Il se croyait intouchable. À tort : le 27 novembre, l’ex-chef des putschistes a été arrêté. Il devra répondre devant la justice de son rôle présumé dans des exactions commises par ses hommes en avril 2012.
L’exil doré que lui destinait le nouveau pouvoir, Amadou Haya Sanogo n’en voulait pas. “Pour aller où ? Ma place est ici, au Mali”, répétait-il à ses proches ces dernières semaines, même après que la justice a commencé à s’intéresser à son cas. Aujourd’hui, sa place est bien à Bamako, mais derrière des barreaux, dans un endroit (vraisemblablement un camp de la gendarmerie) tenu secret.
La nouvelle est tombée le 27 novembre en milieu d’après-midi, quelques heures seulement avant que Moussa Sinko Coulibaly, le ministre de l’Administration territoriale – et par ailleurs ami d’enfance de Sanogo -, ne proclame les résultats provisoires du premier tour des élections législatives. Elle a produit, à Bamako, le même effet qu’une attaque en deux temps de jihadistes à Gao.
Accusé de “complicité d’enlèvement de personnes”
Première détonation : Sanogo, ancien putschiste en chef tout récemment promu au grade de général quatre étoiles (on ne fait pas mieux en ce moment dans l’armée malienne), que l’on disait intouchable il y a encore quatre mois, est inculpé de “complicité d’enlèvement de personnes”. Du moins “pour l’instant”, prend soin de préciser une source judiciaire, alors que des médias ont évoqué le chef d’accusation de “meurtres et assassinats”. Seconde détonation, plus forte, quelques minutes plus tard : on apprend qu’il est écroué.
Dans la matinée, au cours d’une opération d’envergure décidée au plus haut niveau de l’État, des éléments des forces spéciales accompagnés d’un officier de la police judiciaire s’étaient déployés autour de la demeure qu’il habite depuis qu’il a été contraint de quitter le camp militaire de Kati, dans le but de l’amener devant le juge Yaya Karembé, dont la convocation pendait depuis un mois.
Prétextant un statut d’ancien chef d’État qu’il n’a jamais obtenu, Sanogo lui avait fait faux bond par deux fois. Il a donc fallu employer la force. Après avoir négocié ? “Non, jure une source à la présidence. C’est la procédure administrative qui a pris du temps. Les choses ont été faites dans les règles de l’art.”
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Actes de torture : asphyxies, brûlures, viols…
Le juge Karembé soupçonne Sanogo d’avoir joué un rôle actif dans les exactions qui ont suivi la tentative de contre-coup d’État du 30 avril 2012 fomenté par des commandos parachutistes (les Bérets rouges) fidèles à l’ancien président Amadou Toumani Touré. Plusieurs ONG, dont Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International, ont révélé depuis qu’une vingtaine de Bérets rouges avaient disparu les jours suivants – ils sont probablement morts – et que des dizaines d’autres avaient été victimes d’actes de torture : asphyxies, brûlures, viols… Ces enquêtes, fondées sur de nombreux témoignages, visaient la garde rapprochée de Sanogo et le chef de la junte lui-même.
Les partisans de Sanogo dénoncent “l’incompétence du tribunal civil”. Pour eux, il relève de la cour martiale. HRW, qui loue “le courage” du juge, s’est de son côté félicité de cette inculpation. L’entourage du président Ibrahim Boubacar Keïta aussi : ces derniers jours, des voix s’étaient élevées contre l’impunité dont semblait jouir le général. À tort, de toute évidence.
Source: Jeune Afrique