La guerre en Ukraine et les signes avant-coureurs d’un nouvel ordre mondial
Les 16 et 17 juin 2023, cinq chefs d’État et de gouvernements africains ainsi que de hauts représentants diplomatiques d’autres États africains se sont rendus – non sans être chicanés lors de leur escale à Varsovie – d’abord à Kiev pour y rencontrer le président ukrainien Zelensky, puis à Saint-Pétersbourg pour s’entretenir avec le président russe Poutine en marge du Forum économique international de Saint-Pétersbourg. Dans les médias germanophones, la couverture de l’événement a été succincte, à quelques exceptions près. Dans les commentaires sur les préoccupations des politiciens africains, c’est le ton critique qui a prévalu, notamment parce qu’on supputait des objectifs cachés des dirigeants africains. Différents articles de presse ont mis le doigt sur les bonnes relations que l’Afrique du Sud et son président (qui s’est vu reprocher de vouloir se profiler) entretiendraient avec la Russie. Les attaques polémiques contre le président russe devenues endémiques n’ont pas manqué, cette fois non plus.
Un ton plus affirmatif envers les efforts des politiciens et diplomates africains a été emprunté par la presse catholique1. Un commentaire préliminaire du Tagesspiegel, quotidien berlinois paru dans l’édition du 8 juin et intitulé «Initiative africaine de paix pour l’Ukraine, avant-goût du nouvel ordre mondial» s’est également démarqué positivement : «L’initiative de paix mérite de retenir l’attention, indépendamment de son issue. Car elle montre quelque chose qui a trop longtemps été ignoré chez nous : sûrs d’eux et de leur poids, les États africains aspirent depuis longtemps à une plus grande influence internationale. C’est l’expression d’un changement global en politique mondiale. Les pays du Sud ne veulent plus être perçus uniquement comme des bénéficiaires d’aide ou les pions dans les jeux des grands acteurs internationaux. Ils exigent le respect. Car ils sont conscients de leur importance croissante en tant que partenaires commerciaux ou alliés stratégiques. Toujours est-il qu’en Allemagne et en Europe, la reconnaissance et le respect qui leur sont dus sont encore trop rarement accordés». On y lit également : «Notre politique devra s’adapter au fait que l’Afrique gagne en importance, insistant sur le fait qu’elle a son mot à dire lorsqu’il s’agit de l’ordre international et de la répartition des pouvoirs dans le monde. Et sur la guerre et la paix. Les efforts de médiation actuels concernant l’Ukraine ne sont donc qu’un avant-goût».
Tonalité devenue un peu plus objective
L’initiative des dirigeants africains et leur voyage à Kiev et à Saint-Pétersbourg constituent la première tentative des États africains de contribuer à la paix dans un conflit devenu belliqueux entre États non africains. Selon la teneur générale des articles et des documents disponibles, les dirigeants et diplomates africains ont agi avec prudence, se concentrant d’abord sur l’établissement d’un fil de débat direct, surtout en écoute des représentants ukrainiens et russes. Ce qui ne les a pas empêché d’apporter leurs propres réflexions – tout en renonçant à s’afficher en tant que grande puissance, se présentant sans pédanterie présomptueuse et sans insister sur la représentation exclusive. On parle d’un «plan à 10 points», pourtant pas encore officiel.2
Il va de soi que l’Afrique a son propre intérêt à ce que le conflit prenne fin. «Ce conflit a un impact négatif sur l’Afrique», a déclaré le président sud-africain. Il ajoute que «la voie vers la paix» était certes «très dure» mais inévitable pour mettre fin à ce conflit, plus tôt que tard, «par des négociations ainsi que par des moyens diplomatiques».
La rencontre de Kiev s’est terminée par une conférence de presse commune. Celle-ci a relevé que le président ukrainien n’était actuellement pas prêt à négocier, posant au contraire des conditions inacceptables pour la Russie. Zelensky a déclaré qu’il ne comprenait pas ce que la visite de la délégation africaine à Poutine pouvait apporter.
Quant au président russe, il ne s’est pas exprimé publiquement après la rencontre avec ses interlocuteurs africains. Par contre, la Russie a publié une déclaration de Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, ainsi qu’un rapport détaillé de l’agence de presse russe TASS.
Réflexion faite, concernant les voix méritant d’être documentées dans ces colonnes, j’ai opté pour le rapport de l’agence de presse russe TASS (en raison de son exhaustivité et pour documenter la position russe, toujours largement ignorée chez nous en Occident) et un commentaire d’un jeune journaliste sudafricain.
source : Horizons et Débats