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A Reims, Macron et Keïta célèbrent «les aïeux de ceux qu’on est allé défendre»

Cent ans après la signature de l’Armistice, le président français Emmanuel Macron et son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), ont salué mardi 6 novembre à Reims la mémoire des 200 000 soldats africains ayant combattu dans l’armée française durant la Première Guerre mondiale. Au total, 30 000 soldats africains ayant combattu pendant la Première Guerre mondiale ont trouvé la mort entre 1914 et 1918. Hommage solennel, honneurs aux drapeaux, hymnes, revue des troupes et inauguration officielle du « Monument aux héros de l’Armée noire ».

Avec notre envoyé spécial à Reims,  Michel Arseneault

La cérémonie militaire marquant l’inauguration du « Monument aux héros de l’Armée noire »se voulait solennelle, et elle l’a été. Les présidents Macron et Keïta ont déposé ensemble une gerbe de fleurs au pied de la sculpture qui domine une clairière. Ils sont repartis main dans la main.

Si le président Macron n’a pas prononcé de discours, le chef d’Etat malien lui est revenu sur le rôle des tirailleurs qui étaient pour la plupart originaires de son pays : « Ils se sont battus pour l’empire, par monts et par vaux, ils se sont battus de jour et de nuit, et plus souvent de nuit que de jour. Ils se sont battus pour la France, mais pour eux-mêmes aussi », a déclaré IBK.

« Cela montre ce qui s’est réellemment passé »

Malgré la solennité de la cérémonie, l’émotion était au rendez-vous, du moins aux yeux du romancier congolais, Alain Mabanckou : « C’est cette sensation qu’on a lorsqu’on se retrouve quelque part et de se dire que ses ancêtres sont passés ici, et de ressentir des pulsations qui font que votre cœur se met à battre plus vite. »

Pour la France et ses anciennes colonies, la Première Guerre mondiale n’est peut-être plus qu’un mauvais souvenir. Mais les uns et les autres peuvent plus que jamais, cent ans après l’Armistice, se souvenir ensemble.

Plusieurs centaines d’invités assistaient à la cérémonie, y compris une poignée d’étudiants africains, dont l’arrière-petite-fille d’un tirailleur : « Cette cérémonie pour moi est un honneur puisque j’ai un membre de ma famille qui carrément fait partie de l’Armée noire. Mon arrière-grand-père malien qui représentait le Soudan du Sud. Donc pour moi, c’est une réelle fierté d’être ici aujourd’hui et de pouvoir lui rendre hommage. Il en est revenu muet, il en a été traumatisé. Donc ça a créé une sorte de mémoire d’une violence qui n’a pas été dite, mais qui a été quand même comprise dans la famille. » Sa voisine poursuit : « Avec cette cérémonie et avec l’inauguration de ce monument, cela montre qu’ils sont finalement commémorés et appréciés. Et cela montre la réalité de la colonisation et de ce qui s’est vraiment passé. »

« En tant que Sénégalais et Africain, je suis honoré quand je vois un monument qui rend hommage aux héros de l’Armée noire, surtout que l’histoire des tirailleurs sénégalais et des héros de l’Armée noire, elle a été pendant très longtemps mise de côté. Par exemple, aujourd’hui c’est un siècle après qu’on inaugure un monument, ça en dit long sur finalement comment cette histoire a été pendant très longtemps mise de côté. On n’en parlait pas beaucoup. Et pour réconcilier les mémoires, c’est important qu’on soit tous présents aujourd’hui. »

Au-delà du souvenir : la réalité du Sahel

Les deux présidents ont salué la solidarité de leurs deux pays aujourd’hui encore et cette fois dans une bataille contre le jihadisme sur les terres africaines : « C’était important pour moi que le président Keïta soit là. D’abord parce qu’il est lui-même le descendant d’un poilu à titre personnel. Il l’a dit avec beaucoup d’émotion. Et aussi, parce que je veux que nos concitoyens français, européens, africains, aient à l’esprit cette dette de sang qui nous lie. A l’heure où je vous parle, nous avons des milliers de nos soldats qui sont sur le sol du Mali, qui sont en Mauritanie, qui sont au Burkina Faso, au Tchad, au Niger et qui se battent contre l’obscurantisme pour la sécurité et la liberté dans ces pays. Mais je n’oublie pas qu’il y a cent ans, ce sont les aïeux de ceux qu’on est allé défendre qui se sont battus pour nous. Reims fait partie de cette histoire avec ce magnifique monument et je remercie le président Keïta. »

Ce dernier confie : « Ce qui nous lie plonge dans l’histoire et a été fécondé par tous ces défis relevés ensemble et qu’aujourd’hui encore, des jeunes Français relèvent quotidiennement dans le Sahel. Ce n’est pas pour la liberté, ce n’est pas pour la paix, mais pour les valeurs parce que ce qui s’est passé chez nous aujourd’hui au Sahel concerne le monde entier. Je me devais de venir témoigner ici de cette solidarité renouvelée entre nos peuples, entre nos pays. »

RFI

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