Dans son récent rapport sur la situation du Mali publié le 28 mars dernier, le patron de l’ONU traite, comme à l’accoutumée, des sujets ayant trait aux politiques et institutionnelles, aux droits de l’homme, aux questions sécuritaires et humanitaires, entre autres.
Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans son dernier rapport (un document de 22 pages), se dit préoccupé par la ‘’lenteur’’ avec laquelle le calendrier adopté par le Comité de suivi de l’Accord le 16 janvier est appliqué, la détérioration des conditions de sécurité et ses incidences néfastes sur les élections ainsi que sur l’environnement opérationnel de la Mission. «Les élections prévues à ce jour sont certes importantes, mais les parties ne doivent pas perdre de vue les responsabilités qui leur incombent dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord», souligne Antonio Guterres.
Convaincu que «la nomination de Soumeylou Boubèye Maïga au poste de Premier ministre a été l’occasion de relancer le processus de paix», le patron onusien a réaffirmé la volonté de son organisation à aider les parties à appliquer les principales dispositions de l’Accord qui ne l’ont pas encore été. Selon lui, il est essentiel de réaliser des progrès dans les domaines prioritaires de l’Accord, notamment la décentralisation, la réforme du secteur de la sécurité et le processus de cantonnement et de désarmement, de démobilisation et de réintégration, pour faire avancer le processus de paix. «Néanmoins, ces gains à court terme ne pourront conduire à une paix durable au Mali que s’ils viennent renforcer les objectifs plus vastes de réconciliation nationale, de développement économique, de bonne gouvernance et d’instauration d’une société résiliente et inclusive. Je demande que les femmes et les jeunes participent à tous les mécanismes d’appui à la mise en œuvre de l’Accord, et soient représentés au sein des autorités intérimaires», a-t-il rappelé.
Aux dires de M. Guterres, l’autorité de l’État doit être restaurée et étendue en priorité si l’on veut protéger efficacement les civils et faire bénéficier les populations touchées par le conflit des retombées tant attendues de la paix. Il s’est ainsi félicité de la nomination récente d’agents de l’État, en particulier de préfets et de sous-préfets dans les régions du nord et du centre du pays. Il a par ailleurs exhorté le Gouvernement à fournir à ces agents les ressources nécessaires pour assurer leur déploiement et leur installation rapides et efficaces à leur poste respectif. Mieux, le Secrétaire général de l’ONU a engagé les autorités maliennes à pourvoir les postes encore vacants dans l’administration territoriale, en accordant une place plus importante aux femmes et en examinant les candidatures de personnes originaires de différentes régions. «La MINUSMA continuera d’appuyer le rétablissement et l’extension de l’autorité de l’État, notamment en offrant une assistance technique et en contribuant au renforcement des capacités. Je demande aux partenaires techniques et financiers du Mali de contribuer également à ce processus», a-t-il promis.
Aussi, a-t-il engagé les acteurs du processus électoral, notamment le gouvernement, les partis d’opposition et les groupes armés signataires à faire en sorte que les élections se déroulent pacifiquement dans tout le Mali, notamment dans le nord du pays. «La collaboration entre le Gouvernement et les groupes armés signataires et les efforts visant à renforcer le dialogue entre les partis de la majorité et les partis de l’opposition contribueront à atteindre cet objectif», estime le diplomate onusien.
Selon M. Guterres, l’ONU continuera d’appuyer la mise en œuvre des mesures de réconciliation et de justice énoncées dans l’Accord, notamment en ce qui concerne la Commission d’enquête internationale chargée d’enquêter sur les violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises au Mali depuis janvier 2012. Il dit ainsi attendre avec intérêt le rapport des trois membres de la Commission, dont il a nommé les membres le 23 janvier dernier.
Le patron de l’ONU s’est aussi montré préoccupé par les conditions de sécurité qui règnent dans le pays, en particulier par les actes de terrorisme perpétrés contre des civils innocents et leurs incidences négatives sur les moyens de subsistance, l’accès aux services de base et l’exécution des programmes d’aide humanitaire et de développement. «La détérioration des conditions de sécurité au Mali continue de menacer la stabilité régionale du Sahel. Il est urgent d’intensifier la lutte contre les menaces asymétriques, en particulier les engins explosifs improvisés ou les mines qui font de plus en plus de victimes parmi les civils», a-t-il interpellé, tout en condamnant de façon ferme l’attentat terroriste perpétré près de la frontière avec le Burkina Faso le 26 janvier, qui a fait au moins vingt-six morts, dont des femmes et des enfants.
La situation dans le centre préoccupe Guterres
L’autre sujet de préoccupation du Secrétaire général de l’ONU, c’est la situation dans les régions du centre, où des attaques et des violations des droits de l’homme continuent d’être perpétrées. Selon Antonio Guterres, la présence des forces de défense et de sécurité maliennes dans le centre du pays est essentielle à la protection des populations et contribue largement à promouvoir la réconciliation entre les communautés. Partant, il s’est félicité de la visite effectuée par le Premier ministre le 11 février à Mopti et de toutes les initiatives prises jusqu’à présent en vue de mieux coordonner les activités et les interventions menées à l’appui de la stratégie intégrée et multidimensionnelle mise en œuvre par le Gouvernement en faveur du centre du pays.
Parlant de la force conjointe du G5 Sahel, il a exhorté les États membres et les organisations internationales à continuer de contribuer à ce que ladite force devienne pleinement opérationnelle. Ainsi, il a invité les États qui se sont engagés à soutenir la force G5 Sahel lors de la Conférence internationale de haut niveau sur le Sahel qui s’est tenue le 23 février à Bruxelles à verser les fonds sans délai.
Le personnel de la Minusma en danger
Selon Antonio Guterres, les lacunes de la Minusma en matière de capacités continuent d’entraver ses opérations et d’avoir une incidence sur la sûreté et la sécurité du personnel. Il a ainsi demandé aux pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police, compte tenu de l’intensification des menaces asymétriques qui pèsent sur l’environnement opérationnel, de dispenser une formation préalable au déploiement appropriée à leurs contingents et de mettre à leur disposition le matériel voulu, y compris des véhicules à l’épreuve des mines, afin d’atténuer les risques qu’ils prennent pour protéger les civils, de limiter les restrictions concernant leur participation et leur position et de renforcer ainsi l’intégration et la protection mutuelle. «J’engage les États membres à continuer de soutenir les activités de maintien de la paix des Nations Unies, notamment en apportant un appui bilatéral aux pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police à la MINUSMA», insistera-t-il.
En ce qui concerne le renouvellement du mandat de la MINUSMA, le patron onusien affirme attendre avec intérêt les conclusions de son examen stratégique, actuellement en cours. Celles-ci permettront, selon lui, de redéfinir les stratégies afin de remédier aux multiples problèmes dont il est fait état dans le présent rapport.
Situation humanitaire
Sur le plan humanitaire, le rapport souligne que l’insécurité dans le nord et le centre du Mali et la présence restreinte de l’État ont continué d’aggraver la situation humanitaire. Le Plan d’aide humanitaire de 2018, lancé à Bamako le 14 février, a ainsi pour objectif d’apporter une aide à 1,56 million de personnes pour leur assurer survie et protection. Cependant, note le document, au 10 mars, 4% seulement des 263 millions de dollars nécessaires avaient été réunis. Un montant de 8 millions de dollars dégagé par le Fonds central pour les interventions d’urgence pour l’année 2018 a été alloué à des activités destinées à sauver des vies dans les domaines de la sécurité alimentaire, de la nutrition et de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène.
Selon le rapport, la situation en matière d’alimentation et de nutrition, déjà très délicate, pourrait encore s’aggraver du fait de la crise agropastorale qui menace. La situation est d’autant plus grave que la pluviométrie insuffisante en 2017 a nui à la sécurité alimentaire des personnes et du bétail dans les régions de Gao, de Kayes, de Mopti, de Ségou et de Sikasso. À l’échelle du pays, 4,1 millions de personnes devraient donc souffrir d’insécurité alimentaire, dont 800 000 devraient nécessiter une aide alimentaire d’urgence pendant la période de soudure de 2018, c’est-à-dire de juin à septembre.
Le rapport souligne par ailleurs que l’insécurité a continué de nuire considérablement au système d’enseignement. Conséquences: en mars 2018, 715 écoles étaient fermées dans les régions de Kidal, de Gao, de Ménaka, de Tombouctou, de Mopti et de Ségou en raison de l’insécurité, notamment des menaces et des attaques par des extrémistes violents dont elles étaient la cible. En conséquence, 214 500 enfants n’étaient pas scolarisés.
Droits de l’Homme
Sur le volet des droits de l’Homme, le rapport révèle que pendant la période considérée, la MINUSMA a recensé 133 cas de violation des droits de l’homme et d’atteinte à ces droits, qui ont fait au moins 483 victimes. Il y a eu, entre autres, 18 cas d’exécution extrajudiciaire ou autres exécutions arbitraires, 18 cas d’enlèvement ou de disparition forcée, 6 cas de torture ou de mauvais traitements et 18 cas de détention illégale. Les Forces de défense et de sécurité maliennes sont impliquées dans 33 violations (25 % des cas). Ensemble, les groupes signataires (55), les groupes non signataires ou dissidents (6) et les groupes extrémistes violents (37) sont responsables de 98 cas (74 % du total signalé).
La Rédaction
Source: La Preuve