La Russie a pris l’initiative sur le conflit en Syrie en annonçant coup sur coup mercredi avoir reçu son allié Bachar al-Assad pour sa première sortie du pays depuis 2011 et une réunion quadripartite incluant les Etats-Unis vendredi.
Parallèlement à son engagement militaire au côté du régime Assad face aux rebelles en Syrie, Moscou a affirmé qu’un “processus politique” devait succéder aux opérations militaires dans le pays meurtri par plus de quatre ans de guerre dévastatrice.
Au lendemain de la visite mardi de M. Assad à Moscou, le président russe Vladimir Poutine a en outre contacté les principaux dirigeants de la région, dont le roi saoudien et le président turc, tous deux hostiles au maintien du président syrien au pouvoir.
Le séjour de M. Assad, qui a été annoncé une fois ce dernier rentré à Damas, est intervenu alors que la campagne de l’aviation russe entrait dans sa quatrième semaine avec de nouveaux raids, dont l’un a touché un hôpital de campagne dans la province d’Idleb (nord-ouest) faisant 13 morts selon une ONG.
Souriant et visiblement détendu, le président syrien a remercié M. Poutine pour l’intervention de son aviation le 30 septembre en Syrie. “Le terrorisme qui s’est répandu dans la région aurait gagné encore plus de terrain s’il n’y avait pas eu vos actions (militaires) et votre décision”.
A Vladimir Poutine qui assurait que la Russie est prête “à faire tout (son) possible non seulement dans la lutte antiterroriste, mais aussi dans le processus politique”, M. Assad a répondu que “tout acte militaire doit être suivi par des mesures politiques”.
Pour le dirigeant russe, un règlement politique n’est possible qu'”avec la participation de toutes les forces politiques, ethniques et religieuses” du pays, et le dernier mot doit “revenir au peuple syrien”.
– Divergences persistantes –
La rencontre Poutine-Assad sonne comme un rappel: Moscou est plus déterminé que jamais à soutenir son allié, le porte-parole du Kremlin a affirmé que la question d’un éventuel départ du pouvoir de M. Assad n’avait pas été évoquée.
La visite risque surtout de faire grincer des dents parmi les détracteurs de M. Assad, notamment en Occident et en Turquie où l’appui militaire russe et politique au régime syrien n’a cessé d’être dénoncé.
D’ailleurs le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a répété qu’une éventuelle transition politique devait nécessairement être une “formule qui garantisse le départ” de M. Assad.
Et le président français François Hollande a affirmé que “rien ne doit être fait pour conforter Bachar al-Assad”.”Je veux croire que le président Poutine a convaincu Assad d’engager au plus tôt la transition politique et de quitter la place le plus rapidement possible”.
Ces divergences sur le conflit syrien seront sans doute étalées lors de la réunion vendredi à Vienne entre les chefs de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, américain John Kerry, saoudien Adel al-Jubeir et turc Feridun Sinirlioglu, ces trois derniers étant des farouches opposants à M. Assad.
M. Poutine, qui avait évoqué le risque de voir les “terroristes” venir en Russie pour justifier les frappes, a répété son inquiétude de voir “au moins 4.000 combattants issus des ex-républiques soviétiques se battre contre les troupes gouvernementales syriennes”.
Les groupes jihadistes en Syrie, principalement l’organisation Etat islamique et le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, comptent des milliers de combattants étrangers.
– Accord syro-américain –
Sur le terrain, l’aviation russe a frappé ces dernières 24 heures 83 cibles de groupes “terroristes” dans les provinces d’Idleb (nord-ouest), d’Alep (nord), de Deir Ezzor (est), de Damas et de Hama (centre), pour couvrir des offensives menées par l’armée qui ne parvient pas à prendre le dessus sur les rebelles.
Selon l’ONU, des dizaines de milliers de personnes ont été poussées à l’exode notamment à Alep face à ces offensives menées par les soldats avec aussi l’appui au sol des combattants iraniens et du Hezbollah libanais.
Depuis mars 2011, le conflit déclenché par la répression de manifestations réclamant des réformes a causé la mort de plus de 250.000 personnes et poussé à la fuite des millions de Syriens.
L?intervention de la Russie l’a rendu plus complexe car si Moscou affirme frapper l’EI et les “autres terroristes”, les Occidentaux et leurs alliés l’accusent de viser quasi exclusivement des provinces où le régime mène des offensives contre l’opposition considérée comme modérée, et où l’EI n’est pas présent.
Alors qu’une coalition internationale dirigée par les Etats-Unis mène depuis plus d’un an des frappes contre l’EI qui occupe la moitié de la Syrie, Moscou et Washington ont signé un protocole d’accord pour éviter tout incident entre leurs avions opérant séparément dans le ciel syrien.
Source: AFP