Ils sont quatre à avoir porté le chapeau de Président de la République après Modibo Keita. De Moussa Traoré à Ibrahim Boubacar Keita, en passant par Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré, tous ont géré le Mali à des moments différents et chacun a un bilan qu’on pourrait interpréter, selon qu’on soit partisan ou opposant. Qui, parmi ces quatre, aura incarné l’idéologie et les valeurs défendues par Modibo Keita ?
Moussa Traoré : Cet anniversaire est d’autant plus triste qu’il nous rappelle les années sombres du régime militaire, caractérisées par une aliénation de l’intelligentsia, la corruption, la gabegie et la culture de la médiocrité. En 23 ans, Moussa Traoré et sa junte ont instauré un climat de terreur pour faire disparaitre l’idéologie socialiste de Modibo Keita. Donc, le lieutenant, bombardé Général Moussa Traoré, ne saurait succéder à Modibo Keita, parce qu’il n’a incarné aucune des valeurs et en plus il a été évincé par le peuple à la suite d’une révolution sanglante le 26 Mars 1991.
Alpha Oumar Konaré s’installa au pouvoir en 1992. On dit qu’il serait un adepte de Modibo Keita, car faisant partie de la jeunesse qui s’est rebellée contre le coup d’Etat qui le renversa. Il aurait même fait la prison, pour avoir distribué des tracts avec des slogans hostiles au Comité Militaire de Libération Nationale, CMLN. Une fois au pouvoir, AOK aura lui aussi posé certains jalons. Les réalisations et surtout l’aura et l’audience qu’Alpha Oumar Konaré avait pendant les dix ans, semblent faire de lui le plus proche de Modibo Keita idéologiquement parlant. Il serait sans nul doute le digne successeur de Modibo Keita, car sous son règne, le Mali a retrouvé sa grandeur et sa voix était audible dans les foras. Alpha Oumar Konaré comme Modibo Keita partageaient les mêmes valeurs, celles du patriotisme et de la fierté.
Amadou Toumani Touré, ATT : On pourrait douter de sa capacité intellectuelle, de sa vison pour le Mali, mais nul ne peut douter de son amour pour la patrie. ATT est aussi une référence à travers le monde pour son coup de grâce en débarrassant le pays du Général Moussa Traoré, devenu très féroce en 1991. Il a rendu également le pouvoir aux civils au terme de 14 mois de transition réussie. S’il avait fait l’économie d’un come-back sur la scène politique, il serait aujourd’hui une icône. Mais, son retour après une exemplaire transition, a étalé au grand jour sa personnalité, ses failles, ses limites. Certes, il a été un bâtisseur, mais loin d’incarner les valeurs défendues par le premier Président du Mali indépendant. C’est pourquoi, il est sorti par la petite porte de l’histoire.
Ibrahim Boubacar Keita, IBK : En 2013, pour la première fois au Mali, l’élection d’un Président de la République a suscité un grand engouement et mobilisé les Maliens de toutes les confessions, de toutes les obédiences politiques, parce qu’il avait bonne presse. Il a été le seul Premier ministre à avoir battu le record de longévité à ce poste. C’était sous Alpha Oumar Konaré. Ainsi, jouissant d’un préjugé favorable et d’un fort charisme, IBK a accédé au pouvoir dans l’espoir d’indiquer aux Maliens la voie à suivre et pour ranimer en les citoyens le sentiment de patriotisme qui s’est presqu’éteint. Cinq ans au pouvoir, son bilan est loin d’être à la hauteur de l’estime et de la confiance que les Maliens ont placé en lui. Il a battu tous les records, mais dans le sens négatif. Record en instabilité gouvernementale, avec cinq Premiers ministres en cinq ans ; record en termes d’argent volatilisé dans le cadre de la corruption et enfin record en décompte macabre dû à l’insécurité et à l’instabilité sociale. Son bilan du premier quinquennat fait froid dans le dos. Il ne ressemble à Modibo Keita que par le nom de famille, sinon tout les oppose. Il n’a fait qu’un mandat, il lui reste encore cinq ans pour se ressaisir et écrire une nouvelle page de l’histoire du Mali.
Youssouf Sissoko
Source: Infosept