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Accord d’Alger : Le compromis historique

Conclu le 1er mars 2015 dans la capitale algérienne, l’accord dit d’Alger pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement du Nord du Mali, doit être signé demain, 15 mai 2015, à Bamako, par les parties signataires ou adhérentes.

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Le texte, proposé aux parties par la médiation algérienne après de nombreuses rencontres et après discussions, charrie depuis sa signature un flot ininterrompu de commentaires et autant de controverses. A l’analyser de près, on peut s’interroger cependant sur le bien – fondé des passions et des prises de position souvent tranchées qu’il provoque au sein de l’opinion publique.

La question a d’autant plus d’importance que contrairement à certaines idées reçues, l’Accord d’Alger s’inscrit dans une large mesure dans la lignée des arrangements politico-institutionnels précédemment conclus par le gouvernement malien avec des groupes armés dans le cadre des tentatives de règlement des crises qui traversent le Nord du Mali de manière quasi cyclique depuis 1990. Quant à son contenu proprement dit, force est de constater qu’il s’agit d’un accord plutôt équilibré, caractérisé par des concessions mutuelles, ce qui est le prix à payer lorsqu’il s’agit de créer les conditions d’un retour à la paix après un conflit aussi meurtrier, aussi destructeur et aussi déstabilisant que la rébellion de janvier 2012.

Un accord dans la lignée des arrangements précédents

En vue du règlement des conflits armés qui éclatent de manière quasi cyclique au Nord depuis 1963, le gouvernement malien a eu à conclure avec des groupes armés plusieurs accords destinés à ramener la paix.

L’accord d’Alger en date du 1er mars 2015 s’inscrit en réalité dans la lignée des règlements politiques intervenus depuis l’irruption en 1990 sur la scène politique et sécuritaire du Nord du Mali de mouvements armés d’inspiration séparatiste ou indépendantiste, à l’égard desquels le Mouvement populaire de libération de Azawad d’un certain Iyad Ag Ali fait figure de précurseur.

Le règlement de la crise de 1990 avait déjà vu l’implication active de l’Algérie, sur le territoire duquel furent les accords dits de Tamanrasset.

Cet arrangement sera suivi par la signature en 1992 du Pacte National sous l’égide du Gouvernement de Transition dirigé par Amadou Toumani Touré, suite aux évènements du 26 mars 1991.

En 2006, presque quinze ans après la signature du Pacte National, un autre accord sera signé par le Mali, pour mettre fin à la rébellion déclenchée par le Mouvement du 23 mai, en réalité une initiative d’un groupe d’officiers touaregs intégrés dans l’armée malienne en application des engagements pris par le gouvernement. Cet accord, également signé à Alger, ne tiendra pas longtemps puisque six années plus tard une nouvelle rébellion armée éclatait au nord du Mali, avec à la tête des insurgés un groupe politico-militaire dénommé Mouvement National de Libération de l’Azawad (Mnla).

L’accord qui devra être paraphé aujourd’hui fait suite précisément aux conséquences directes ou indirectes des actions menées dans les régions nord et en particulier dans la région de Kidal, par ce groupe armé : invasion du pays par les troupes de narco-jihadistes ; meurtres commis contre les civils et les personnels militaires ; pillages ; viols ; diverses atteintes aux droits de l’homme ;  migrations massives de populations, destruction systématique des équipements et des infrastructures etc.

Hormis l’accord de Tamanrasset, tous les autres accords signés dans le cadre de la recherche de la paix au Nord ont en commun un certain nombre de thèmes emblématiques. Elles contiennent en effet essentiellement des mesures d’ordre sécuritaire, des mesures destinées à favoriser l’intégration  des ex- combattants issus des mouvements armés signataire au sein des Forces armées et de sécurité et des mesures institutionnelles destinées à favoriser la libre administration des zones concernées, et des mesures destinées à y favoriser le développement, social et culturel. Le Pacte national, cité à plusieurs reprises dans l’Accord d’Alger, est assez représentatif des thématiques traitées dans les arrangements antérieurs.

On notera en particulier, l’emphase mise dans ces accords sur les questions sécuritaires, les questions institutionnelles et la problématique du développement.

Un accord équilibré dans son contenu

L’accord d’Alger conclu le 1er mars 2015 tente de concilier les exigences de prise en compte des revendications politiques exprimée  par les mouvements armés du Nord et les impératifs de respect de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale du Mali.

Tout en jetant les fondements d’une décentralisation poussée de la région de Kidal, il préserve l’essentiel en ne consacrant ni fédéralisme ni autonomie. En effet, la région de Kidal sera dotée d’organes élus au suffrage universel et investis d’importants pouvoirs : assemblées régionales et gouverneurs de région.

L’option pour un Etat unitaire demeure certes, mais le principe de la libre administration des collectivités locales est aménagé de manière audacieuse, à l’image de l’expérience espagnole avec des régions dotées de prérogatives importantes.

Les questions de développement local, d’éducation et de culture, l’enseignement des langues locales relèveront pour une large part des autorités régionales. Toutefois, il n’en résulte pas véritables des situations d’abandon de souveraineté pour l’Etat du Mali qui garde la haute main sur les domaines régaliens, notamment les questions de sécurité et de défense même si, pour des questions évidentes d’efficacité, les agents issus de la région, seront intégrés dans les unités, lesquels resteront sous le commandement d’officiers désignés par le Gouvernement au sein de la hiérarchie militaire.

L’engagement des parties pour le développement des régions du Nord apparaît comme l’un des acquis les plus importants, puisque le Gouvernement du Mali s’engage à créer dans la région de Kidal une sorte de zone prioritaire de développement avec des programmes financés sur budget national et/ ou l’appui des bailleurs de fonds.

L’accord contient et, il faudrait plutôt s’en féliciter, des dispositions relatives aux mesures à prendre, sur le plan de la Justice, pour juger les crimes commis pendant le dernier conflit et pour en poursuivre les auteurs. A cet, la création d’une commission d’enquête internationale  est prévue.

Parmi les questions controversées, figure en bonne place l’appellation «Azawad» contenue dans l’accord. En résulte- il pour autant la reconnaissance d’une entité politique ? Les termes de l’accord ne permettent pas de répondre à cette interrogation par l’affirmative. Bien au contraire, ils apparaissent comme une concession du bout des lèvres faite par le gouvernement malien aux groupes armés, avec une volonté affichée de réduire le vocable  «Azawad» à sa plus simple expression.

Enfin, il convient de souligner, que tirant sans doute les leçons du passé et les difficultés de mise en œuvre des arrangements précédents, les signataires de l’Accord d’Alger, ont consacré de nombreuses dispositions aux mécanismes et organes de suivi. Il faut s’en féliciter, car si le suivi est défaillant, tous les engagements conclus risquent de rester lettre morte, ce qui fera lit de conflits futurs

En définitive, l’accord d’Alger ne présente pas une grande singularité sur le plan du contenu. Il n’est surtout pas un accord de renoncement ou de capitulation. Si tel était le cas, les leaders des groupes armés ne mettraient pas d’énergie à vouloir s’y soustraire, après l’avoir pourtant négocié de bout en bout. Pour autant, cet accord n’est pas une panacée pour le Mali. Il est le fruit d’un compromis historique qui permet surtout aux Maliens  d’obtenir une précieuse trêve et de réorganiser leur système de défense.

Par Maître Mamadou CAMARA,

Avocat

 

Source: Le patriote

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