bazoum de ne pas faire les mêmes erreurs que les Roch Marc Kaboré car les peuples du Niger vivent les mêmes difficultés que ceux du Mali et du Burkina Faso. Il doit se cesser de se comporter comme les autres chefs d’État de la CEDEAO dont les pays ne traversent pas les mêmes difficultés que le sien. Il doit écouter son peuple, victime de son échec à lutter contre les forces du mal. Seul le dialogue et une réponse adéquate aux revendications populaires peuvent apaiser la colère des manifestants. La situation impose à ce que Bazoum, au lieu d’aller dans un bras de fer avec les autorités maliennes, guinéennes et bientôt burkinabés comme les autres chefs d’État de la CEDEAO, donne la main à ces dernières dans le cadre de la lutte contre l’insécurité. Il faut, certes se soumettre aux exigences de l’organisation sous régionale, mais il faut respecter la volonté du peuple.
La faillite de la CEDEAO
La CEDEAO, avec ses sanctions vulgaires et inhumaines, ne rend pas service aux chefs d’État. Ces sanctions impopulaires encouragent plutôt les coups d’État au lieu de les empêcher. L’organe sous régionale doit donc revoir sa copie, son fonctionnement et le mode de sanctions. Les dirigeants politiques de la sous-région doivent savoir que ces multiples coups d’État sont synonymes de leur échec. Ils doivent revoir leur manière de gouverner. Ce n’est pas en sanctionnant les pays où les militaires prennent le pouvoir qu’in rejoue le problème, mais en changeant la gouvernance.
Boureima Guindo
Source: LE PAYS