On l’attendait, il est arrivé. Oui, le collège transitoire va s’installer au Conseil malien des chargeurs (CMC). Bien que cela puisse surprendre, c’est pourtant une disposition légale prévue par le Décret n°2021-0439 du 09 juillet 2021 portant modification du Décret n° 99-426/P-RM du 29 décembre 1999 fixant l’organisation et le mode de fonctionnement du CMC. Il s’agit d’une des grandes réformes apportées au Conseil malien des chargeurs où le président sortant pouvait jouer à la prolongation de son mandat finissant à cause des recours judiciaires consécutifs aux élections et pendant devant la justice pendant plus d’un an, parfois.
Pour deux mandats de cinq ans chacun, le président sortant du Conseil malien des chargeurs (CMC) en a fait treize. Il faut comprendre que, selon les anciennes dispositions légales, le président sortant et le bureau qui l’accompagne restaient en poste jusqu’à la mise en place du nouveau bureau. Alors, dès qu’il y a prolongation du scrutin en justice, suite à un recours en contestation introduit devant les tribunaux par un des candidats, le mandat du président sortant était donc étiré au-delà des cinq ans puisque pour épuiser toutes les voies de recours offertes par la loi, beaucoup d’eau coule sous le pont de l’histoire. Cela peut aller jusqu’à deux, voire trois ans. C’est ce qui est arrivé lors des dernières élections du CMC et le mandat finissant n’avait donc commencé qu’après le dernier épisode du feuilleton judiciaire.
Tirant les enseignements du passé, des réformes ont été introduites, disons des innovations ont été apportés au processus électoral et le Décret n°2021-0439 du 09 juillet 2021 a donc modifié le Décret n° 99-426/P-RM du 29 décembre 1999 fixant l’organisation et le mode de fonctionnement du CMC.
L’installation d’un collège transitoire trouve donc son fondement dans ce Décret n°2021-0439 du 09 juillet 2021, notamment en son article 22 nouveau alinéa 2 qui précise : “…Lorsque les élections n’ont pas pu se tenir dans les délais légaux, par le fait de cas de force majeure, il est mis en place par Décret du Premier ministre, sur proposition du ministre chargé des Transports, une administration provisoire qui assumera les fonctions dévolues à l’Assemblée consulaire t au bureau”.
Par cette décision d’installation d’un collège transitoire, on a l’impression que l’Exécutif s’arroge le droit de se substituer à la justice, seule en mesure d’annuler un scrutin qui s’est déjà tenu. Et si annulation il y avait, des enseignements devaient en être tirés et les responsabilités situées pour que les fautifs soient sanctionnés, chacun devant répondre de sa responsabilité.
Ce collège transitoire, on en parle depuis longtemps et en un moment donné même, une copie signée circulait sous le manteau, bien avant même la tenue des élections consulaires du CMC. Et comme par hasard, des noms qui étaient déjà cités se retrouvent effectivement sur l’Arrêté publié, nommant les membres du collège transitoire.
C’est vrai que ces élections devaient se tenir six mois auparavant, pour que le président sortant ne se retrouve pas dans une situation de caducité et chercher ainsi à user de la disposition citée ci-haut. L’administration provisoire devait donc intervenir en ce moment-là pour gérer la période transitoire, en attendant que les élections puissent se tenir, même si elles ont été programmées sur le tard. Non seulement il y a eu plusieurs renvois des dates projetées à cause de discussions interminables sur les modifications à apporter au niveau des textes, mais lorsque la Commission électorale a été mise en place, elle a perdu une quinzaine de jours sans pouvoir travailler, faute de moyens matériels et financiers.
Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Pourquoi ? Par la faute de qui ? Pourquoi la Commission électorale désignée à cet effet est restée quasiment une quinzaine de jours sans fonctionner ? Qui est vraiment responsable de cette situation ?
Si le président de la République et le Premier ministre ne trouvent pas les réponses à ces questions, se contentant tout simplement d’un collège transitoire sans chercher à y voir plus clair dans cette affaire, cela risque de les rattraper plus tard car installer un collège transitoire c’est une chose, mais comment le désinstaller à la fin des six mois prévus par la loi, alors qu’une élection s’était tenue et la proclamation officielle des résultats attendus ? Peut-on et a-t-on le droit d’en faire table rase sans le respect des dispositions légales en la matière ?
Généralement, la mission d’un collège transitoire dans les chambres consulaires, c’est uniquement de préparer les élections, alors qu’il y a déjà des élections au CMC. Alors, forcer la tenue des élections et attendre de connaître les tendances qui se dégagent pour se décider ensuite, et seulement à ce moment-là, à installer une administration provisoire, n’est pas un bon signal et peut faire douter de la bonne foi des décideurs en la matière. C’est en tout cas le sentiment général exprimé dans la plupart des réactions qui ont accueilli la publication de l’Arrêté désignant les membres de l’administration provisoire.
De tout ce qui précède, il convient de demander : quelles missions pour l’administration provisoire? Là, gît toute la problématique relative à cette mesure.
En tout cas, les Autorités de la Transition doivent savoir que cette situation du CMC est suivie de très près parce que c’est le premier test électoral de la Transition qui ne devrait pas se transformer en eau de boudin.
Amadou Bamba NIANG
Source: Aujourd’hui-Mali