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Accord pour la paix et la réconciliation au Mali : Comment se défaire d’une camisole de force sans créer un front de déstabilisation du pays ?

Signé le 15 mai et le 20 juin 2015 entre le Mali et des groupes armées du septentrion, l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR, issu du processus d’Alger) demeure toujours au travers la gorge de nombreux intellectuels maliens. Et comme on le craignait, son application crée plus de problèmes qu’elle n’en résout. D’où la polémique soulevée à chaque étape comme on l’a vu récemment avec le projet de loi créant la police territoriale et qui a dû finalement être retiré au Conseil national de transition (CNT).

 

«Je crois que les Maliens de Paris qui ont marché récemment ont raison de penser que l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali est caduque», commentait ainsi une source diplomatique. «Sept ans après sa signature, certes des progrès ont été relativement réalisés. Mais, à ce rythme, il faudra attendre plusieurs décennies pour concrétiser sa mise en œuvre intégrale. Et cela parce que la majorité des Maliens, y compris les populations du nord du pays, ne se retrouvent pas dans cette application», a-t-il précisé. Ces échanges ont eu lieu suite à la polémique soulevée par la programmation de la création de la police territoriale au Mali.

Inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire du Conseil national de transition (CNT), le projet de loi sur la création de la police territoriale a été finalement retiré après la polémique soulevée par cette programmation. Disposition de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali de 2015 (APR, issu du processus d’Alger), ce projet de loi de création ne cesse de faire couler beaucoup d’encre et de salive avec tous les gouverne­ments qui se sont succédé. Et cela parce qu’ils sont nombreux les Maliens qui trouvent que ce texte porte en lui les germes d’une parti­tion programmée du pays. C’est aussi d’ailleurs ce qu’on reproche le plus à l’APR.

Le dernier retrait en date fait suite à un sit-in des syndicats auto­nomes de la police nationale qui ont émis des réserves sur les prérogatives et les futures missions de cette police territoriale. Sa création était pourtant à l’ordre du jour d’une réunion du Haut conseil des collectivités du Mali le 16 novembre 2021 pour sa 2e session ordinaire. Dans le projet de loi l’instituant, la police territoriale est placée sous l’autorité du président de l’organe exécutif de la Collectivité territoriale de région ou du District qui en assure la coordination.

La gestion et l’emploi relèvent de la compétence de la commune. Dans le texte, la police territoriale est compétente en matière de sécurité des personnes et des biens, de maintien de l’ordre public sur les voies publiques, de prévention des actes malveillants et de veille sur la tranquillité publique…

Pour certains observateurs, il s’agit d’une stratégie des mouvements et groupes armés du septentrion pour contourner le désarmement de leurs éléments. En tout cas, l’échec répété dans l’adoption de ce projet de loi prouve, si besoin en était encore, de la difficile mise en œuvre de l’APR. Ce qui donne aussi raison à des observateurs comme Nicolas Normand (ancien ambassadeur de la France au Mali) qui a récemment estimé que «l’accord d’Alger a été mal négocié car il y a eu trop de pression sur Bamako pour le signer». On a littéralement tordu la main à feu Ibrahim Boubacar Kéita pour le signer.

L’irrédentisme est généralement une manifestation d’humeur planifiée par des hobbies occidentaux pour mettre la pression sur un pays ou pour le déstabiliser carrément afin de mieux profiter de richesses spécifiques. Et le pire, c’est que la France et ses alliés veulent faire avaler aux Maliens la couleuvre qu’ils tentent de tuer ailleurs, notamment chez elle avec la Corse, la Catalogne en Espagne, la Kabylie (relativement) en Algérie, la Casamance au Sénégal… Ailleurs, la France et ses partenaires oeuvrent à la sécession des Etats convoités pour des raisons diverses. C’est bien vrai que ce sont des multinationales des deux pays impérialistes, France et Grande Bretagne, qui ont façonné toutes ces cartes en tenant compte seulement  de leurs intérêts

Le Mali pressé d’assurer l’autonomie des sécessionnistes

A chaque grande occasion un Etat, dont les richesses sont convoitées, est déstabilisé par des velléités sécessionnistes. Et ceux qui s’y opposent se retrouvent systématiquement dans l’œil du cyclone. Tout est ainsi mis en œuvre pour que la Syrie ne puisse plus jamais avoir le Plateau du Golan (précieux pour ses positions géostratégiques et ses immenses ressources en eau). Et cela n’est un secret pour personne qu’Anouar el-Sadate a négocié le Sinaï au prix de sa vie puisqu’il a été assassiné dans la foulée le 6 octobre 1981 au Caire. Et depuis 2012, le Mali subi toutes les formes de pression pour l’autonomie (une indépendance déguisée) d’une partie du septentrion dénommée Azawad, une région naturelle dont personne n’a connaissance dans l’histoire de notre pays.

«Déjà affaibli par la rébellion et la menace terroriste, le Mali a eu peur de la communauté internationale pour signer cet accord. Sinon, un pays comme le Sénégal ne va jamais accepter les accords du genre à propos de la Casamance. Or en réalité, la verte Casamance est différente du reste du pays. Et les Portugais ont découvert la Casamance en 1325 avant que les Français n’arrivent à Saint Louis», nous a confié Daouda Coulibaly, un ancien cadre de la Régi des Chemins de fer du Mali (RCFM) et aujourd’hui spécialiste des relations internationales, notamment de la géostratégie et de la géopolitique. «Tout s’est passé comme s’il y avait  un deal secret entre Kidal et la France et sur lequel le régime de l’époque avait tout intérêt à fermer les yeux», a-t-il dénoncé.

Comme l’avait souhaité le défunt président IBK, peu de temps avant sa chute suite à un putsch, une relecture objective de cet accord est aujourd’hui indispensable. Avec le retrait militaire de la France de notre pays, les autorités de la transition ont suffisamment les cartes en main pour se défaire de cet accord (perçu par la majorité des Maliens comme une camisole de force) sans forcément créer un nouveau front de déstabilisation du pays. Tout dépendra des arguments utilisés pour amener l’ex rébellion à la table des négociations. Cette relecture est dans l’intérêt de tous puisque cela ne conduit à nulle part de continuer à se crépir les sillons pour un accord qui continue d’exacerber les tensions et d’accroître les divisions préjudiciables à la paix et à la cohésion sociale recherchées.

Nous sommes d’accord avec cet intellectuel qui, lors de nos fréquents échanges sur les réseaux sociaux, nous disait que «nous sommes condamnés à nous entendre car nous sommes à un point où plus rien ne doit s’effondrer». La meilleure stratégie de parvenir à la paix, c’est alors de réviser cet accord dans le seul intérêt de la République voire de la nation malienne !

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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