Il aura eu le mérite d’exister et de diviser les Maliens pendant 8 longues années. Contraint de négocier dans une position humiliante, en Etat vaincu, d’égal à égal avec une poignée de terroristes libyens et de jeunes instrumentalisés, adoubés et protégés par la France, le Mali de l’époque qui avait perdu la guerre face aux rebelles séparatistes lors de la fameuse visite de Moussa Mara était obligé de signer les ‘‘accords de honte’’ qui préservaient du bout des lèvres l’unité nationale et l’intégrité territoriale tout en accordant aux vainqueurs l’exclusivité du nord de notre pays sous le nom de l’Azawad.
L’écrasante majorité de la Nation a senti le coup de poignard dans le dos et les ricanements de la communauté internationale à l’instigation de la France qui festoyait avec les maitres de Kidal, assassins de journalistes, restent toujours dans la mémoire des patriotes.
A partir du 14 novembre, que faire ? Continuer à appliquer intelligemment l’Accord avec qui ? La CMA, étant désormais défait et en cabale après sa déclaration inappropriée de guerre au Mali, l’Accord est-il encore viable et d’actualité ?
Deux jours après la reprise de Kidal, sanctuaire du terrorisme au Sahel, par les forces de défense et de sécurité de notre pays des mains des rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) désormais en clandestinité, c’est toujours un silence de cimetière troublant et interrogateur. Ceux qui avaient fait de leur raison de vivre l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, justifiant par là même leur présence dans notre pays, restent, jusqu’à ce stade, aphones.
La Médiation internationale, sous l’égide de l’Algérie en tant que Chef de file, est le garant politique de l’Accord et du respect de ses dispositions par les Parties et qui ‘‘joue le rôle de dernier recours au double plan politique et moral en cas de graves difficultés de nature à compromettre les objectifs et buts’’ de l’accord (article 52) semble avoir soudainement perdu la voix. Quant à la communauté internationale, qui est garante de la mise en œuvre scrupuleuse de l’Accord qui s’est engagée à accompagner les efforts déployés pour sa mise en œuvre, elle s’est mise au vert depuis que l’armée malienne a pris des options irréversibles pour la restauration totale de l’intégrité territoriale dans le respect de la résolution N°2690 du 30 juin 2023 du conseil de sécurité des nations-unies.
Quid de ceux qui étaient chargés de prendre des mesures contre tous ceux qui entraveraient la mise en œuvre des engagements qui sont contenus dans l’accord et la réalisation des objectifs poursuivis ainsi que d’appuyer les efforts de notre pays dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé (article 54) surtout lorsque le CSP-PSD a déclaré la guerre du Mali ?
L’histoire retiendra que ceux qui s’étaient mobilisés pour assister notre pays dans la voie de la recherche de la paix, de la réconciliation et de la stabilité à travers la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, le 15 mai-20 juin 2015, se sont déportés, désengagés quand les terroristes et les rebelles séparatistes ont perdu la guerre qu’ils ont déclaré contre le Mali. Aucun d’eux (l’Algérie, en tant que Chef de file de la Médiation, ainsi que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine (UA), les Nations unies, l’Union européenne (UE) et l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le Tchad, la France, les Etats-unis d’Amérique, tous membres de l’Equipe de Médiation internationale) n’a fait le moindre commentaire. Signe d’un acquiescement à la reprise de Kidal par l’armée malienne ou celui d’un désaveu ? En tout cas, l’issue de la ‘‘guerre de Kidal’’ et le silence assourdissant de ses ‘‘garants’’ scellent désormais le sort de l’Accord. Le départ de la Minusma laissait déjà planer de sérieux handicaps sur le processus de paix fortement plombé depuis des mois par l’obstruction et la mauvaise foi des groupes armés séparatistes instrumentalisés par les terroristes qui s’étaient retirés de tous les instruments et mécanismes de mise en œuvre et de suivi de l’Accord, mais restaient à Bamako pour empocher les perdiems et insulter l’Etat.
Après le 14 novembre 2023, où l’on a assisté à la défaite cinglante des ‘‘forces’’ dites de l’Azawad épaulées par toute la coalition terroriste du sahel, il va être très difficile de revenir à un accord qui a été piétiné par un des signataires (la coordination) et oublié par ses garants. Il est en effet clair que les conditions qui ont prévalu à la conclusion de l’Accord en mai-juin 2015 ne sont plus celles de novembre 2023.
En effet, si en 2015 les rebelles ‘‘victorieux’’ étaient adoubés et protégés par la France présente au Nord avec plus de 4000 hommes, aujourd’hui ce sont les nôtres qui y font la loi, celle de la République du Mali souverain. Foin de triomphalisme, mais le Mali victorieux après une décennie de couleuvres n’entendra pas boire le calice jusqu’à la lie, et s’aplatir au niveau du narco-terrorisme pour signer encore un semblant d’accord.
L’Accord d’Alger de 2015 était comme une potion magique, une savant breuvage (pour ne pas dire verbiage) pour phagocyter la souveraineté de notre pays sans l’affirmer, maintenir artificiellement un pays en état de coma, assisté par toute la communauté internationale (sans les amis du Mali que sont la Chine, la Russie, la Turquie…), amputé du nord, et gangrené par une enclave octroyée aux rebelles qui sont les amis de la France. Était-on à Alger pour ‘‘parvenir à un Accord pour une paix globale et durable garantissant une solution définitive à la crise qui affecte le Nord du Mali appelé par certains Azawad’’ ? Au regard des sous-entendus et dispositions équivoques de l’Accord, force était d’en douter. Mais le Mali d’IBK de 2015, était-il en mesure de s’opposer à la communauté comme le font aujourd’hui les autorités actuelles de la transition ?
Le but de cet accord était de ‘‘éliminer définitivement les causes profondes de la situation actuelle et à promouvoir une véritable réconciliation nationale fondée sur une réappropriation de l’Histoire à travers une unité nationale respectueuse de la diversité humaine caractéristique de la Nation malienne’’. Il s’agissait, disent les écrivains de l’Accord, ‘‘de reconstruire l’unité nationale du pays sur des bases novatrices, qui respectent son intégrité territoriale, tiennent compte de sa diversité ethnique et culturelle, ainsi que de ses spécificités géographiques et socio-économiques’’ qui s’empressent de relever à l’attention de l’Etat du Mali (sur le banc des accusés) ‘‘la nécessité d’accélérer le développement économique, social et culturel du Nord du Mali à travers un système adapté (… et) la nécessité d’une gouvernance conforme aux spécificités géo historiques et socio-culturelles des régions du Nord’’. Comme si le progrès et le ‘‘développement’’ des régions des autres points cardinaux étaient à hauteur de souhait et qu’il y avait une discrimination en ce qui concernait ces régions du Nord.
‘‘La nécessité de restaurer sans délai la sécurité, promouvoir durablement la paix et la stabilité dans notre pays et traduire dans la réalité les règles de bonne gouvernance, de transparence dans la gestion, de respect des droits de l’homme, de la justice et de lutte contre l’impunité’’ de même que ‘‘l’impératif de la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée’’ ne devraient pas être des fardeaux pour le seul Etat malien si ce n’est un supplice.
Pour reprendre les propos de Bilal Ag Acherif dans son interview paru dans Jeune Afrique le 23 octobre 2023, en cela ‘‘la médiation internationale, (par manque) d’engagement et de clarté porte aussi une part de responsabilité’’ dans le fiasco de l’Accord. En effet, nous étions face à une véritable arnaque d’accord et une duperie qui enfonce davantage les racines de la crise. Les révélations de Bilal Ag Acherif font froid dans le dos. A Jeune Afrique il explique : ‘‘quand nous avons signé l’accord d’Alger, les choses étaient claires : nous contrôlons et administrons une large partie de l’Azawad. Nous avons nos propres effectifs militaires, des zones de défense et de sécurité que nous gérons, et nous avons coopéré sur place avec les forces maliennes et internationales, comme avec la Minusma et avec [l’opération française] Barkhane lorsqu’elles étaient ici. Nous sommes déployés pour assurer la sécurité de nos populations qui n’ont jamais été protégées par le gouvernement. Ce n’est en rien une violation de l’accord (…) Notre rôle à nous, c’était de faciliter son application en établissant, par exemple, les listes de nos combattants [à intégrer au processus de Désarmement, démobilisation et réinsertion – DDR – et à l’armée reconstituée], ou en travaillant à la mise en place d’un nouveau système de gouvernance dans le Nord (charia ?). Et nous l’avons fait’’.
Même s’il ment en certains endroits, l’esprit y est. Une partie du territoire national était laissé sous leur contrôle et leur administration ; et les forces internationales y ont veiller. Mais pas les forces maliennes car de la signature de l’Accord à ce 14 novembre, l’armée malienne n’était pas à Kidal pour ‘‘coopérer’’ avec les rebelles. Donc ça c’est un gros mensonge de Bilal qui oublie de dire à la journaliste de Jeune Afrique que le rôle des rebelles signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger était, conformément à l’article 1er, de respecter ‘‘l’unité́ nationale, de l’intégrité́ territoriale et de la souveraineté́ de l’État du Mali, ainsi que de sa forme républicaine et son caractère laïc’’. En établissant des tribunaux islamiques et en jugeant les gens selon la loi islamique, au lieu des lois de la République la CMA viole l’accord quant à son engagement d’honneur à respecter le caractère laïc de l’État du Mali. En président tous les ans à la célébration de l’indépendance de la fantasmagorique république de l’Azawad où le drapeau du Mali et les symboles de la République sont profanés et piétinés, la CMA viole l’Accord en portant atteinte à l’unité́ nationale, à l’intégrité́ territoriale et à la souveraineté́ de l’État du Mali.
L’objectif toujours affiché et affirmé par la rébellion notamment à travers sa récente déclaration de guerre au Mali est de parvenir à un Etat narcoterroriste et raciste à Kidal à tout le moins d’aboutir à un nouvel accord. Dans une l’interview à Jeune Afrique citée plus haut, Bilal Ag Acherif, chef de la rébellion, affirme qu’ils continueront de se ‘‘battre jusqu’à obtenir un nouvel accord avec le gouvernement qui nous garantira une administration en mesure d’offrir une nouvelle gouvernance à nos régions’’ et dans un tweet sur X (ex-Twitter), ce jeudi 16 novembre 2023, il rassure ses combattants qui sont devenus depuis leurs défaite des ‘‘militants’’ que ‘‘la bataille n’en est qu’à ses débuts et que nous la mènerons jusqu’au bout, et elle ne se terminera qu’avec notre victoire’’.
Surenchères d’un chef rebelle en cabale qui veut un nouvel accord ou engagement d’un chef de guerre qui tourne la page aux négociations au profit de la lutte armée ?
Dans les deux hypothèses, Bilal Ag Achérif est disqualifié par sa défaite historique, pardon par sa fuite devant l’armée malienne qui est désormais maitre de Kidal qui lui a été octroyé en 2013 sur un plateau d’or par les français alors qu’il était encore en cabale face aux troupes de Ansardine d’Iyad Ag Ghaly. Si Bilal et ses troupes veulent poursuivre la guerre pour déloger l’armée malienne de Kidal, ‘’so filé a boli kènè filè’’. S’ils veulent dialoguer, la main de la République reste tendue même aux ex-rebelles.
Désormais maitre du terrain, l’armée malienne et les autorités de la transition entendront dicter leurs conditions pour imposer la paix par les armes (ils ont démontré leur puissance de feu en mettant en déroute les rebelles) ou à travers un nouveau processus de paix. Un processus inclusif, typiquement malien, dans l’intérêt exclusif du Mali, par des patriotes maliens et non des étrangers sous habillage national. La paix, la sécurité, la réconciliation, l’unité et l’intégrité territoriale du Mali sont des questions maliennes qui devront être traitées par des patriotes maliens chevillés au corps et ne devront dorénavant être plus sous-traitées. Toutes choses qui enterrent définitivement l’accord d’Alger qui est mort et enterré le jour où la CMA, à travers le CSP-SD, a décidé de déclarer la guerre au Mali et jusqu’à ce 16 novembre où ils ne se sont pas rétractés et poursuivre leur logique d’imposer leur République par les armes.
Face à l’irrédentisme, la République devait-elle céder ? La réponse des Maliens, de Kayes à Kidal, est sans équivoque.
Le chef du gouvernement de la transition, le Dr Choguel Kokalla est de ceux qui, comme le Quotidien des sans voix, pensent que ‘‘les dirigeants des mouvements séparatistes regroupés au sein de la CMA (coordination des mouvement de l’Azawad), malgré la signature de 1’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger sont restés fidèles à leurs prétentions premières : obtenir à terme la partition du Mali et l’indépendance d’une chimérique État de l’Azawad ou, à défaut, une fédération’’. (In Le Mali, un Etat failli, qu’il a publié en janvier 2020).
Dans le grand boubou de chef du gouvernement de la transition, Choguel Koalla Maiga ‘‘a une claire conscience que cette stabilisation passe aussi par la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger’’ C’est ainsi que devant l’Assemblée général de l’ONU en septembre 2021, il a expliqué que ‘‘le Gouvernement et les Mouvements signataires, ainsi que ceux de l’Inclusivité poursuivent la mise en œuvre de l’Accord dans un esprit de confiance et de responsabilité au sein d’un cadre nouveau appelé « Cadre Inter malien pour la mise en œuvre de l’Accord». Dans cet esprit, nous poursuivons la mise en œuvre intelligente et la relecture consensuelle de l’Accord, aux fins de son parachèvement. L’objectif recherché étant de favoriser son appropriation nationale et de renforcer son caractère inclusif, tout en veillant aux conditions politiques et sociales du consensus nécessaire à la relecture de certaines dispositions conformément au mécanisme prévu par l’Accord’’.
Saisissant le prétexte de la réforme constitutionnelle, les groupes séparatistes ont quitté la table du dialogue en rompant le lien avec le gouvernement qui en a pris acte.
Alors que la mise en œuvre de l’accord de paix est au point mort, ils ont saisi l’occasion de la rétrocession à l’armée malienne des camps de la Minusma, en particulier à Ber, pour déclarer la guerre au Mali.
Malgré tout, le Premier ministre affirmait dans une récente interview à un journal gabonais que ‘‘le Mali reste disposé pour une application intelligente de l’Accord tout en préservant l’intégrité du territoire, sa souveraineté, la forme républicaine et laïque de l’Etat et le caractère unique de l’Etat’’.
Explicitant la position sans équivoque de l’Etat sur la question, le Dr Choguel Maiga, lors du lancement de la journée de l’innovation technologique le 9 novembre dernier a solennellement la main tendue du gouvernement. Toutefois, il précise : ‘‘mais alors qu’on ne nous gifle pas’’. Car nul ne saurait être le prophète Issa qui tend l’autre joue lorsqu’on le gifle. ‘‘Nous tuer et nous demander de donner l’autre joue pour qu’on nous gifle encore. Nous aussi, on va vous gifler, vous cognez sur le visage…’’, dit clairement Choguel Kokalla Maïga.
Retenons que ‘‘la main de l’Etat malien est et reste tendue. Mais pour combien de temps. Car explique le Premier ministre, ‘’ne pouvons plus continuer, on fait 30 ans, des valises d’argent ; la corruption, des nominations ; ça n’a servi à rien. Ça c’est fini’’. L’Etat du Mali ne veut pas la guerre a expliqué le Premier ministre. ‘‘Mais nous n’accepterons plus qu’ils complotent avec des services secrets étrangers pour esclavagiser notre peuple. Ça c’est fini. Nous allons nous défendre’’.
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