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Affaire Bourama Traoré : Zoom sur les étapes marquantes du procès à la va vite

L’affaire dite du député Bourama Tidiane Traoré qui avait été inculpé pour flagrant délit d’outrage à magistrat, de violence et de voies de faits aura connu, en quelques jours, un feuilleton politico-judiciaire très mouvementé avant de déboucher le mercredi 3 décembre sur la relaxe pur et simple de l’honorable. Un dénouement heureux, qui concilie le législatif et le judicaire. Le décryptage complet du déroulé du film des événements qui ont faillis entachés à jamais la carrière politique de l’élu de Ouélessébougou, le 3 décembre dernier à 16h. Lisez plutôt !

Bourama Tidiane Traoré Bananzolé Bourama depute honorable assemblee nationale

Mardi 25 novembre 2014 au soir : suite au pugilat entre le député et le juge de Ouélessebougou à la juridiction de ladite localité, le procureur Général informé de ce que le juge de paix Amadou Diadié Touré venait d’être agressé jusque dans son bureau par le député, Bourama Tidiane Traoré, s’emploi en contactant la hiérarchie de l’office de police judiciaire de la gendarmerie. Le député est arrêté sur les lieux avant d’être conduit au camp I de la gendarmerie à Bamako. Il est inculpé dans le cadre d’un flagrant délit.

Mercredi 26 novembre : Des tractations de certains membres de l’hémicycle commencent  pour obtenir sa libération. C’est le dialogue des sourds entre le Législatif et le Judiciaire. Très vite, puisqu’il s’agit d’un cas de flagrant délit, le Tribunal de première Instance de la Commune VI du District de Bamako est choisi pour juger immédiatement en première instance le député Bourama Traoré.

Jeudi 27 novembre : C’est l’audience du flagrant – délit du député en Commune VI. Dès la matinée, le député est dans la Cour du Tribunal accompagné de son premier avocat constitué, Me Tiecoura Samaké, originaire de la même localité que le député. Après quelques heures d’entretien avec le procureur de la République, à 13 h, celui-ci décerne officiellement le mandat de dépôt contre le député. A 15 heures, l’audience commence. C’est le premier président du tribunal Taïcha qui monte à cette audience spéciale. D’entrée de jeu, le prévenu député et son conseil demandent le renvoi de l’affaire  pour mieux préparer leur défense et en leur accordant la liberté provisoire. Le Tribunal accepte le renvoi de l’affaire et fixe la prochaine audience au 3 décembre mais refuse de faire droit à la demande de liberté provisoire.

Entre temps, au niveau de l’hémicycle malgré une session chargée, les députés mettent de coté tous les programmes de la journée et convoquent une réunion extraordinaire à l’issue de laquelle la résolution N°020 AN-RM du 27 décembre 2014 pour exiger la libération immédiate du député Bourama Traoré et la suspension de la poursuite.

Lundi 1er décembre : La défense soulève une exception en cours de procédure au niveau du Tribunal de la Commune VI. Les avocats de la défense font parvenir la résolution de l’Assemblée Nationale et demandent de statuer sur la recevabilité de ladite résolution. Une audience en jugement Avant Dire Droit se tient dans l’immédiat. Le parquet de la Commune VI change d’avis et veut abonder dans le sens de l’abandon de la poursuite sur la base de la résolution. A l’audience, présidée par le juge Abdoulaye Koné, le Tribunal se déclare incompétent estimant ne pas être un juge constitutionnel pour statuer sur la recevabilité de la résolution N°020 AN-RM du 27 décembre 2014. Il rend la décision N°660/ADD/1er décembre 2014  dont la teneur suit :

 «  Le Tribunal, contradictoirement en matière correctionnelle sur la résolution N° N°020 AN-RM, en premier ressort ;

Constate que l’Assemblée Nationale est la 2ème institution de la République ;

Vu qu’il existe une séparation stricte entre les pouvoirs législatif et judiciaire dans un Etat de  droit comme le Mali ;

Par conséquent, le juge judiciaire n’étant pas le juge constitutionnel ;

  • Se déclare incompétent pour statuer sur la résolution de l’Assemblée Nationale ;
  • Renvoi le ministère public et les parties à mieux se pourvoir ;
  • Renvoi à l’audience du 3 décembre ;
  • Réserve les dépens ».

Sans plus tarder, à la tombée de cette décision, le parquet et la défense interjettent appel contre cette décision du juge d’instance. Un extrait du plumitif de la décision est vite tiré auprès du greffier en chef du tribunal pour accompagner l’acte d’appel.

Mardi 2 décembre : La Cour d’appel, saisi de l’appel interjeté, programme son audience et des débats se tiennent jusqu’à 18 heures. Faute de la citation de la partie civile, l’audience est renvoyée au 3 décembre.

Mercredi 3 décembre : Dès la matinée, la Cour de la juridiction est pleine de monde. Avocats, magistrats, journalistes et proches parents des deux parties attendent impatiemment l’audience prévue pour 13 heures. A 11 heures, le député franchit le portail de la Cour d’Appel à bord d’une Prado d’un de ses avocats. Le garde du Procureur Général l’accueilli et le conduit dans la salle d’audience N°3 de la Cour où ses avocats lui rejoignent pour des entretiens jusqu’à 13 h. Le député est transféré dans la salle de délibération de la salle d’audience N°1 de la Cour. L’assistance est priée de quitter la salle d’audience N° 3 pour la salle d’audience N°1 où l’audience va finalement avoir lieu en raison de sa grande capacité.

Le député entre sous des applaudissements

Le garde du Procureur Général installe spécialement une chaise devant la barre. C’est le député qui fait son entrée en précédant la Cour, par l’entrée même de la Cour dans sa composition exacte dans la salle d’audience, solennellement et par des ovations. « C’est déjà arrangé ! le climat est différent !», murmure-t-on dans la salle. Quelques instants près, à 13h20, l’on annonce l’entrée de la Cour, présidée par le Conseiller Léon Niangaly avec le banc du ministère public occupé par l’Avocat Général près la Cour d’Appel, Amadou Sangho qui se trouve être l’adjoint premier du Procureur Général.

A l’appel de la cause par le président d’audience, la pléthore d’avocats se présente. Pour la défense, l’on voit se présenter, entre autres, Me Baber Gano, Me Tiecoura Samaké, Me Tiessolo Konaré, Me Mariam Diawara, Me Assane Barry, Me Issaka Coulibaly. Pour la partie civile, Me Maliki Ibrahim, Me Aïssata Sy, Me Hamidou Dao, Me Oumar A Sidibé, Me Diakaridia Djiré, Me Aliou A.Touré, MeBaba Dioncolo Sissoko, Me Abdramane Touré, entre autres.

Première victoire de la défense

A l’ouverture des débats, les avocats de la partie civile soulève d’office une exception et demande le renvoi de l’affaire à une autre audience, estimant que l’affaire n’est pas en état pour être jugé. Se pose alors la question de savoir si la Cour peut juger et sanctionner une décision en appel sans connaitre l’expédition de cette décision, c’est-à-dire la copie textuelle du jugement. Ce qui n’était pas le cas, car la rédaction du jugement prend généralement de temps. La balle est dans le camp du ministère public. Le président donne la parole à l’avocat général qui se lève et dit : « il est de règle qu’en appel, il est versé au dossier l’expédition du jugement querellé, mais il y a aussi eu des cas dans cette même salle où on a jugé des affaires sur la base du seul extrait du plumitif ». La Cour se retire pour délibérer sur l’exception soulevée par les avocats de la partie civile. Les trois magistrats qui composent la Cour reviennent quelques minutes après pour lire : «  la Cour rejette l’exception soulevée par la partie civile ; on continue sur le fond ». C’est la première victoire des avocats de la défense.

Deuxième victoire de la défense

Sur le fond, le débat est ouvert. Me Baber qui fut le premier à prendre la parole suivi de Me Assane Barry pour la défense soutient que sur la base de la résolution, la poursuite contre le député doit être suspendue et celui-ci doit être immédiatement mis en liberté. Ils invoquent le dernier alinéa de l’article 62 de la constitution selon lequel, la poursuite du député est suspendue si l’assemblée nationale le requiert. S’ouvre alors une haute discussion sur le  problème d’interprétation du texte visé entre avocats de la défense et de la partie civile. Pour ces derniers, l’article 62 pose un principe et une exception. Le principe étant l’immunité des députés et l’exception la perte de cette immunité en cas de flagrant délit. Sinon quel est l’intérêt du constituant dans ce cas ? S’interrogent les avocats.

Au terme de près de 3 heures de débats, le président donne la parole à l’avocat général. L’affaire est banale. La position du parquet général est on ne peut plus clair. « Le parquet, initiateur de la poursuite a été saisi par une résolution de l’Assemblée Nationale demandant la libération immédiate du député Bourama Tidiane Traoré ; le ministère public a décide de suspendre la poursuite ». C’est vite parti. La Cour se retire et revient quelques temps après. La décision ne surprend plus. A 16h, la Cour lis son verdict : « Sur la base de la résolution de l’Assemblée Nationale, la Cour ordonne la suspension de la poursuite du député Bourama Traoré et ordonne sa mise en liberté s’il n’est détenu pour autre chose ». Et l’audience est levée.

Ordre de mise en liberté

A la sortie de la salle d’audience, l’avocat général est recherché par la défense. On est devant le bureau du procureur général. « Où est Sangho ? Cherche incessamment Me Baber Gano. Il croise aussitôt l’avocat général à qui il demande : « Et l’ordre de mise en liberté ? », s’exclame-t-il. « C’est signé Maitre ». C’est la fin du feuilleton politico judicaire du député Bourama Tidiane Traoré.

Daniel KOURIBA

SOURCE: Tjikan  du   5 déc 2014.
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