Suite à un contrôle de routine, une cinquantaine de militaires ivoiriens ont été arrêtés par les autorités maliennes à leur arrivée à l’aéroport international de Bamako le 10 juillet 2022. Les investigations menées ont démontré qu’ils disposaient de passeports sur lesquels diverses professions civiles leur étaient attribuées. Dans un premier temps, les autorités ivoiriennes, contactées par leurs homologues maliennes, ont dit ne pas reconnaître ces militaires. Du coup, le Mali a publié un communiqué officiel. Et c’est 48 heures après que le gouvernement ivoirien va revenir en affirmant les reconnaître, précisant même qu’ils font partie de la relève des soldats de la MINUSMA. Celle-ci dément la version des autorités ivoiriennes, de même que l’O.N.U. Et c’est parti pour un flou total. Qu’en est-il réellement ?
C’est l’histoire d’un corps expéditionnaire entretenu secrètement à grands frais par le pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara, le président ivoirien, qui s’y connaît en matière de financement des rébellions et du terrorisme. Il n’y a qu’à se souvenir des tristes équipées sanglantes qui ont endeuillé la paisible Côte d’Ivoire pendant dix ans et qui n’ont pris fin qu’avec l’arrivée à la présidence d’ADO par le biais d’élections contrôlées par les Nations-Unies. L’histoire sera longue à narrer, mais c’est bien une triste histoire ivoiro-africaine qui ne semble pas vouloir dire son dernier mot. Il ne s’agit pas que de petites insinuations de journalistes maliens. D’après « @L’œil D’Horus », l’histoire des mercenaires existe bel et bien en Côte d’Ivoire. Tout a commencé avec l’ancien ministre de la défense, puis Premier ministre, feu Hamed Bagayoko. C’est celui-ci qui a créé un corps spécial issu de l’armée et qui a pour mission de faire des interventions «officieuses» contre, bien entendu, comme c’est toujours le cas dans de pareils procédés, de fortes rémunérations. Hamed Bagaoyoko décédé, le frère cadet du président Alassane Ouattara, Téné Birahima Ouattara (TBO) surnommé « Photocopie », actuel ministre de la défense, a pris le relais.Toujours, selon la rédaction de ce média en ligne, « Avant le Mali, il y a eu la Centrafrique et l’Ethiopie. C’est pour dire que ce groupe de militaires n’est pas à son premier forfait ». Et d’ajouter que : « Un commerce juteux ne peut pas s’arrêter en si bon chemin! Et dès qu’il y a besoin de soldats ou d’une équipe de choc pour une opération ‘’commando clandestine’’, cette escouade est prête pour la mission contre espèces sonnantes et trébuchantes qui atterrissent directement dans la poche de quelques individus. Des soldats dans ce sens ont été envoyés en Centrafrique et en Éthiopie. Il suffit que le pays soit en crise, qu’il ait besoin de « mercenaires » pour une intervention ciblée, que des contacts soient pris et le deal est scellé, que ces missionnaires prenaient du service. Pour le compte de leur mentor, n’oublions pas! »
Selon toujours le confrère, à la différence de la Centrafrique où tout s’est bien déroulé, l’opération a échoué au Mali. Et de poursuivre que des contacts au Mali avaient pourtant bien averti le Directeur de cabinet de Téné Birahima Ouattara (TBO) qu’il y avait un risque pour cette fois-ci. L’occasion faisant le larron, le coup a été néanmoins tenté, et bonjour les dégâts ! On comprend maintenant la raison pour laquelle le gouvernement ivoirien a mis du temps pour répondre au communiqué des officiels maliens ! Pour ensuite lancer un ultimatum pour la libération immédiate de leurs chiens de guerre, ultimatum considéré par Bamako comme venant de desperados et qu’il fallait superbement ignorer.
A en croire « @L’œil D’Horus », au regard de la sensibilité de la situation, il n’a échappé à personne, que ce n’est ni l’Etat-major, ni le ministère de la Défense et encore moins celui des Affaires étrangères, comme cela se fait dans le cadre d’une crise diplomatique d’une telle envergure, qui produit le communiquéà l’issue de la réunion du Conseil national de sécurité (CNS), sommant l’État malien de libérer immédiatement les 49 soldats. Ce qui dédouane politiquement le gouvernement. Et Amadou Coulibaly, le porte-parole du gouvernement, lors d’un point de presse, face à la question relative à cet incident, s’en est remistout bonnement au communiqué du CNS. L’Etat-major ivoirien a nié avoir envoyé un contingent. L’ONU n’a aucune relève prévue et ce bataillon n’agit pas sous son mandat, a soutenu le media en ligne.
Le film de l’arrestation des 49
Selon les informations qui ont filtré, à en croire « @L’œil D’Horus », 08 soldats étaient passés à travers le filet de la sécurité de l’aéroport de Bamako. Leurs professions étaient : serveuses, vigiles, tôliers… C’est ce qui a attiré l’attention des agents de sûreté. Donc, interrogatoire musclé. Le chef de mission, interrogé, a d’abord affirmé « que ce sont des soldats de cambuse. Les concernés eux, ont répondu à l’interrogatoire, que c’est une mission ‘’secrète’’ ». Soldats de cambuse, ce qui signifie que ce sont des soldats affectés au magasin des vivres d’un navire. Mais qu’est-ce que ces matelots d’une espèce inconnue avaient à se fourrer dans un avion pour atterrir incognito à Bamako où la mer ne passe ? Ce n’est pas tout :l’une des fameuses ‘’serveuses’’ a dit « qu’elle croit que c’est pour le compte du ministre qu’ils sont là. » Quel ministre ?TBO, celui de la défense, frère cadet du président Alassane Dramane Ouattara, de toute évidence le cadet appelé à remplacer bientôt l’aîné à la tête de l’Etat ivoirien ? Il y a matière pour les scénaristes. En attendant, on peut s’interroger. Opération montée à la hâte ou tout simplement mal conçue ? Le deal n’était en tout cas pas bien ficelé. La fameuse serveuse, elle, ne savait que répondre. « @L’œil D’Horus » commente : « ELLE CROIT QUE »… C’est cette phrase qui a fait monter la tension en faisant planer le doute sur l’identité des 49. Et c’est à partir de cette bévue qu’il y a eu fouille des bagages des 49. C’est ainsique les 49 militaires ont été arrêtés et l’opinion nationale et internationale a été informée à travers un communiqué officiel du gouvernement du Mali.
Que dit ce communiqué en date du 11 juillet 2022 ?
Le gouvernement de transition a estimé que les 49 militaires ivoiriens arrivés sur son sol, la veille, se “trouvaient illégalement sur (son) le territoire” dans un communiqué publié le 11 juillet. Résultat : “Ils ont été immédiatement interpellés et leurs armements, munitions et équipements ont été saisis”. Selon Bamako, les soldats ont justifié leur présence dans le pays en fournissant “quatre versions différentes” à savoir : “la mission confidentielle, la rotation dans le cadre de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (Minusma), la sécurisation de la base logistique de la compagnie aérienne ‘Sahelian Aviation Services’ et la protection du contingent allemand”. Du côté de l’ambassade d’Allemagne, on nie être à l’origine du recrutement. « Il n’y a pas de lien direct entre ces soldats ivoiriens et nous », assure un diplomate allemand, selon le journal français « Libération ». La société SAS n’a pas encore communiqué sur l’affaire, mais le cadre légal des NSE n’autorise pas des entreprises à faire appel à ce mécanisme dévolu aux Etats, a ajouté notre source.
Les autorités maliennes rapportent que la Minusma leur “a indiqué qu’elle n’avait pas de rotation prévue le 10 Juillet 2022″. Bamako a également précisé que “des responsables des Forces de défense et de sécurité maliennes ont contacté immédiatement leurs homologues ivoiriens” qui leur ont “affirmé qu’ils ignoraient tout de la présence des militaires ivoiriens interpellés”.
Comment la Côte d’Ivoire a-t-elle réagi ?
Egalement par le biais d’un communiqué, rendu public le 12 juillet à l’issue d’une réunion du conseil national de sécurité, Abidjan a confirmé que ces soldats appartenaient bel et bien à l’armée ivoirienne et qu’ils étaient au Mali “dans le cadre des opérations des éléments nationaux de soutien (NSE)”, leur présence étant “conforme aux mécanismes de soutien aux contingents des pays contributeurs de troupes dans le cadre des missions de maintien de la paix” et “bien connue des autorités maliennes”. Ce déploiement est le fruit d’”une convention signée, en juillet 2019, entre la Côte d’Ivoire et l’Organisation des Nations Unies” et d’”un contrat de sécurisation et de soutien logistique signé avec la Société Sahel Aviation Service (SAS)”.
En vertu de cet accord, des militaires ivoiriens “sont présents” à l’aéroport international de Bamako depuis sa signature. D’après la Côte d’Ivoire, les 49 soldats interpellés font partie du 8e contingent déployé dans ce cadre et les responsables maliens ont été prévenus “à l’arrivée” de ces militaires sur leur territoire. Ainsi “une copie de l’ordre de mission du contingent a été transmise aux autorités aéroportuaires maliennes, pour attester de la régularité de la mission”. Tout comme au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale, ce que le gouvernement de transition du Mali a réfuté, ainsi qu’au chef d’Etat-major de l’armée malienne.
Quelle est la position des Nations Unies évoquée par les deux pays ?
“Ce ne sont pas des contingents Minusma”, a précisé d’emblée à propos des soldats ivoiriens le porte-parole la mission onusienne, Olivier Salgado, joint par France Info Afrique le 12 juillet, insistant sur une information déjà fournie dans un post sur Twitter la veille. Il y évoquait plusieurs arguments développés par la Côte d’Ivoire, notamment le fait que ces militaires étaient “déployés depuis plusieurs années (au Mali) dans le cadre d’un appui logistique” et que les autorités du pays avaient été prévenues.
« Les soldats interpellés hier dimanche à l’aéroport de Bamako ne font pas partie de l’un des contingents de la MINUSMA. Ces soldats sont déployés depuis plusieurs années au Mali dans le cadre d’un appui logistique pour le compte de l’un de nos contingents ». «Les détachements NSE ( National Support Element) sont embauchés par les contingents pour réaliser des tâches hors mandat, comme garder des entrepôts, a expliquéOlivier Salgado. La Minusma n’intervient pas dans ces contrats.»
L’instance onusienne signale dans une note publiée, mercredi 13 juillet, et reprise par Rfi, que les militaires ivoiriens arrêtés n’ont pas le statut de NSE. Selon RFI, il est impossible pour l’ONU de déterminer dans quel cadre ces soldats ont été dépêchés à Bamako, ni leurs liens contractuels avec la société Sahel Aviation Services (SAS) qui est censée les embaucher. Ce qui voudrait donc dire que les armes du contingent transportées dans un second avion n’auraient jamais été autorisées les Nations Unies. Selon un employé du contingent allemand, SAS est une compagnie exclusive louée par le contingent allemand de la MINUSMA. Les employés de SAS ne sont pas liés directement à la MINUSMA, mais au contingent allemand qui se trouve dans la MINUSMA.
Conséquences de l’incident
Le gouvernement malien demande à ce que la sécurisation de l’entreprise allemande (celle que ces militaires étaient censés sécuriser) soit transférée à l’armée malienne. Quant au dossierdes soldats interpellés, Bamako, pointilleux sur le respect du droit, l’a transféré à la justice. Mais pour ce qui des derniers soldats ivoiriens exerçant déjà dans le cadre du NSE encore sur le territoire malien, ils ont été contraints de quitter le pays. Ils sont au nombre de 16 et ils constituaient les derniers opérateurs de la section à remplacer dans le cadre du NSE au Mali. Ces militaires ivoiriens, comme le veut la pratique dans cette opération, étaient restés après le départ des autres pour veiller sur les installations et les matériels avant de procéder à la passation à la nouvelle équipe qui prend le relais. Mais ces derniers ont été contraints de rentrer en Côte d’Ivoire. Selon une source militaire, sur injonction de Bamako, ils ont quitté le Mali. Expulsés, ces soldats sont rentrés dans la soirée du mercredi, 13 juillet. Puis, dans un communiqué rendu public, le gouvernement malien a interdit toute rotation des soldats de la MINUSMA jusqu’à nouvel ordre. En d’autres termes, toutes les relèves de soldats au compte de la MINUSMA sont suspendues.Les autorités maliennes ont aussi interdit à 08 soldats du contingent allemand de la MINUSMA de quitter le territoire national, ce qui semble indiquer de possibles complicités à élucider.
Rappelons que ce n’est pas la première fois que les autorités maliennes s’appuient sur des irrégularités juridiques et techniques pour remettre à leur place tout pays qui voudrait violer la souveraineté du Mali. En janvier 2022, Bamako avait ordonné au Danemark de retirer ses forces spéciales de sonterritoire, suite à un problème d’accord relatif à leur déploiement. Une rupture de protocole contribuant au déclin de la force française Takuba, que le contingent danois devait rejoindre.
Quelles solutions envisagées ?
L’affaire va peut-être vers un dénouement heureux si la partie ivoirienne continue à faire profil bas comme elle semble le faire après avoir maladroitement lancé son ultimatim de libérer immédiatement ses barbouses. A l’initiave d’Abidjan, en effet, le Togo a demandé l’indulgence du Président Assimi Goïta jouer la médiation. Le Mali, dont les autorités et les citoyens ont déjà prouvé leur grande aptitude à la résilience, grand acquis d’une riche histoire et d’une culture humaniste éprouvée, privilégie la solution diplomatique. S’il a remis les 49 mercenaires Ivoiriens à la justice et les fera bien juger ce vendredi, 22 juillet, par le Tribunal militaire de Bamako, c’est pour être dans la vérité des faits et signifier que la justice prévaudra, bien que plusieurs autres voies de règlement resteront à explorer, nous sommes avant tout dans la communauté internationale où la diplomatie garde ses droits. C’est ainsi que Bamako a accédé à la sollicitation du président togolais, Faure Eyadéma, dans le souci d’éviter l’enlisement dont ce sont les populations ivoiriennes et maliennes qui feraient les frais. Les gouvernants maliens, les militaires en particulier, pour avoir été des acteurs en première sur de nombreux théâtres de conflits au Mali comme ailleurs, notamment au Darfour, savent quels ravages la guerre provoque comme drames humains. S’ils s’y préparent et se tiennent prêts à tous les instants, ils font tout pour ne pas en être les déclencheurs. Aussitôt sollicité, le Président a envoyé à Bamakoson ministre des affaires étrangères, Robert Dussey, qui était d’ailleurs au Mali quelques dix jours auparavant (le 04 juillet, soit une semaine avant la mise hors d’état d’agir des mercenaires opérée sans coup férir le 10 juillet), a été reçu, le lundi 18 juillet, par le Président de la transition. C’est dire combien le Togo maintient une diplomatie active dans la sous-région, singulièrement sur ce que des hostilités développées contre le Mali. À l’issue de son audience avec le président de la Transition, le ministre togolais a indiqué, au cours d’un point de presse, que les questions « bilatérales d’intérêt commun et sous-régional » étaient à l’ordre du jour de cette rencontre. « En parlant d’intérêt sous-régional, nous avons évoqué la détention des 49 soldats ivoiriens au Mali », a-t-il indiqué avant de souligner avoir trouvé le « Président de la Transition […] très ouvert, favorable au dialogue » et qui souhaite surtout préserver les relations de fraternité et d’amitié entre la Côte d’Ivoire et le Mali. Soit dit en passant, contrairement à des pratiques éculées qui ont néanmoins la vie dure, les autorités de la Transition n’ont exercé aucune torture sur les mercenaires ivoiriens arrêtés, elles les ont tout simplement remis à la justice après les interrogatoires indispensables.
C’est pourquoi le Président de la Transition a sollicité le concours de son homologue togolais, Faure Essozima Gnassingbé, afin de trouver une solution rapide à cette situation entre les deux pays. « Je voudrais vous confirmer la disponibilité du Président de la République togolaise d’aider et d’user de ces bons offices pour résoudre définitivement ce problème entre nos deux pays », a rassuré le ministre togolais des Affaires étrangères avant de laisser entendre : « Pour le Togo et le Président de la République togolaise, la paix au Mali, la paix en Côte d’Ivoire, c’est la paix dans toute la région et dans notre pays, le Togo. » De son côté, l’ambassade du Mali à Abidjan, conformément à la ligne officielle, dans le souci de la préservation de la paix et des relations fraternelles séculaires qui ont toujours existé entre la République du Mali et la République sœur de Côte d’Ivoire, a lancé un appel « à la retenue à tous les ressortissants maliens en Côte d’Ivoire, tout en invitant les responsables communautaires à œuvrer partout où ils se trouvent à la consolidation de la paix et du vivre-ensemble avec leurs frères et sœurs ivoiriens au moment où les plus hautes autorités des deux pays s’attèlent à résoudre la question des 49 militaires ivoiriens » entrés de toute évidence par effraction au Mali.
Luc Sidibé et Al-Hassan B