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Agacement anti-français au Mali

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Dix mois après l’opération Serval, une partie de la population ne comprend pas que Paris ménage les Touaregs, au mépris de la souveraineté malienne.

Une fois de plus, des ministres maliens ont subi l’humiliation de ne pas pouvoir se rendre à Kidal, ville du nord du pays où la situation évolue de façon inquiétante entre l’armée malienne et les groupes armés touaregs, sous les yeux de soldats français.

Le Mali est sous tension. Au nord, les rebelles touaregs luttent contre le retour de l’administration de Bamako à Kidal tandis qu’au sud, la population condamne le comportement de l’ONU et de la France, accusée de complaisance face aux rebelles qui ne veulent pas rendre les armes. Francis Simonis, membre du Centre d’études des mondes africains, est actuellement au Mali et observe cette situation se dégrader.

 

 

Vous êtes actuellement au Mali témoin d’une situation qui se dégrade jour après jour. Une violente manifestation organisée dans l’aéroport de Kidal, jeudi 28 novembre, a notamment forcé le Premier ministre à annuler sa visite dans la ville. Qu’observez-vous sur place ?

Francis Simonis : A Bamako, la population exprime de plus en plus souvent son incompréhension et sa colère face au soutien apporté par la France aux rebelles du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA). Les événements de Kidal montrent que l’insécurité, sinon l’anarchie, règnent dans la ville. Cette situation est inadmissible. Il est inconcevable que le Premier ministre d’un gouvernement issu d’élections démocratiques ne puisse se rendre en visite sur une partie du territoire national censé être protégé par la France et les Nations Unies.

 

 

Durant cette manifestation, et selon une déclaration de la Coordination des Mouvements de l’Azawad, l’armée malienne aurait tiré à balles réelles sur les manifestants, touchant notamment des femmes et des enfants. Ces mouvements estiment que cet événement a « une fois de plus » donné les preuves de la « haine » de l’armée malienne envers les populations du nord. Ce n’est pas la première fois que les rebelles touaregs parlent de cette « haine » du sud envers le nord. Comment interprétez-vous ce discours ?

Francis Simonis : L’attitude des rebelles de Kidal est la même depuis des années. Ils sont experts en communication et connaissent la force des images et la portée symbolique des blessures infligées aux femmes et aux enfants. Le MNLA organise régulièrement des marches « spontanées » où femmes et enfants sont mis en première ligne et sont chargés de provoquer les forces de l’ordre pour déclencher une répression violente qui permettra ensuite de crier à la persécution. La haine de l’armée malienne envers les populations du nord est un mythe créé et entretenu par les rebelles touareg.

 

 

La colère de Bamako est légitime face à cette situation de non-droit et à la complaisance de la communauté internationale qui, si elle est prompte à dénoncer les violences dont sont victimes les populations du nord semble oublier que le Mali compte aussi un sud dont les aspirations ne sont pas moins honorables que celles du nord. Le discours victimaire est aujourd’hui le principal fonds de commerce du MNLA.

 

 

Les Accords de Ouagadougou, signés le 18 juin 2013, devaient permettre le cantonnement des forces armées du MNLA et ainsi laisser l’Etat reprendre le contrôle de la ville. Force est de constater que Kidal est toujours sous contrôle des rebelles, malgré la présence des forces de l’ONU (Minusma) et de l’Opération Serval. Pourquoi ces derniers ne parviennent-ils pas à contrôler les hommes du MNLA ?

Francis Simonis : Les forces de la Minusma et celles de la France ne contrôlent pas Kidal parce qu’elles ne veulent pas le faire ! Le problème n’est pas militaire, mais politique. A quoi sert donc une force des Nations Unies si elle n’est pas capable de protéger la vie des journalistes qui se rendent sur le terrain et de contrôler l’aéroport de la ville ? Peut-on sérieusement croire que Serval et la Minusma n’ont pas les moyens de sécuriser l’aéroport et de permettre au Premier ministre malien d’y atterrir ? Mais dans ce cas, à quoi servent-elles ? Une nouvelle fois, l’ambigüité, sinon la duplicité de la position française éclate au grand jour. Aujourd’hui, tout le monde porte des armes à Kidal, et ce ne sont pas les rebelles qui sont cantonnés, mais l’armée malienne !

 

 

L’actuel ambassadeur de France au Mali a été, avant sa nomination, un proche contact du MNLA, si bien que le chef d’état-major du président malien, Yamoussa Camara, a dit de lui qu’il était d’avantage ambassadeur du MNLA, qu’ambassadeur français. Qu’en pensez-vous ? Y aurait-il une sorte de complaisance française à l’égard du Mouvement national de libération de l’Azawad ?

Francis Simonis : La proximité de l’ambassadeur de France avec le MNLA est un secret de polichinelle ! Moussa ag-Acharatoumane, membre du bureau politique du MNLA a avoué dans Le Monde du 19 novembre que Gilles Huberson menait des négociations avec le MNLA avant d’être nommé à Bamako ! La manière dont il a intrigué pour faire rappeler son prédécesseur Christian Rouyer qui faisait l’unanimité au Mali a été très mal perçue. Les propos du général Yamoussa Camara sont certes peu diplomatiques, mais ils expriment tout haut ce que tout le monde pense tout bas : quel est le rôle exact de cet ambassadeur issu des services secrets dont la complaisance avec les rebelles du nord laisse pantois ? Pour dire les choses sans langue de bois, Gilles Huberson apparait davantage comme l’ambassadeur du MNLA à Bamako ou comme l’ambassadeur de France auprès du MNLA que comme l’ambassadeur de France au Mali !

 

 

La complaisance de la France envers le MNLA, qui s’appuie sur de puissants lobbys parisiens, est une évidence et met à jour ce que tous les Maliens ont compris : Serval n’a pas tant pour but de libérer le nord du pays que d’assurer une présence permanente de la France dans la région et de libérer les otages français aux mains de djihadistes dont certains sont très proches du MNLA et du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad, faux-nez du mouvement djihadiste touareg Ansar Dine.

 

 

A Bamako, vous avez observé des manifestations contre la politique française au Mali. La France deviendrait-elle le bouc émissaire des Maliens, lassés de voir la situation au nord s’enliser ?

Francis Simonis : La France n’est pas ici un bouc émissaire. Elle paie l’ambigüité de sa politique. Le MNLA avait été vaincu militairement et n’existait plus sur le terrain. C’est l’opération Serval qui l’a remis en selle et lui a permis de s’implanter à Kidal. La population malienne exprime donc une demande simple et légitime : si Serval a pour but de permettre au Mali de retrouver son intégrité territoriale, pourquoi la France protège-t-elle le MNLA en refusant de laisser l’armée malienne faire régner l’ordre dans la région ? Les Maliens ont l’impression d’être victimes d’une politique de recolonisation qui ne dit pas son nom. Une petite vendeuse de brochette me disait hier en riant : « C’est vous les Français qui commandez au Mali ! IBK est le Premier ministre de papa Hollande ! »

Source: jolpress.com

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