Le professeur Timothy S. Rich a passé quatre ans à étudier ce phénomène venu du Nigeria.
Nous avons tous reçu ce genre d’e-mails horriblement mal écrits, où un riche homme d’affaires venu d’un pays lointain nous propose des sommes d’argent astronomiques pour un service qui ne nous coûterait pas grand-chose, et qui serait bien sûr remboursé. Cela peut vous paraître improbable de tomber dans un piège aussi grossier, pourtant, cette fraude permet d’extirper par an à l’ensemble de ses victimes environ 10 milliards de dollars, et ce, depuis des années.
Le professeur Timothy S. Rich, de l’Université Western Kentucky, a travaillé quatre ans sur le sujet. Dans le langage sécuritaire, on parle d’une Advance Fee Fraud (AFF), plus connue sous le nom de fraude 419, soit le numéro de l’article du code pénal nigérian qui condamne cette pratique. La pratique est née au Nigeria, mais elle s’est vite répandue dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, d’Asie du Sud-Est et d’Europe de l’Est.
Le principe est simple: contacter la victime par e-mail et lui demander de l’aide pour transmettre des millions vers son compte en échange de quoi elle recevra un bon pourcentage du total transmis. Pour cela, l’arnaqueur extorque des sommes variables à sa victime sous prétexte de frais nécessaires pour assurer le bon déroulement du virement, jusqu’à ce que la victime prenne conscience de la supercherie. À ce moment-là, l’utilisation de Western Union ou de MoneyGram rend l’arnaqueur intraçable, et celui-ci disparaît.
Fraude rodée
Pour le Washington Post, Rich recense quelques caractéristiques méconnues de ce phénomène permettant de mieux l’appréhender. Selon lui, la fraude 419 date d’avant Internet, et fonctionnait déjà par courrier dans les années 1970-1980. Il ne s’agirait pas d’actes isolés: les arnaqueurs sont issus d’organisations bien rodées et très hiérarchisées. Ces organisations ont tout travaillé pour faire un maximum de profit: les e-mails sont généralement intentionnellement mal écrits et peu crédibles pour toucher directement les individus les plus crédules et naïfs. Ils manipulent ces personnes en utilisant le champ lexical de la confiance, d’autant plus présent dans les e-mails que la somme d’argent impliquée est grande.
Pour lutter contre les fraudes 419, «l’éducation publique n’apparaît pas comme une approche utile», nous dit le professeur. Selon lui, il est bien plus efficace de développer des filtres anti-spams, qui pourraient utiliser cette donnée du champ lexical pour être plus performants.
Source: slate