L’élaboration de la nouvelle constitution en lien avec les engagements souscrits dans le cadre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale étale à nouveau la divergence des mouvements armés signataires de ce document pour la paix. En effet, entre la déclaration du CSP- PSD qui ne se reconnaît pas dans le projet de loi finalisé et celle du Conseil supérieur des Imghads et alliés (CSIA) l’opposition est flagrante.
Les leaders du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA) se sont réunis au Bureau Régional du groupe séparatiste à Kidal pour la mise en place de la Commission chargée de l’organisation des festivités du 06 avril 2023 commémorant le 11e anniversaire de la ‘‘déclaration d’indépendance de l’État de l’Azawad’’. Le MNLA, sans aucun reniement, est pourtant signataire de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger en tant que composante majeure de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Pas que !
La provocation persistante du MNLA
Le Mouvement séparatiste coutumier de la provocation qui s’active dans l’organisation de cette manifestation annuelle qui irrite au plus haut point la communauté nationale reste membre de la coalition militaro-civile qui gouverne à Bamako depuis la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta. Le rappel profitant aux croyants (sourate 51, verset 55), c’est son ancien porte-parole Mossa Ag Attaher qui occupe avec efficacité et patriotisme dans le gouvernement de transition l’important portefeuille pour le Mali-Kura des Sports, de la Jeunesse et de la construction citoyenne. C’est ce même MNLA qui, dit-on sur les réseaux, en vue du 11e anniversaire de son 6 avril, a lancé des invitations aux diplomates accommodants accrédités auprès de la République souveraine du Mali et à certaines organisations internationales partiales pour être à Kidal le jeudi à ses côtés pour défier la nation… Les Mouvements signataires, à travers le CSP- PSD déplorent, dans ce même contexte, et déclarent solennellement ne pas se reconnaître dans ce projet de la nouvelle constitution en son état.
Dans une déclaration en date du 28 mars 2023 à la version dite finalisée du Projet de Nouvelle Constitution du Mali, le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) qui est sensé regroupé tous les Mouvements Signataires de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger, en l’occurrence la CMA et la Plateforme des Mouvements du 14 juin 2014 d’Alger et une partie des mouvements de l’inclusivité, ne pas se reconnaître dans « la version dite finalisée de la nouvelle Constitution du Mali » et encourage la démarche de la médiation internationale en vue de sauver le processus de paix.
«Le CSP-PSD constate avec regret que ledit projet n’enregistre aucune évolution particulière à la constitution du 2S février 1992, en matière de dispositions indispensables à une concrétisation des mesures législatives et réglementaires, des engagements politiques et institutionnels pris à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger », indique la déclaration.
La divergence des mouvements armés
Alghabass Ag Intallah, au nom du CSP-PSD qui estime «qu’il existe encore une opportunité de créer les conditions d’un consensus sur le texte avant sa soumission au référendum, informe l’opinion nationale et internationale du niveau élevé de fragilité du processus de Paix et des conséquences d’un forcing constitutionnel en violation des engagements pris à travers l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger».
Le président du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) que préside la CMA et le CSP-PSD et ses amis estiment qu’au regard de l’article 3 du chapitre I de l’APR, le Mali ne peut entreprendre de réforme constitutionnelle sans leur bon vouloir. Cet article 3 dit en effet que «les Institutions de l’Etat malien prendront les dispositions requises pour l’adoption des mesures règlementaires, législatives, voire constitutionnelles nécessaires à la mise en œuvre des dispositions du présent Accord, en consultation étroite avec les Parties et avec le soutien du Comité de suivi prévu par le présent Accord».
À contre-courant de cette lecture unilatéraliste et sectaire, le Conseil supérieur des Imghads et alliés (CSIA), composante essentielle de la Plateforme du 14 juin 2014 signataire de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, réagissant le 31 mars à la déclaration du CSP-PSD du 28 mars, «encourage le Gouvernement et tous les Mouvements impliqués dans la mise en œuvre de l’Accord à reprendre le dialogue pour transcender les points de discorde par une dynamique consensuelle et poursuivre la prise en compte des dispositions de l’Accord par tous les moyens légaux».
Contre le rejet par les séparatistes du projet de la nouvelle Constitution pour des motifs fallacieux, « le CSIA félicite le Président de la Transition pour la prise en compte des dispositions de l’Accord dans le projet de Constitution qu’il soumettra bientôt au choix du peuple malien. Le CSIA apporte son soutien total à l’adoption de ce projet de Constitution et invite les forces vives de la Nation et les Mouvements signataires à lui apporter leur total soutien.
Le Conseil supérieur des Imghads et alliés, présidé par le Général patriote Aladji Ag Gamou, encourage et invite «le Peuple malien à adopter ce projet de Constitution désormais indispensable la refondation salutaire de l’État au Mali».
Il est clair là que les Mouvement signataires, au sujet de projet de la nouvelle Constitution validé par le président de la Transition le Colonel Assimi Goïta, ne parlent plus le même langage.
Cette divergence de grille lecture qui ne date pas d’aujourd’hui entre les différents mouvements signataires de l’accord (les séparatistes et les « pro-maliens ») n’a rien à voir avec l’agitation de l’alliance contre l’accord d’Alger qui a fait son lancement officiel le 25 mars dernier à la Maison de la Presse.
Au contraire ! Née de la mutualisation de plusieurs acteurs de la société civile malienne, l’alliance contre l’accord d’Alger est une plateforme composée différentes structures politiques et de la société civile qui constituent un rempart contre le couple Accord de paix issu du processus d’Alger et le projet de réforme constitutionnelle en cours au Mali.
L’alliance contre l’accord d’Alger estime que la réforme constitutionnelle a été enfantée par l’APR. Partant de là, ses intentions seraient identiques à celles de l’APR dont elle ne cautionne pas.
C’est dans cette atmosphère électrique et clivante autour de l’accord et la nouvelle constitution que Attaye Ag Mohamed, Chef de la délégation de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) au Comité de suivi de l’Accord (CSA) de paix issu du processus d’Alger a cru bon, avec sa sensibilité partiale, de lancer un cri de cœur. Ce samedi 1e avril, comme un poisson d’avril, sur son compte twitter, s’agissant du «Blocage total du Processus de Paix au Mali», il estime «que les mémoires collectives restent assez en veilleuse pour ne pas que certains osent un jour nier être entièrement responsables des conséquences de ce qu’ils entretiennent depuis plusieurs mois déjà. Nous sommes au courant de tout».
Le représentant de la CMA au CSA à Bamako est-il au courant que dans l’alinéa 1e de l’article 1e de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, les parties signataires s’engagent à respecter l’unité nationale, l’intégrité territoriale, la souveraineté de l’État du Mali ainsi sa forme républicaine et son caractère laïc ? Subséquemment, on peut lui demander où était-il quand la CMA a instauré des tribunaux islamiques à Kidal ? Et que dit-il de la célébration par le MNLA du prétendu anniversaire de l’État de l’Azawad sur le territoire de l’État du Mali ? Il n’en fallait pas plus pour que la toile s’embrase…
PAR SIKOU BAH
Source : Info Matin