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A la loupe : Sales têtes en guerre

Le Comité de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale signé le 15 mai par le gouvernement, le médiateur et les mouvements républicains d’autodéfense et le 20 juin par la Coordination des mouvements de l’Azawad peine à démarrer ses activités. Institué le jour même du parachèvement de la signature de l’Accord d’Alger, ce Comité est attendu pour suivre ce qui est reconnu par tous les observateurs avertis comme étant le plus dur à venir : la mise en œuvre effective de l’Accord. Si personne ne discute sa présidence à l’Algérie, principal médiateur désigné par la communauté internationale dans le dossier malien, et dont le territoire a servi de cadre à près d’une année de pourparlers puis de négociations entre le gouvernement malien et les groupes armés, le Comité connait de sérieux problèmes dans l’attribution des autres postes. Sédentaires et nomades se disputent ces vaches laitières en se querellant la représentativité des uns et des autres. Ainsi, mardi dernier les participants à une réunion ad hoc n’ont pas pu tomber d’accord. Les sédentaires à qui on a proposé seulement deux postes alors que les nomades en avaient six ont décliné l’offre en faisant prévaloir la répartition de la population. En clair, selon eux l’attribution des postes de membres du Comité et la représentativité dans cette structure doit se faire proportionnellement au nombre de chaque composante des populations du nord. Les nomades (Touareg et Arabes réunis) ne représentant que moins de deux pour cent de la population totale des trois régions du nord, il est donc inconcevable qu’ils soient plus représentés que les sédentaires (Songhay, Peulh, Bellah, etc.) qui approchent les quatre-vingt-dix pour cent de la population.

Portefeuilles et strapontins

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Cette lutte pour les postes démontre à suffisance, s’il en était encore besoin, que beaucoup de ceux qui étaient à Alger pour les différents rounds de pourparlers et de négociations œuvraient nos pas seulement pour la paix et la réconciliation mais pour avoir un avenir radieux. De part et d’autre, on retrouve les mêmes têtes qui étaient déjà là lors de précédentes négociations post-rébellions. Si certaines de ces têtes ne veulent pas siéger elles-mêmes dans ce Comité parce qu’elles visent plus haut, notamment des portefeuilles ministériels ou des strapontins diplomatiques dans les représentations extérieures du Mali, elles veulent en revanche bien placer leurs protégés. Le Comité s’annonce pour être juteux et crémeux, il serait fou et inconscient de cracher dessus, surtout si, d’autre part, on a intérêt à ce que la situation s’enlise. De part et d’autre du gouvernement, en effet, des responsables et éléments de ces groupes armés sont soupçonnés d’être mêlés aux différents trafics qui se sont développés dans le nord. Les personnes que Coordination et Plateforme veulent imposer dans la composition du Comité peuvent alors être en mission de torpillage du processus de paix, pour préserver des intérêts beaucoup plus importants que les rétributions proposées par le Comité, fussent-elles juteuses et crémeuses. A la Coordination comme à la Plateforme, on ne manque pas de personnes sensées, capables de conduire une mission de paix et qui ne traine pas de batterie de casseroles sales au point de vouloir imposer les mêmes têtes.

Par ailleurs, depuis le début des années 90, date de la première grande rébellion (celle de 1963 n’étant en réalité qu’une révolte contre le gouverneur), ce sont ces mêmes têtes qui ont perçu les centaines voire milliers de milliards investis pour le développement des régions du nord. Ce sont ces mêmes têtes qui se sont évertuées à détourner ces sommes colossales à des fins personnelles ou claniques. Les différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays, tout en sachant que ces mêmes têtes n’avaient aucune velléité de développer ne serait-ce qu’une portion de leurs régions, n’ont rien fait pour arrêter ces détournements et dilapidations des biens communautaires par crainte de devoir faire face à une rébellion armée.

Sous-développement délibéré

Mais en définitive aucun de ces régimes n’a échappé à l’insurrection armée dans le nord. Mais la dernière est sans doute la plus significative. En effet, si au début de la rébellion de 1990, plusieurs communautés sédentaires ont été séduites par le discours des rebelles, au point de vouloir les suivre dans leur rébellion avant de découvrir que ce n’était que de vulgaires bandits armés, celle actuelle dont on cherche désespérément l’épilogue est plus pernicieuse. Outre le fait que le Mnla a réussi l’exploit de rallier à sa cause des hommes qui ont créé un Mouvement patriotique Ganda Koy pour combattre les rebelles touareg et arabes des années 90, des éléments de la Plateforme sont aujourd’hui prêts à profiter du chaos pour se faire une place au soleil en l’intensifiant. Si donc les mêmes têtes sont encore là pour bénéficier de strapontins ou pour placer leurs seuls protégés aux postes juteux et crémeux, les éléments qu’ils ont manipulés et dont ils se sont servis depuis le début de cette rébellion ont certainement une stratégie pour faire aboutir leurs propres revendications. Et faire comprendre au gouvernement que ces mêmes têtes sont en réalité de sales têtes. Qui maintiennent délibérément leurs régions dans un état de sous-développement et d’insécurité.

Les autorités auront alors tort d’attribuer systématiquement aux jihadistes la responsabilité de toutes les attaques contre l’armée malienne, la Minusma ou les populations civiles. Y compris l’attaque de mardi dernier perpétrée près de Doro, c’est-à-dire dans un Gourma dont le Gatia s’est rendu maître depuis plusieurs mois.

Cheick TANDINA

source :  Le Prétoire

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