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Washington ne tourne pas le dos à l’Afrique

HÉSITATION. En attendant de trancher sur la question du retrait de ses soldats, les États-Unis travaillent à (re)devenir un partenaire qui compte.

À l’heure où les États-Unis évoquent le retrait partiel ou total de leurs soldats en Afrique subsaharienne et que Washington a durci les conditions d’obtention de visas pour les Africains, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo est justement en tournée sur le continent. L’ancien directeur de la CIA qui a pris ses fonctions il y a deux ans a pour mission de peindre un tableau positif des relations de coopération entre les États-Unis et l’Afrique. Et l’administration Trump le sait : il y a urgence à rassurer les partenaires africains. Cela faisait tout de même dix-neuf mois qu’un haut responsable américain ne s’était pas rendu sur le terrain. Pour faire différemment, Pompeo a choisi de débuter par le Sénégal, pays francophone avec lequel les États-Unis célèbrent soixante ans de relations. Il se rendra ensuite en Angola et en Éthiopie, des pays sélectionnés pour l’attachement de leurs dirigeants aux valeurs démocratiques, dans une région du monde qui a connu un recul depuis quelques années.

Le Sénégal, « rempart absolu » pour Washington

Le département d’État a souligné avant la visite de Mike Pompeo que les trois pays africains visités étaient des « contributeurs majeurs à la stabilité régionale », à commencer par le Sénégal, qui fournit environ 1 500 hommes à la Mission de l’ONU au Mali. À Thiès, Washington a mis en place un centre régional d’entraînement à la lutte contre le terrorisme, à Thiès, à 70 km à l’est de Dakar. Car c’est bien le sujet de la sécurité qui préoccupe les Sénégalais comme leurs voisins du Sahel entier, face à la montée des violences djihadistes. Pour le ministre sénégalais des Affaires étrangères Amadou Ba, qui a tenu la conférence de presse aux côtés de Mike Pompeo, il faut déjà tirer les conséquences des hésitations américaines. Il a indiqué que les États-Unis avaient fait part aux dirigeants sénégalais « de leur volonté de retirer leurs forces combattantes ». Il a souligné que, pour le Sénégal, cela ne signifiait pas un retrait militaire américain du continent, les États-Unis apportant un soutien en renseignement, en logistique et en formation à la lutte contre le djihadisme. Le ministre sénégalais d’insister « nous souhaitons que les Américains soient présents dans la zone. Nous souhaitons que les Américains continuent de nous aider dans le domaine de la sécurité, dans le domaine de la formation, dans le domaine de l’enseignement ». D’autant plus que le Sénégal est communément salué comme une zone de stabilité et un partenaire solide dans la lutte contre l’extrémisme. Le pays suit avec la plus grande attention la réflexion américaine. Le chef de la diplomatie sénégalaise a en tout cas souhaité voir que « l’Afrique puisse monter en première ligne ». Mais il a relevé l’absence de moyens militaires et financiers africains, et rappelé la proposition du président Macky Sall de financer l’effort, en accord avec la communauté internationale, en y affectant 1 % du déficit budgétaire des pays africains. L’Afrique « a besoin des États-Unis d’Amérique », a-t-il encore ajouté.

La valse-hésitation américaine

« Nous ferons ce qu’il faut, nous ferons ce qu’il faut collectivement, j’en suis convaincu », a répondu Mike Pompeo en évoquant les partenaires sénégalais, africains, français et européens des États-Unis. Quand l’examen du niveau des forces en cours au Pentagone sera achevé, « nous en discuterons, non seulement avec le Sénégal, mais tous les pays de la région, nous discuterons des raisons de ce que nous faisons, de la manière dont nous le faisons, et nous parviendrons à un résultat qui marche pour tout le monde », a-t-il dit.

Les États-Unis veulent réduire les opérations antidjihadistes dans le monde pour concentrer leurs forces sur ce qu’ils considèrent comme les menaces russe et chinoise pour leur suprématie militaire. Avec ses 6 000 soldats présents, notamment au Sahel, en Somalie et à Djibouti, l’Afrique est considérée comme pouvant être la première concernée par la redistribution des forces. Mais rien ne semble décidé pour l’instant, même si le Pentagone a annoncé mercredi un premier ajustement de ses forces en Afrique avec le remplacement d’une unité de combat par des instructeurs. Mike Pompeo est arrivé en Afrique quelques jours après le durcissement par le président Donald Trump des conditions d’entrée aux États-Unis pour les ressortissants de quatre pays africains, dont l’Érythrée, le Nigeria, le Soudan et la Tanzanie. Une décision qui pourrait coûter cher à l’influence américaine dans la région.

 

L’économie, pour contrer l’influence croissante de la Chine

D’autant plus que Washington ne compte pas non plus céder de la place au rival chinois sur le plan économique. Les entreprises américaines ont exprimé un fort intérêt pour investir au Sénégal. À Dakar, cinq protocoles d’accord ont été signés. On sait par exemple que les États-Unis, à travers l’Américain Bechtel et le Sénégalais Ageroute, vont construire l’autoroute qui reliera Dakar, la capitale, à Saint-Louis. D’autres projets portant sur les secteurs de l’énergie, de la santé et des infrastructures ont été évoqués. Avec près d’une quarantaine d’entreprises américaines sur le sol américain, le Sénégal veut aller plus loin. Le ministre sénégalais de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Amadou Hott, a émis dimanche, à Dakar, le souhait de voir des entreprises américaines délocaliser certaines de leurs activités au Sénégal. « Ce dont nous avons discuté avec le secrétaire d’État américain, c’est de pousser les entreprises américaines qui produisent dans d’autres pays de se délocaliser au Sénégal, de produire à partir du Sénégal, de servir le marché sénégalais et l’exportation dans la sous-région et le reste du monde », a-t-il dit. Arrivé en Angola lundi soir, Mike Pompeo a salué la lutte contre la corruption engagée par le président angolais Joao Lourenço, notamment contre la famille de son prédécesseur José Eduardo dos Santos. Il est vrai que depuis qu’il est président, Joao Lourenço, membre du parti au pouvoir depuis l’indépendance de l’Angola en 1975, a fait le ménage au sein des institutions, des entreprises publiques et de l’appareil sécuritaire du pays au nom de la lutte contre la corruption. Le chef de la diplomatie américaine s’est également dit « encouragé » par les efforts du gouvernement angolais de privatiser 195 entreprises publiques, une décision qui « va grandement attirer des investissements privés ». Il a en enfin remercié l’Angola qui a invité le président américain Donald Trump à se rendre dans le pays. « Il aimerait beaucoup venir ici », a déclaré Mike Pompeo, ajoutant cependant que « cette année était chargée car il s’agit d’une année électorale ».

 

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