Au Mali, l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga et l’ancienne ministre de l’Économie Bouaré Fily Sissoko ont été incarcérés jeudi dans l’affaire de l’avion présidentiel acheté durant la présidence d’IBK. Mais la prise en main de l’affaire par la Cour suprême, en lieu et place de la Haute cour de justice, seule compétente en théorie pour juger les ministres, divise.
Considérée comme non fonctionnelle par le procureur général de la Cour suprême, ce n’est pas la Haute Cour de justice qui est en charge de l’affaire, mais la Cour suprême. Une « instrumentalisation de la justice », selon Cheik Mohammed Chérif Koné, le président de l’AMPP, l’Association malienne des procureurs et poursuivants.
Sa position de premier avocat général au parquet de la Cour suprême ne l’empêche pas de critiquer ce choix : « Les membres de la Cour suprême ne sont même pas au courant de ce qui se passe ici. On ne comprend pas du tout la procédure, parce que nous n’avons pas été du tout associé et c’est sur les réseaux sociaux et dans la rue que nous apprenons les informations concernant ce dossier. C’est très inquiétant. La procédure donne vraiment l’impression d’une justice instrumentalisée. Nous sommes dans un État de droit. Les règles de procédures sont d’ordre public ».
Selon lui, la Cour suprême ne peut se substituer à la Haute Cour de justice, « la seule habilitée » à juger des dossiers qui impliquent des ministres.
Pour justifier ce choix, le procureur général de la Cour suprême avait mis en avant la période de Transition en cours au Mali. « Ce n’est pas parce que l’Assemblée nationale est dissoute que la Haute Cour de justice n’est pas là. Elle est prévue par la Constitution, poursuit l’avocat. L’association des procureurs se bat contre l’impunité, notamment des plus hautes personnalités qui doivent être les premières à donner l’exemple de droiture, de probité. Mais nous tenons à ce que les règles de procédures soient respectées, que le citoyen soit respecté, que les droits de la défense soient respectés ».
« Quelle que soit la façon d’arrêter un voleur, il faut l’arrêter »
D’autres, au contraire, se réjouissent de ce qu’ils considèrent comme des avancées contre l’impunité. Des rapports de la Cour des comptes et du vérificateur général, mais également du FMI, avaient épinglé des surfacturations et de nombreuses anomalies lors de l’achat de l’avion durant le mandat d’Ibrahim Boubacar Keïta. Ces dossiers avaient été classés sans suite en 2018 puis rouverts l’année dernière et l’inculpation des deux anciens ministres est une bonne chose pour Clément Dembélé, président de la plateforme contre la corruption et le chômage au Mali (PCC), qui se réjouit de voir l’enquête avancer.
« Les inculpations de Soumeylou Boubeye Maïga et de Bouaré constituent un point de départ d’une lutte qui va commencer. Boubeye n’est pas le seul, Madame Fily n’est pas la seule, il y en a d’autres. Il y a des officiers supérieurs dans cette affaire, des conseillers », explique-t-il espérant que la justice « aille jusqu’au bout ». Il estime également que l’ancien président IBK devrait être introduit dans la procédure « parce qu’on ne peut pas mener toute cette affaire sans lui ».
Concernant la question de l’instrumentalisation de la justice soulevée par des magistrats, Clément Dembelé estime que « quelle que soit la façon d’arrêter un voleur, il faut l’arrêter ». « L’objectif, c’est de pouvoir arrêter un moment quelqu’un qui n’a pas eu pitié, ni peur, ni moralité, de piller les biens publics. Aujourd’hui, si la Cour suprême arrête les gens, continuons le processus. Peu importe la formule, allons-y et nous allons arriver au bout », conclut-il.
Source : RFI