Placer le programme islamiste au cœur du système ?
Le mouvement islamiste n’a cessé de dénoncer depuis jeudi dernier, date du vote, la « fraude massive » : l’alliance MSP-Front du changement n’a obtenu que 33 sièges, loin derrière les partis du pouvoir, le FLN (164 sièges) et le RND (100). « Le scrutin de jeudi dernier est entaché d’une fraude organisée et à grande échelle », avait accusé Makri au lendemain du scrutin. Le même Makri, évoquant une possible participation au gouvernement, avait conditionné, quelques semaines avant les législatives, son accord à deux facteurs : des élections « propres » et une « victoire » électorale de son parti. Or aucune des deux « conditions » n’est satisfaite.
Nasser Hamdadouche, membre du bureau national du MSP, avait même déclaré, mardi 9 mai : « La crise de confiance persiste entre notre mouvement et le pouvoir, et pour preuve : la fraude massive, le ciblage de nos fiefs électoraux et le non-respect de la volonté populaire. » Au sein même du parti islamiste, deux tendances s’affrontent depuis que bruissent les rumeurs de l’éventuelle participation au gouvernement Sellal : l’une veut couper radicalement avec la politique d’entrisme du parti qui participa à plusieurs gouvernements ; la seconde voudrait renouer avec cette politique participative « afin de placer le projet islamiste et national au cœur du système », comme le réclament les partisans de l’ex-président du MSP, Aboudjerra Soltani, lui-même ex-ministre.
Des contacts pris avant les législatives
« Les contacts pour convaincre le MSP et son allié le Front du changement de participer aux législatives puis à un gouvernement élargi politiquement ont été initiés il y a des mois par des sherpas de la présidence. Le deal est le suivant : acceptez de crédibiliser le nouveau Parlement et vous faites votre retour au gouvernement, peut-être même plus », explique une source de la majorité gouvernementale.
En mars, Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid (Nouvelle Génération), a accusé ouvertement le MSP d’avoir « négocié, sur le dos de l’opposition, pour gagner des quotas lors des prochaines élections et pour retourner au gouvernement », brisant ainsi le pacte moral qui liait une bonne partie de l’opposition qui s’était liguée pour former un large front au lendemain de l’élection de Bouteflika en avril 2014.
L’enjeu : constituer un front intérieur
« Bouteflika veut un consensus politique plus large aujourd’hui : il veut renforcer le front intérieur alors que l’Algérie fait face à plusieurs dangers : la crise économique, l’instabilité aux frontières. En même temps, nous voulons impliquer une partie de l’opposition dans la gestion en ces temps difficiles », poursuit la même source. Makri lui-même l’a reconnu dans une interview en avril dernier : « Nous allons nous mobiliser pour éviter que la colère de la société ne se transforme en casse. Nous canaliserons la colère du peuple afin de faire pression pour exiger le changement et entamer la transition démocratique. » « Jouer plutôt au punching-ball d’un pouvoir qui a besoin de cette opposition utile », commente un observateur proche du parti. Un pouvoir qui a, surtout, besoin de créer un consensus formel autour des scénarios de l’après-Bouteflika. « En l’absence d’une véritable vie politique et avec un pouvoir qui ne croit pas à l’alternance, certains partis de l’opposition savent qu’ils n’existeront pas en dehors du système, commente un cadre de l’opposition. Comme on dit en algérien : ou bien tu rentres dans le pouvoir ou bien celui-ci te rentre dedans. »